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La responsabilité de l’établissement de soins pour faute

Le cabinet vous propose un point en matière d’erreur médicale et notamment de recherche de l’indemnisation des préjudices subis en cette hypothèse.

Trois décisions récentes viennent rappeler que hormis certaines responsabilités particulières (défaut de produit de santé), les fautes, dans la prévention, le diagnostic ou les soins sont de nature à engager la responsabilité des établissements de santé.

Rappelons que le principe de l’indemnisation en droit français est celui de l’indemnisation intégrale permettant à la victime de réclamer l’indemnisation de tous les préjudices en lien direct avec la faute de l’auteur du dommage.

Le Tribunal administratif de Paris a ainsi eu l’occasion de sanctionner un groupe hospitalier en raison de sa carence dans la prise de mesures de préventions aux fins d’éviter une chute d’un patient hospitalisé :

« 2. Aux termes de l’article L. 1142-1 du code de la santé publique : « I. -Hors le cas où leur responsabilité est encourue en raison d’un défaut d’un produit de santé, les professionnels de santé mentionnés à la quatrième partie du présent code, ainsi que tout établissement, service ou organisme dans lesquels sont réalisés des actes individuels de prévention, de diagnostic ou de soins ne sont responsables des conséquences dommageables d’actes de prévention, de diagnostic ou de soins qu’en cas de faute ».

Il résulte de l’instruction, éclairée par le rapport d’expertise que le dommage, qui consiste en une perte complète de l’acuité visuelle gauche consécutive à l’apparition d’une plaie du globe oculaire par rupture en raison d’une contusion sévère présentée au décours de la chute survenue le 28 octobre 2020, trouve sa cause dans l’absence de mesures prises par le personnel hospitalier du service des urgences de l’hôpital Tenon, où il était hospitalisé après avoir été victime d’une chute à domicile en lien avec un infarctus sylvien profond droit, pour éviter une nouvelle chute. L’AP-HP ne conteste pas que de telles mesure n’aient pas été prises, mais fait valoir qu’elle doit être partiellement exonérée de sa responsabilité s’agissant de cette faute, au regard du contexte de pandémie qui prévalait à la date des faits. Elle n’apporte cependant aucun élément précis permettant de justifier le défaut de surveillance de M. G en raison des contraintes d’organisation impliquées par le contexte de l’automne 2020, ni l’absence de mesures visant à prévenir, au regard de son état de santé, l’apparition d’une nouvelle chute. Dans ces conditions, M. D G est fondé à soutenir que l’AP-HP a commis une faute de nature à engager sa responsabilité, qui est à l’origine de l’intégralité des préjudices en lien avec la chute de son père survenue au sein du service des urgences de l’hôpital de Tenon le 28 octobre 2020. » (TA Paris, 31 janv. 2025, n° 2318783).

Eu égard aux conséquences subies par la victime, le tribunal a retenu que le préjudice d’affection, le préjudice d’assistance par tierce personne à titre viager, le préjudice esthétique, le préjudice de déficit fonctionnel permanent et celui des souffrances endurées devaient être indemnisés, tous présentant un lien direct avec la faute dans la prévention de la chute du patient.

Dans deux autres affaires, les tribunaux administratifs de Lille et de Lyon ont eu l’occasion de trancher sur l’existence d’une faute dans les soins prodigués au patient en retenant, là aussi, la responsabilité de l’établissement de soins pour une pratique non conforme aux règles de l’art.

A Lille, la faute dans la pratique des soins a été reconnue en ce qu’elle n’était pas à jour des connaissances scientifiques au moment de sa pratique. La décision donne un très bon exemple de la pratique du droit médical puisque le juge contrôle les soins en eux-mêmes et concrètement :

 « Il résulte de l’instruction, et notamment du rapport d’expertise du Pr K, que si Mme O se plaignait, à la date des faits litigieux, d’une douleur persistante au genou gauche, à laquelle les traitements médicaux prescrits jusque-là n’avaient pas permis de remédier, les différentes imageries réalisées ne révélaient aucune particularité. Se fondant sur l’ouvrage d’imagerie musculosquelettique du professeur A F, publié avant les faits en litige, l’expert a souligné que la distance transversale entre la gorge trochléenne à sa partie supérieure et la tubérosité tibiale antérieure, évaluée à 12 mm à partir du scanner réalisé le 28 août 2019, n’excède pas la valeur normale, laquelle est comprise entre 10 et 15 mm. Il ajoute qu’une bascule rotulienne peut être considérée comme pathologique à partir de 20°. Or, en contraction, la bascule rotulienne du genou gauche de Mme O était de 13 ° et en décontraction de 7°. Ainsi, contrairement à ce que mentionne l’avis critique du Pr H, produit en défense, qui évoque à propos de ce scanner des mesures « un peu limite », sans préciser la littérature médicale sur laquelle il se fonde pour aboutir à cette conclusion, et en dépit de ce qu’a retenu le praticien du centre hospitalier d’Arras lors de la consultation du 11 septembre 2019, l’analyse du scanner du 28 août 2019 révélait des valeurs se situant à un niveau plutôt médian au sein des valeurs considérées comme normales à la date des faits litigieux. Il s’ensuit, sans qu’importe la circonstance que le Pr K ait cité le symposium de la Société française de chirurgie orthopédique et traumatologique (SOFCOT) effectivement postérieur de quelques jours à l’intervention en litige, dès lors qu’il s’est également fondé sur d’autres éléments de littérature médicale, parmi lesquels les travaux du docteur I J datant de 2015 dont l’expert a reproduit un schéma d’analyse s’agissant de l’opportunité d’une indication chirurgicale, que l’intervention chirurgicale du 5 novembre 2019 n’était pas conforme aux données acquises de la science à cette date. Le centre hospitalier d’Arras a donc commis une faute de nature à engager sa responsabilité » (TA Lille, 8 janv. 2025, n° 2203911).

La décision du Tribunal administratif de Lyon, outre la circonstance qu’elle retienne une faute médicale, est intéressante en ce qu’elle rappelle que lorsqu’il est manifeste que le principe de la faute et du préjudice sont fixés, il n’y a pas de contestation sérieuse. Dès lors, la victime est fondée à agir en référé provision pour obtenir une provision à valoir sur ses préjudices le temps de la procédure :

« Il résulte de l’instruction, notamment du rapport de l’expertise médicale ordonnée le 23 juin 2022 par le juge des référés du tribunal et n’est pas sérieusement contesté en défense, qu’à l’occasion de l’anesthésie en vue de la réalisation d’une septoplastie par voie endonasale avec turbinoplastie inférieure bilatérale, le médecin anesthésiste réanimateur du centre hospitalier universitaire de Saint-Étienne a, le 10 décembre 2021, un peu après 11 h, injecté par erreur à M. B trois milligrammes de noradrénaline, ce qui a entraîné dans les suites immédiates une tachycardie supraventriculaire jusqu’à 200 battements par minute puis un tableau de « myocardial injury » de type 2. Il résulte de l’instruction, notamment du rapport de l’expert et n’est pas contesté par le centre hospitalier universitaire, que cette injection de noradrénaline n’était pas conforme aux règles de l’art et constitue ainsi une faute de nature à engager la responsabilité du centre hospitalier universitaire de Saint-Étienne. Par suite, n’est pas sérieusement contestable le principe de l’obligation du centre hospitalier universitaire de Saint-Étienne d’indemniser les conséquences dommageables de cette faute. » (TA Lyon, 28 janv. 2025, n° 2309577).

Eu égard à la durée des recours indemnitaire en France (12 à 18 mois devant l’ordre administratif), il est souvent nécessaire en pratique de mettre en œuvre cette procédure.

Si vous rencontrez une difficulté en droit médical, n’hésitez pas à contacter les avocats du cabinet.