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Elections municipales 2026 La communication en période de campagne

Comme chacun sait, l’article L. 52-1 du code électoral interdit toute campagne ou promotion publicitaire des réalisations ou de la gestion d’une collectivité dans une optique de maintenir l’égalité entre les candidats au scrutin.

Cette interdiction prend effet « pendant les six mois précédant le premier jour du mois d’une élection et jusqu’à la date du tour de scrutin où celle-ci est acquise ».

Rapporté aux élections municipales de 2026, la période commence donc le 1er septembre prochain.

Il apparaît en ce sens utile de proposer un rappel des décisions de justice permettant d’apprécier, in concreto, ce qu’il est possible de faire ou non, notamment pour les futurs candidats déjà élus. En effet, la continuité du service public et l’information du public supposent de concilier cette interdiction aux impératifs de la gestion publique et donc, de ménager la communication institutionnelle normale.

Cela est d’autant plus important qu’à défaut d’une séparation stricte, le candidat-maire peut tomber sous la législation de l’article L. 52-8 du code électoral, lequel dispose en son deuxième alinéa que :

« Les personnes morales, à l’exception des partis ou groupements politiques, ne peuvent participer au financement de la campagne électorale d’un candidat, ni en lui consentant des dons sous quelque forme que ce soit, ni en lui fournissant des biens, services ou autres avantages directs ou indirects à des prix inférieurs à ceux qui sont habituellement pratiqués ».

Cet article vaut tant pour les collectivités que pour les entreprises et associations de droit privé et la jurisprudence sanctionne sévèrement toute infraction à ces dispositions en prononçant régulièrement l’inéligibilité de tout candidat l’ayant enfreint. Communiquer avec les moyens de la Ville pour sa campagne entre dans ce cadre (outre les répercussions concernant le compte de campagne).

1° Les destinataires de l’interdiction

Naturellement, l’interdiction s’adresse aux candidats, non aux tiers. Ainsi, la parution d’un article politique et polémique dans un grand quotidien local, la veille du scrutin, n’enfreint pas les dispositions susvisées (Conseil d’Etat, 28 décembre 1992, n° 135966). La distribution d’un document informatif intitulé Action sociale, l’ABC de vos droits, entièrement financé par des annonceurs, et accompagné d’un tract appelant à voter pour une liste n’enfreint pas plus l’interdiction puisqu’aucun candidat n’en est à l’origine (TA Lille, 21 septembre 1995, n° 95-1759).

Evidemment, les articles de presse sont hors de cette interdiction et peuvent, librement, présenter les candidats (Conseil d’Etat, 10 juin 1996, n° 162439).

De même, si la publicité n’a aucun lien avec l’élection, du moins qu’elle répond fortement et raisonnablement à un autre objet, il n’y a pas d’infraction ; ainsi en est-il du maire d’Ajaccio publiant un encart afin de féliciter le club de football local à la suite d’une victoire sportive (CE, Ass., 17 octobre 2003, n° 258487).

Dans le même ordre d’idée, il a été jugé qu’une campagne publicitaire qui s’est déroulée au cours du mois de mars 1994 (mois de l’élection en cause) pour la promotion de la marque le candidat était concessionnaire à Dijon, et dont les affiches comportaient un bandeau mentionnant: «N., son adresse et VOLVO» n’enfreignait aucunement les dispositions susvisées (Conseil d’Etat, 1er décembre 1995, n° 163140).

A l’inverse, la mise à la disposition d’un candidat, par une radio locale gérée par une association, d’un temps d’antenne quotidien justifie une censure eu égard au procédé manifeste de propagande et de promotion :

« Considérant que la mise à la disposition de M. F…, candidat aux élections régionales de la Réunion du 22 mars 1992, par Radio Free Dom, radio locale émettant à la Réunion et gérée par une association, d’un temps d’antenne quotidien au cours duquel ont été diffusées des émissions destinées à favoriser l’élection de la liste qu’il animait, a constitué, eu égard au contenu desdites émissions, l’utilisation d’un moyen de publicité commerciale à des fins de propagande électorale ; que les candidats figurant sur cette liste ont ainsi violé l’interdiction édictée par l’article L. 52-1 précité du code électoral »  (Conseil d’Etat, sect., 7 mai 1993, n° 135815).

2° La frontière avec la communication institutionnelle

Toutefois, la plupart des communications institutionnelles présentent un lien souvent ténu avec l’action publique qui, en apparence du moins, vient heurter pleinement l’interdiction de « promotion des réalisations ou de la gestion ». Le juge administratif a, de longue date, adopté une attitude finaliste et réalise une approche selon les deux corps du Roi.

Ainsi, il recherche si le Maire a communiqué en sa qualité de Maire pour l’administration de sa commune durant son mandat ou si le Maire a plutôt usé de sa qualité de Maire pour soutenir le candidat qu’il est. Le juge s’attache donc à vérifier le contenu, notamment les termes employés, de ces publications durant les six mois précédant le scrutin afin de vérifier qu’elles n’ont pas eu pour effet de rompre l’égalité de traitement entre les candidats, et donc, d’altérer la sincérité du scrutin.

Il a, par exemple, été jugé que le grief tiré d’un « bulletin municipal faisant état des réalisations et des projets de la commune dont [le candidat] est le maire, et d’avoir été mentionné sans autre commentaire, dans une information figurant dans le magazine du conseil général » n’enfreignait pas l’interdiction de promotion des candidats puisque « ces publications, eu égard notamment à leur contenu, ne sauraient être regardées comme constituant des procédés de publicité ».

La promotion doit être une promotion de l’action de l’élu ; il peut donc faire la promotion de la collectivité, sans référence politique, ou à l’inverse, évoquer librement les accomplissements de la commune dès lors que cela ne relève pas de la promotion. Il a ainsi pu être jugé: « qu’un candidat qui invite les électeurs de sa commune à lui adresser des courriers ne fait pas usage d’un procédé de publicité commerciale ; que M. X… n’est donc pas fondé à soutenir qu’en mentionnant sur son bulletin de campagne la possibilité de le joindre sur sa messagerie électronique, M. Z… aurait enfreint les dispositions du premier alinéa de l’article L. 52-1 du code électoral » (CE, 9 ss-sect., 28 novembre 2001, n° 235285).

De même, un candidat peut librement indiquer la possibilité qu’ont les électeurs de lui adresser des courriers, dès lors que cela ne relève pas d’un acte de promotion mais de la communication institutionnelle (Conseil d’Etat, 28 novembre 2001, n° 235285).

Le Conseil d’Etat a d’ailleurs eu l’occasion de rappeler lors des dernières élections municipales que :

« Mme C… soutient que la réunion tenue le 25 novembre 2019 à l’hôtel de ville de Beauvais, consacrée à la présentation de l’état d’avancement des projets du plan « Coeur de ville », a été organisée par la ville et la communauté d’agglomération de Beauvais en méconnaissance des dispositions de l’article L. 52-1 du code électoral citées au point 15. Toutefois, l’affiche diffusée pour l’annonce de cette réunion, comportant simplement son objet, son lieu et sa date, accompagnés d’un montage graphique illustrant un coeur ainsi que des logos de la ville, de la communauté d’agglomération et des plans « grand coeur de ville » et « action coeur de ville » n’excède pas les limites d’une information institutionnelle. Elle ne saurait être regardée comme une campagne de promotion publicitaire prohibée par l’article L. 52-1 du code électoral » (Conseil d’État, 10ème chambre, 29 décembre 2020, n° 441808 ; dans le même sens : Conseil d’État, 1ère – 4ème chambres réunies, 4 novembre 2020, 440355).

Il a également pu être jugé par les juridictions administratives que la diffusion d’un bilan de mandat par le maire-candidat, financé par la commune et comportant les armoiries de celle-ci, n’était pas prohibée si elle relevait de l’information institutionnelle et non d’une promotion publicitaire en faveur d’un candidat (Tribunal administratif de Versailles, 14 septembre 2020, n° 2002239). Si, dans cette affaire, le juge a retenu qu’aucune disposition n’empêchait de faire figurer les armoiries de la ville sur le bilan du Maire, ç’eut été une circonstance aggravante si le bilan avait excédé l’information institutionnelle.

3° Le cas spécifique du numérique (internet et réseaux sociaux)

L’ère numérique a naturellement impacté le droit électoral eu égard à l’importance majeure d’internet et des réseaux sociaux dans la communication moderne.

Si des usages détournés peuvent naturellement être sanctionné, une collectivité peut disposer d’un site internet, relayant les différents éléments listés ci-dessus, c’est-à-dire ce qui relève de la communication institutionnelle, sans difficulté (Conseil d’Etat, 2 juillet 1999, no 201622).

Il en va de même pour une liste puisque la Haute Juridiction administrative juge que « si la réalisation et l’utilisation d’un site Internet par la liste de M. Z… ont constitué une forme de propagande électorale par voie de communication audiovisuelle, cette action de propagande n’a, en l’espèce, alors que le contenu du site, dont le candidat assurait l’entière responsabilité à des fins électorales, n’était accessible qu’aux électeurs se connectant volontairement, pas revêtu un caractère de « publicité commerciale » au sens des dispositions précitées de l’article L. 52-1  » (Conseil d’Etat, 2 / 1 ss-sect. réunies, 8 juillet 2002, n° 239220).

Il est donc parfaitement légal, pour une liste aux élections législatives, de créer un site internet afin de réaliser une partie de leur propagande électorale via ce biais. Cependant, cela reste encadré puisque si l’usage d’un site internet de propagande électorale n’est pas un procédé de publicité commerciale, sa mise en avant via des accélérateurs en relève bel et bien.

Ainsi les publicités, google ou réseaux sociaux, visant à diffuer amplement le site ou son contenu enfreignent bien les dispositions de l’article L. 52-1 du code électoral. Le Conseil d’Etat a une position constante depuis de nombreuses années sur l’approche à tenir en pareille hypothèse :

« que la réalisation et l’utilisation d’un site internet par la liste conduite par M. W ont le caractère d’une forme de propagande électorale par voie de communication audiovisuelle pour l’application de l’article L. 52-1 du code électoral ; que, d’autre part, dès lors que le référencement commercial d’un site à finalité électorale sur un moteur de recherche sur internet a pour finalité d’attirer vers lui des internautes qui effectuent des recherches, même dépourvues de tout lien avec les élections municipales, ce référencement revêt le caractère d’un procédé de publicité commerciale, interdit par l’article L. 52-1 du code électoral » (Conseil d’Etat 13 févr. 2009, no 317637 ; dans le même sens : Conseil d’Etat, 25 février 2015, no 382904).

Naturellement, la solution est la même concernant les réseaux sociaux :

« Il résulte de l’instruction que l’une des colistières de M. C… chargée de la communication de sa liste a utilisé un procédé de publicité commerciale proposé par le réseau social Facebook, à l’occasion de la publication d’un article sur la page du candidat, entre le 29 février et le 9 mars 2020. Ce procédé a permis de donner plus de visibilité à la publication sur le réseau social en ciblant les utilisateurs âgés de 18 à 65 ans déclarant résider dans la commune d’Alixan. La publication ainsi promue indiquait que M. C… était candidat à l’élection municipale 2020 d’Alixan et comportait une photographie de sa liste et un lien vers sa page Facebook. Cette diffusion, qu’elle ait été volontaire ou non de la part du candidat, revêt le caractère d’un procédé de publicité commerciale interdit par le premier alinéa de l’article L. 52-1 du code électoral » (Conseil d’Etat, 28 mai 2021, n° 445567).

4° La sanction des manquements

En matière électorale, à l’exception du financement et du compte de campagne, rappelons que pour qu’une irrégularité entraîne l’annulation du scrutin, il faut qu’elle ait eu une incidence sur la sincérité du scrutin. Ainsi, dès lors que l’écart de voix apparaît trop significatif, l’irrégularité se voit neutraliser :

« En troisième lieu, s’il résulte de l’instruction que des accusations à l’encontre de M. B…, liées à un litige auquel il était partie lorsqu’il était maire de Frignicourt, ont été publiées, selon lui environ une semaine avant le scrutin, sur la page du réseau social « Facebook » intitulée « Frignicourt autrement », nom d’une liste candidate aux élections municipales de juin 2015, il ne résulte pas de l’instruction que M. B… aurait été dans l’incapacité de répondre en temps utile à ces propos, dont l’ampleur de la diffusion n’est pas établie. Dans ces circonstances et compte tenu de l’important écart des voix entre les listes candidates, ces publications, pour regrettables qu’elles soient, n’ont pas été de nature à altérer la sincérité du scrutin. » (Conseil d’État, 4 novembre 2020, 440355).

Une influence sur la sincérité du scrutin est nécessaire ; ainsi lorsque l’écart de voix est faible, l’irrégularité reprend toute sa force. A titre d’illustration, le Conseil constitutionnel a annulé une élection en raison de la diffusion de messages de propagande électorale le jour du scrutin, en violation de l’article L. 49 du code électoral, dès lors que l’écart de voix était faible et que la sincérité du scrutin s’en trouvait altérée (Cons. Constit., DC n° 2017-5092 AN du 18 décembre 2017, A.N., Loiret (4ème circ).

5° La protestation électorale

Les griefs relatifs à la période pré-électorale ou électorale doivent être soulevés dans les délais légaux, lesquels sont très particuliers en la matière (délai de 5 jours pour déposer la protestation et cristallisation des moyens invoqués dans ce délai).

Les juridictions rejettent les moyens présentés tardivement, c’est-à-dire insusceptible de se rattacher aux moyens présentés dans le délai de la protestation électorale ; c’est la version Intercopie du contentieux électoral :

« Les griefs tirés du maintien des opérations électorales en dépit de la pandémie de Covid-19, de l’irrégularité de la propagande électorale faisant valoir le bilan du maire sortant ainsi que du nombre trop élevé des procurations ont été présentés après l’expiration du délai fixé à l’article R. 119 du code électoral et ne se rattachent à aucun des griefs soulevés avant l’expiration de ce délai. Ils ne sont, par suite, pas recevables » (Conseil d’État, 8ème chambre, 23 novembre 2020, 442223).

En cas de doute sur les possibilités de communication ou dans le cadre d’une protestation électorale, n’hésitez pas à consulter nos avocats intervenant en droit électoral.