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Organisme de formation : Suspension d’un refus d’habilitation BPJEPS

Le tribunal administratif de Nantes a rendu, le 27 octobre 2025, une ordonnance n° 2516942 remarquable dans le contentieux de la formation professionnelle aux métiers du sport et de l’animation. Cette décision illustre la vigilance des juridictions administratives face aux décisions de refus d’habilitation susceptibles d’affecter gravement l’activité économique des organismes de formation.

Un organisme de formation préparant aux métiers du sport, de la santé, du social et de la petite enfance, avait déposé le 11 avril 2025 une demande d’habilitation auprès de la délégation régionale académique à la jeunesse, à l’engagement et aux sports des Pays de la Loire. Cette demande visait la mise en œuvre du nouveau brevet professionnel de la jeunesse, de l’éducation populaire et du sport, spécialité Animateur, mention Animation socio-éducative ou culturelle, créé par arrêté du 9 novembre 2024 en remplacement des anciens BPJEPS animateur.

Par décision du 30 juillet 2025, l’administration a refusé cette habilitation au motif que le dossier ne démontrait pas suffisamment la capacité de l’organisme à mettre en place un système de suivi pédagogique et d’évaluation adapté. Face à ce refus aux conséquences potentiellement lourdes, la société IRSS a saisi le juge des référés sur le fondement de l’article L. 521-1 du code de justice administrative.

 

L’analyse de la condition d’urgence

Le juge des référés a considéré que la condition d’urgence était satisfaite en raison des conséquences économiques et humaines du refus d’habilitation. Cette appréciation mérite d’être soulignée car elle reconnaît la réalité des impacts d’une telle décision sur la viabilité d’un organisme de formation. La société requérante faisait valoir une perte de chiffre d’affaires estimée à 550 000 euros, un risque de licenciements sur le site d’Angers, ainsi qu’une atteinte à son image professionnelle. Le juge a également pris en compte le fait qu’une annulation au fond interviendrait dans un délai moyen de deux ans, ce qui aurait des conséquences désastreuses pour l’activité de l’organisme.

L’administration avait tenté de contester cette urgence en soulignant que la société avait attendu deux mois avant de déposer son recours et qu’elle ne pouvait de toute façon pas accueillir de stagiaires pour la rentrée de septembre compte tenu des délais d’instruction. Ces arguments n’ont pas convaincu le juge, qui a privilégié une approche pragmatique tenant compte de la réalité économique du secteur de la formation professionnelle.

 

Le doute sérieux quant à la légalité

Le juge a ensuite retenu une erreur manifeste d’appréciation, témoignant ainsi du contrôle que peut opérer le juge dans une matière où l’administration conserve une marge d’appréciation significative.

La société IRSS avançait plusieurs éléments substantiels pour soutenir que l’administration n’avait pas correctement apprécié son dossier. Elle soutenait ainsi que son dossier respectait les dispositions de l’arrêté du 9 novembre 2024, notamment en prévoyant des modules spécifiques consacrés à la transformation sociale via des temps théoriques, des animations et des projets à visée sociale. Elle contestait également le grief relatif à l’absence de formation ouverte aux mineurs, soulignant qu’aucune obligation légale ou réglementaire n’imposait cette ouverture et que l’administration n’avait jamais évoqué ce point dans ses demandes de compléments du 10 juin 2025.

L’organisme faisait également valoir que son projet pédagogique, établi pour la période 2024-2028, ne pouvait logiquement mentionner expressément l’animation socio-éducative et culturelle puisque le diplôme n’existait pas encore au moment de sa publication. Enfin, la société soulignait que le même cahier des charges avait été validé par d’autres délégations régionales académiques, ce qui renforçait le caractère potentiellement arbitraire du refus prononcé par l’administration des Pays de la Loire.

Devant l’accumulation des éléments, le juge a consdéré qu’il apparaissait en effet, eu égard aux motifs de refus, que l’administration avait procédé à une appréciation incorrecte et a donc censurer cette dernière sur le fondement de l’erreur manifeste d’appréciation.

La portée du contrôle juridictionnel en matière d’habilitation

Cette décision met en lumière l’étendue du contrôle exercé par le juge administratif sur les décisions de refus d’habilitation dans le domaine de la formation professionnelle. Bien que l’administration dispose d’un pouvoir d’appréciation pour examiner la conformité des dossiers aux clauses particulières du cahier des charges mentionné à l’article R. 212-10-11 du code de l’éducation, ce pouvoir n’est pas discrétionnaire et reste soumis au contrôle de l’erreur manifeste d’appréciation.

Le fait que le juge ait identifié un doute sérieux à ce stade de la procédure indique que l’administration devra, lors du réexamen, motiver de manière beaucoup plus précise et convaincante les insuffisances qu’elle reproche au dossier. L’ordonnance suggère implicitement que les griefs formulés dans la décision initiale pourraient ne pas reposer sur une base suffisamment solide.

Sur le plan procédural, le juge a d’abord écarté la fin de non-recevoir soulevée par l’administration, qui prétendait que la requête ne contenait aucun moyen permettant de remettre en cause la légalité de la décision. Cette position de l’administration apparaissait particulièrement audacieuse compte tenu du contenu effectif de la requête. Rappelons que l’existence de moyen non « danthonysable’ – c’est à dire hors moyen de procédure n’exerçant aucune influence sur le sens de la décision – et moyens inoppérants, tout moyen est de nature à remettre en cause la légalité d’une décision, notamment l’erreur manifeste d’appréciation.

Les implications pratiques pour les organismes de formation

Cette décision revêt une importance particulière pour l’ensemble des organismes de formation sollicitant des habilitations dans le domaine du sport et de l’animation ou dont l’accrédition/habilitation dépend d’une administration. Elle rappelle que l’administration ne peut refuser une habilitation sur la base de griefs insuffisamment étayés ou reposant sur des exigences non prévues par les textes applicables.

Les organismes de formation peuvent légitimement s’appuyer sur cette jurisprudence pour contester des refus d’habilitation qui leur sembleraient empreint d’une erreur d’appréciation insuffisamment motivés. La décision souligne également l’importance de constituer un dossier complet et cohérent, tout en documentant précisément les échanges avec l’administration durant la phase d’instruction.

Si vous rencontrez une difficulté en lien avec cette matière, n’hésitez pas à consulter nos avocats en droit des Organismes de Formation !