Custom Pages
Portfolio

Le fonctionnaire victime d’un accident de service : quand l’évaluation du préjudice devient essentielle

Le tribunal administratif de Poitiers, dans une décision du 19 septembre 2024, s’est prononcé sur la manière dont doit être évaluée l’indemnisation d’une fonctionnaire victime d’un accident de service en cas de responsabilité sans faute d’un centre hospitalier.

Une brancardière du CHU de Poitiers, victime d’un accident de service reconnu comme imputable au service réclame 22 569,02 euros pour ses préjudices. Le CHU reconnaît sa responsabilité, mais conteste le montant demandé.

Dans ce contexte, le tribunal administratif de Poitiers a été conduit à se prononcer sur la méthode d’évaluation applicable au montant du préjudice.

Dans un premier temps, le tribunal rappelle de manière pédagogique le principe de reconnaissance d’un droit à la réparation favorable au fonctionnaire victime d’un accident de service, indépendamment de toute faute de l’administration. Ce droit repose sur « un régime de protection institué par les dispositions relatives à la fonction publique, qui prévoient une indemnisation forfaitaire sous la forme, selon les cas, d’une rente d’invalidité ou d’une allocation temporaire d’invalidité ». Ce dispositif a pour objet de compenser les pertes de revenus et l’incidence professionnelle de l’incapacité physique subie à l’occasion du service, dans le cadre de l’obligation de garantie pesant sur l’employeur public.

Le tribunal précise toutefois que cette indemnisation forfaitaire n’exclut pas le droit, pour le fonctionnaire, de solliciter une réparation complémentaire lorsque subsistent des préjudices patrimoniaux d’une autre nature (frais médicaux non couverts, aménagement du logement, aide à domicile, etc.) ou des préjudices personnels (souffrances endurées, troubles dans les conditions d’existence, etc.). L’accident ayant été reconnu comme imputable au service, le tribunal conclut à la mise en jeu de la responsabilité sans faute du CHU de Poitiers, conformément aux principes dégagés en matière d’accident de service.

Dans un second temps, le tribunal précise la méthode d’évaluation des préjudices patrimoniaux et extrapatrimoniaux.

Sur le plan des préjudices extrapatrimoniaux, le tribunal expose succinctement l’évaluation des montants des chefs de préjudices.  Concernant les souffrances endurées par la victime, le rapport d’expertise a estimé ces dernières à un « niveau de 2,5 sur une échelle de 1 à 7, en prenant en compte la pathologie de la victime et son parcours de soins ». L’évaluation des préjudices extrapatrimoniaux est ainsi appliquée de manière purement forfaitaire.

Toutefois, l’évaluation des préjudices patrimoniaux se caractérise par une approche plus casuistique. Dans cette affaire, l’examen du préjudice patrimonial a été approfondi et orienté en faveur de la victime. Le tribunal rappelle que, pour déterminer l’indemnisation, « il ne revient pas au juge de prendre en compte la circonstance que l’aide aurait pu être apportée par un membre de la famille ou un proche de la victime ». En effet, en matière de recours à l’aide d’une tierce personne, le juge administratif doit évaluer l’indemnisation en fonction des besoins réels de la victime et des dépenses nécessaires pour y pourvoir, indépendamment des aides familiales ou informelles dont pourrait bénéficier la personne concernée.

Dès lors, le tribunal, en application de ce principe, a adopté une approche détaillée pour évaluer le besoin en assistance de la victime.

Finalement, le centre hospitalier universitaire de Poitiers doit seulement être condamné à verser à la victime la somme totale de 14 530 euros en réparation de ses préjudices au lieu des 22 569,02 euros demandés par la victime initialement. Cette décision démontre ainsi l’importance d’une évaluation rigoureuse et proportionnée des préjudices par le juge administratif et les expertises, prenant en compte les besoins réels de la victime tout en garantissant une indemnisation juste et conforme aux principes de la réparation intégrale.

Notre cabinet d’avocats représente les fonctionnaires dans leurs litiges avec les établissements publics hospitaliers.  N’hésitez pas à nous contacter ou prendre rendez-vous si vous souhaiter intenter une action ou obtenir conseil en matière de droit de la fonction publique.

 

Décision commentée :  Tribunal administratif de Poitiers, 19 septembre 2024, n° 2200994