La liberté d’enseignement des établissements français à l’étranger validée par le Conseil d’Etat
Le Conseil d’Etat a récemment tranché une question de droit, tenant au respect, par les établissement français de l’étranger, du programme de l’Education Nationale.
Dans cette affaire, une école élémentaire proposait des cours dispensés en arabe ainsi que des cours d’arabe, ayant pour effet d’augmenter de deux heures le volume horaire des enseignements des élèves de l’école élémentaire (CM1 et CM2). Précisons que l’école en cause se situait sur le territoire du Royaume du Maroc, ce qui justifiait l’opportunité de l’apprentissage de la langue arabe ainsi que de la culture marocaine.
Si le droit français suppose une instruction en langue française, il permet cependant de prodiguer une part d’instruction dans une langue étrangère dès lors que cette dernière n’est pas prépondérante dans l’enseignement. Sous cette limite, les établissements français à l’étranger ont le droit d’apporter des aménagements tenant compte des spécificités de leur implantation.
En l’espèce, l’aménagement consistait donc en l’ajout de deux heures hebdomadaires d’instruction, ainsi que la délivrance de cinq heures hebdomadaires en langue arabe. L’administration n’avait pas manqué de s’y opposer et, après un long parcours judiciaire, le Conseil d’Etat est venu valider les aménagements proposés par l’école élémentaire, considérant qu’ils entraient pleinement dans la légalité et qu’ils étaient pertinents, notamment au regard de la coopération internationale :
4. D’autre part, s’agissant des règles générales applicables à la scolarité des élèves des écoles élémentaires, l’article L. 311-1 du code de l’éducation dispose qu’elle « est organisée en cycles pour lesquels sont définis des objectifs et des programmes nationaux de formation comportant une progression régulière ainsi que des critères d’évaluation », le nombre des cycles et leur durée étant fixés par décret. Aux termes de l’article L. 311-3 du même code : « Les programmes définissent, pour chaque cycle, les connaissances et les compétences qui doivent être acquises au cours du cycle et les méthodes qui doivent être assimilées. Ils constituent le cadre national au sein duquel les enseignants organisent leurs enseignements en prenant en compte les rythmes d’apprentissage de chaque élève. » Aux termes de l’article D. 311-10 du code de l’éducation, créé par le décret du 24 juillet 2013 relatif aux cycles d’enseignement à l’école primaire et au collège, lequel a abrogé l’article D. 321-2 de ce code, relatif à la scolarité de l’école maternelle à la fin de l’école élémentaire, auquel renvoie l’article R. 451-3 précité : » La scolarité de l’école maternelle à la fin du collège est organisée en quatre cycles pédagogiques successifs : / () 2° Le cycle 2, cycle des apprentissages fondamentaux, correspond aux trois premières années de l’école élémentaire appelées respectivement : cours préparatoire, cours élémentaire première année et cours élémentaire deuxième année ; / 3° Le cycle 3, cycle de consolidation, correspond aux deux années de l’école élémentaire suivant le cycle des apprentissages fondamentaux et à la première année du collège appelées respectivement : cours moyen première année, cours moyen deuxième année et classe de sixième ; () Le ministre chargé de l’éducation nationale définit par arrêté, pour chaque cycle, les objectifs d’apprentissage, les horaires et les programmes d’enseignement incluant des repères réguliers de progression ainsi que les niveaux de fin de cycle requis pour l’acquisition du socle commun prévu à l’article L. 122-1-1. / () « . Aux termes de l’article D. 521-10 du code de l’éducation, relatif à l’aménagement du temps scolaire dans les écoles maternelles et élémentaires : » La semaine scolaire comporte pour tous les élèves vingt-quatre heures d’enseignement, réparties sur neuf demi-journées. / () « . En application des dispositions de l’article D. 311-10 du code de l’éducation, les articles 1er et 2 de l’arrêté du 9 novembre 2015 de la ministre chargée de l’éducation nationale, fixant les horaires d’enseignement des écoles maternelles et élémentaires, prévoient, s’agissant de l’enseignement des langues vivantes étrangères ou régionales aux élèves des cycles 2 et 3, une durée annuelle de 54 heures et une durée hebdomadaire moyenne d’une heure et demie.
5. En l’espèce, il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que la décision en litige conduit à ce que les élèves des classes du CE1 au CM2 de l’école maternelle et primaire André Chénier à Rabat bénéficient chaque semaine, à compter de l’année scolaire 2019-2020, de vingt-six heures d’enseignement, soit deux heures de plus que le volume horaire fixé par l’article D. 521-10 du code de l’éducation cité au point 4 pour ces classes, dont cinq heures hebdomadaires d’enseignement en langue arabe, composé de deux heures d’enseignement, en langue arabe, d’une matière dispensée par un professeur de langue arabe et par un professeur des écoles, dans le cadre du dispositif dit B (enseignement d’une matière intégrée à une langue étrangère) et de trois heures d’enseignement de la langue arabe, la durée de ce dernier enseignement excédant ainsi le volume horaire hebdomadaire moyen d’une heure et demie attribué à l’apprentissage d’une langue étrangère dans ces classes en vertu de l’arrêté du 9 novembre 2015 cité au point 4. Compte tenu de ce que la politique française de coopération en matière d’éducation avec le Maroc a conduit, notamment, à la conclusion d’un accord relatif à l’enseignement de l’arabe dans les établissements scolaires français au Maroc signé le 10 mars 2000 à Rabat, prévoyant, pour les classes du CE1 au CM2 de ces établissements, que les élèves de nationalité marocaine bénéficient d’un enseignement hebdomadaire de la culture et de la langue arabes, laquelle est l’une des deux langues officielles du Royaume du Maroc, d’une durée minimale de cinq heures et que les élèves possédant d’autres nationalités peuvent bénéficier d’un tel enseignement pour une durée minimale de trois heures, ces dépassements du volume horaire hebdomadaire total et du nombre d’heures d’enseignement des langues étrangères ainsi que la dispensation en langue étrangère de deux heures d’enseignement d’une discipline non linguistique au programme, doivent être regardés comme un « aménagement » à l’organisation de la scolarité auquel, » pour tenir compte des conditions particulières dans lesquelles s’exerce [son] activité et pour renforcer [la] coopération avec les systèmes éducatifs étrangers « , l’école maternelle et primaire André Chénier était autorisée à procéder en application des dispositions du dernier alinéa de l’article R. 451-3 du code de l’éducation, prises sur le fondement de l’article L. 451-1 du même code, cité au point 2, qui renvoie à la «situation particulière» des établissements scolaires français étrangers et aux » accords conclus avec des Etats étrangers « . En jugeant le contraire, la cour a, dès lors, inexactement qualifié les faits qui lui étaient soumis» (CE, 4-1 chr, 23 déc. 2024, n° 472450).
Le juge administratif suprême a donc annulé l’arrêt rejetant le recours de l’AEFE et fait droit à ses demandes, retenant qu’il est loisible de s’écarter, raisonnablement, du programme de l’Education Nationale dès lors que les spécificités de l’implantation le justifie.
C’est une décision qui va donc dans le sens de la coopération internationale des système scolaires.