La responsabilité des chirurgiens-dentistes : entre exigences déontologiques et protection du praticien
L’exercice de la profession de chirurgien-dentiste s’inscrit dans un cadre juridique exigeant qui confronte régulièrement les praticiens à des situations complexes. Entre les attentes légitimes des patients et les contraintes inhérentes à l’art dentaire, les professionnels doivent naviguer avec prudence dans un environnement où leur responsabilité peut être engagée selon plusieurs régimes distincts (indemnitaire et ordinal).
La responsabilité du chirurgien-dentiste
La responsabilité civile du chirurgien-dentiste trouve son fondement dans les principes généraux du droit de la responsabilité contractuelle. En effet, la relation entre le praticien et son patient repose sur un contrat de soins qui, bien que généralement non écrit, n’en demeure pas moins juridiquement contraignant. Cette qualification contractuelle emporte des conséquences importantes quant au régime applicable et aux obligations qui pèsent sur le professionnel de santé.
Contrairement à une idée parfois répandue, le chirurgien-dentiste n’est pas tenu à une obligation de résultat généralisée dans l’ensemble de ses actes. La jurisprudence a progressivement affiné cette distinction fondamentale entre obligation de moyens et obligation de résultat, permettant ainsi une appréciation plus nuancée de la responsabilité du praticien.
Le principe demeure que le chirurgien-dentiste est généralement soumis à une obligation de moyens renforcée, conformément à l’article R. 4127-233 du code de la santé publique qui dispose que :
« Le chirurgien-dentiste qui a accepté de donner des soins à un patient s’oblige :
1° A lui assurer des soins éclairés et conformes aux données acquises de la science, soit personnellement, soit lorsque sa conscience le lui commande en faisant appel à un autre chirurgien-dentiste ou à un médecin ;
2° A agir toujours avec correction et aménité envers le patient et à se montrer compatissant envers lui ;
3° A se prêter à une tentative de conciliation qui lui serait demandée par le président du conseil départemental en cas de difficultés avec un patient. ».
Cela implique donc qu’il doit mettre en œuvre tous les moyens reconnus par la science pour parvenir à la guérison ou à l’amélioration de l’état de santé bucco-dentaire du patient, sans toutefois garantir un résultat précis. Cette approche respecte la nature même de l’art dentaire, qui comporte nécessairement une part d’incertitude liée aux réactions biologiques individuelles et aux facteurs externes indépendants de la volonté du praticien.
Cependant, en ce qui concerne les actes purement techniques ne comportant aucun aléa thérapeutique, tels que la fourniture de matériel ou de dispositifs médicaux défectueux. Dans ces hypothèses, le praticien ne peut se retrancher derrière l’aléa médical pour s’exonérer de sa responsabilité.
Ainsi, dans l’hypothèse de la pose d’implants entachée d’erreurs techniques, à laquelle s’ajoute une prescription d’antalgiques et d’antibiotiques entraînant un retard très critiquable à admettre l’existence de soins défectueux, le praticien commet une faute dans l’exercice de la profession (CDNOCD 10 févr. 2011, no 1870).
Ou encore, le fait de couronner des dents exemptes de toute lésion témoigne là encore d’une faute professionnelle (CDNOCD 13 mai 2013, n° 2064).
D’un point de vue général, le chirurgien-dentiste est responsable dès lors qu’il effectue des actes de soins non conformes aux données acquises de la science (CE, 10 avr. 2002, no 230531).
Cependant, le plus souvent c’est l’obligation d’information qui constitue l’un des aspects les plus sensibles de la responsabilité du chirurgien-dentiste. Cette obligation, consacrée tant par l’article R. 4127-236 du code de la santé publique que par l’article L. 1111-2 du même code, revêt une importance capitale dans la prévention des contentieux.
Aux termes de l’article L. 1111-2 :
« I. – Toute personne a le droit d’être informée sur son état de santé. Cette information porte sur les différentes investigations, traitements ou actions de prévention qui sont proposés, leur utilité, leur urgence éventuelle, leurs conséquences, les risques fréquents ou graves normalement prévisibles qu’ils comportent ainsi que sur les autres solutions possibles et sur les conséquences prévisibles en cas de refus. Elle est également informée de la possibilité de recevoir, lorsque son état de santé le permet, notamment lorsqu’elle relève de soins palliatifs au sens de l’article L. 1110-10, les soins sous forme ambulatoire ou à domicile. Il est tenu compte de la volonté de la personne de bénéficier de l’une de ces formes de prise en charge. Lorsque, postérieurement à l’exécution des investigations, traitements ou actions de prévention, des risques nouveaux sont identifiés, la personne concernée doit en être informée, sauf en cas d’impossibilité de la retrouver.
Cette information incombe à tout professionnel de santé dans le cadre de ses compétences et dans le respect des règles professionnelles qui lui sont applicables. Seules l’urgence ou l’impossibilité d’informer peuvent l’en dispenser.
Cette information est délivrée au cours d’un entretien individuel.
La volonté d’une personne d’être tenue dans l’ignorance d’un diagnostic ou d’un pronostic doit être respectée, sauf lorsque des tiers sont exposés à un risque de transmission ».
Ainsi, le praticien doit à la fois satisfaire à une obligation d’information du patient mais également à une obligation de non information quant au diagnostic ou au pronostic en l’absence de risque de communication et d’une demande expresse en ce sens du patient.
Il est ainsi jugé qu’un médecin doit informer son patient afin de lui permettre de prendre sa décision après avoir comparé les avantages et les risques qu’il encourt (Civ. 1re, 19 avr. 1988, n° 86-15.607).
Le patient doit être averti de la nature exacte de l’opération de soins qu’il va subir, des conséquences possibles, et du choix qu’il peut avoir entre deux ou plusieurs méthodes curatives (Cass. 28 janv. 1942, Parcelier c/ Teyssier: GADS, 3e éd., Dalloz, 2021, no 4). Le défaut d’information du patient peut être constitué dès que le patient n’a pas eu connaissance de l’existence d’alternatives thérapeutiques (Civ. 1re, 3 mars 1998, no 96-11.054), ce qui trouve particulièrement à s’appliquer en matière de soins esthétiques.
Cette obligation connaît un régime probatoire qui a longtemps été source de difficultés pour les praticiens. Historiquement, la charge de la preuve de l’information pesait sur le chirurgien-dentiste, ce qui le plaçait dans une position parfois délicate face à un patient contestant avoir été correctement informé.
La jurisprudence a progressivement assoupli cette rigueur en admettant que cette preuve puisse être rapportée par tous moyens ; position jurisprudentielle désormais codifiée. Ainsi, le praticien peut démontrer avoir satisfait à son obligation d’information en produisant des documents écrits signés par le patient, mais également par témoignages, présomptions ou tout autre élément permettant au juge de se forger une conviction (Civ. 1re, 14 oct. 1997, no 95-19.609 ; CE 14 nov. 2011, no 337715). C’est le sens des fiches de consentement que font signer les professionnels de soins avant de procéder à tout acte de soins.
La question est, sur ce point, apprécié identiquement par la Cour de cassation, juge du contentieux indemnitaire ou détachable, et par le Conseil d’Etat, juge disciplinaire ou de la faute de service.
Toutefois, la jurisprudence retient d’un point de vue général l’insuffisance de la remise d’une brochure exhaustive sans expliciter certains risques précis et dénué de toute explication par le praticien :
« sans rechercher, comme il lui était demandé, d’une part, si la nécrose cutanée à la jonction des cicatrices verticale et horizontale, complication connue pour les plasties abdominales dont elle avait constaté la survenance, n’aurait pas pu être évitée par un geste médical adapté, d’autre part, si M. Y… n’avait pas failli à son obligation d’expliciter les risques précis de l’abdominoplastie, notamment par la remise d’une brochure exhaustive, telle que celle qui avait été remise à Mme X… lors de la seconde intervention, la cour d’appel n’a pas donné de base légale à sa décision au regard des textes susvisés » (Civ. 1re, 6 févr. 2013, no 12-17.423).
Il est donc essentiel, pour les praticiens de procéder à une tenue scrupuleuse du dossier médical du patient. L’absence de traçabilité des informations délivrées constitue souvent le talon d’Achille du praticien dans les contentieux en responsabilité.
Toutefois, il convient de souligner que le défaut d’information n’entraîne pas automatiquement la condamnation du praticien à indemniser l’intégralité du préjudice subi par le patient. La jurisprudence de la Cour de cassation a précisé ce régime dans plusieurs décisions fondamentales.
Dans un premier temps, par un arrêt du 3 juin 2010, la première chambre civile a reconnu que le manquement à l’obligation d’information cause à celui auquel l’information était légalement due un préjudice que le juge ne peut laisser sans réparation (Civ. 1e, 3 juin 2010, n° 09-13.59).
Cette décision a consacré l’existence d’un préjudice moral autonome, dit préjudice d’impréparation, distinct de la perte de chance. Par la suite, la Cour de cassation a précisé que ce préjudice d’impréparation coexiste avec la perte de chance d’avoir pu refuser le traitement et d’éviter ainsi le risque qui s’est réalisé (Civ. 1e, 25 janvier 2017, 15-27.898).
Cette jurisprudence protège le praticien contre des condamnations disproportionnées lorsque l’acte médical était justifié et correctement réalisé mais que seule l’information, ou sa preuve, est défaillante.
Une fois la faute constituée, deux circuits sont à redouter pour le praticien : l’action en responsabilité, qu’elle soit personnelle ou administrative, et l’action disciplinaire. La distinction de ces deux actions tient tant à leur but qu’à leurs modalités.
La première des deux actions a pour objet l’indemnisation d’un préjudice et s’effectue donc dans un cadre de droit de la responsabilité, en majorité devant le tribunal judiciaire, sauf pour les actes de soins dispensés dans le cadre du service public.
La seconde a pour objet la sanction, par son Ordre, du praticien, et ne tend pas à l’indemnisation d’un préjudice. Son lien de causalité avec un préjudice est distendu et ce dernier ne constitue nullement une exigence de la procédure.
Le sort de ces deux actions ne sont pas nécessairement lié puisqu’une faute peut ne présenter aucun lien avec un préjudice et justifier un rejet sur le plan indemnitaire et une sanction sur le plan disciplinaire.
Il convient donc d’évoquer les deux pans possibles pouvant faire suite à une faute professionnelle effectuée par un praticien.
La procédure indemnitaire
La voie judiciaire classique constitue le circuit le plus fréquemment emprunté. Le patient peut saisir le tribunal judiciaire du lieu de résidence du défendeur ou du lieu d’exécution du contrat de soins. Cette procédure, qui relève de la responsabilité contractuelle, suppose que le demandeur démontre l’existence d’un contrat de soins, un manquement du praticien à ses obligations, un préjudice et un lien de causalité entre le manquement et le préjudice.
La représentation par avocat étant obligatoire devant le tribunal judiciaire, cette voie impose au patient un certain investissement procédural et financier. En outre, il s’agit de procédures lourdes et relativement longues qui vont souvent nécessiter une procédure d’expertise judiciaire s’agissant, pour le plus courant, d’éléments très techniques.
Le praticien confronté à une telle action dispose de plusieurs moyens de défense. Il peut contester l’existence même d’un manquement en démontrant que les soins ont été réalisés conformément aux règles de l’art et aux données acquises de la science. Il peut également contester le lien de causalité en établissant que le préjudice allégué résulte d’autres facteurs, tels qu’une pathologie préexistante, un défaut d’observance du patient ou une cause étrangère. La production d’une expertise médicale favorable constitue souvent l’élément central de la défense du praticien en l’absence de conclusions d’expertise judiciaire.
Précisons que la phase d’expertise judiciaire revêt une importance capitale dans ces contentieux puisque le juge n’a pas de compétence médicale. Le juge désigne généralement un expert médical chargé d’apprécier si les soins ont été conformes aux données acquises de la science et si les complications survenues constituent une conséquence normale ou anormale des actes pratiqués. Le praticien doit impérativement participer activement à cette expertise en se faisant assister par un conseil et en fournissant tous les éléments techniques nécessaires à la compréhension du dossier. Bien souvent, le juge, pour l’aspect technique du dossier, s’en rapportera au rapport d’expertise.
Parallèlement à la voie judiciaire, les patients peuvent solliciter une indemnisation au titre de la solidarité nationale dans le cadre du dispositif prévu par la loi du 4 mars 2002. Cette voie, qui passe par la Commission de conciliation et d’indemnisation des accidents médicaux (CCI), permet une indemnisation des dommages résultant d’infections nosocomiales, d’affections iatrogènes ou d’accidents médicaux non fautifs présentant un certain degré de gravité. C’est alors une responsabilité sans faute assumée par la solidarité nationale. Toutefois, si la commission conclut à l’existence d’une faute, elle transmet le dossier à l’assureur du professionnel de santé.
La procédure disciplinaire devant l’Ordre des chirurgiens-dentistes
Indépendamment de toute action indemnitaire, le chirurgien-dentiste peut faire l’objet d’une procédure disciplinaire devant les instances ordinales. Cette procédure obéit à des règles spécifiques et poursuit un objectif distinct de celui de la responsabilité civile, puisqu’il s’agit non pas d’indemniser un préjudice mais de sanctionner un manquement aux règles professionnelles et déontologiques.
L’Ordre national des chirurgiens-dentistes dispose d’un pouvoir disciplinaire sur l’ensemble des praticiens inscrits au tableau, conformément aux dispositions des articles L. 4124-1 et suivants du code de la santé publique. Les poursuites disciplinaires peuvent être engagées à l’initiative du conseil départemental de l’Ordre, du conseil national ou du représentant de l’État. Elles peuvent également faire suite à une plainte déposée par un patient, un confrère ou toute personne estimant qu’un praticien a contrevenu aux règles déontologiques.
Précisons que la procédure commence toujours devant le Conseil Départemental de l’Ordre ; suivi du Conseil National et, en cas de contestation, fini devant le Conseil d’Etat.
Le code de déontologie des chirurgiens-dentistes énonce l’ensemble des obligations qui s’imposent aux praticiens dans l’exercice de leur profession. Ces obligations couvrent des domaines aussi variés que le secret professionnel, la confraternité, la probité, l’indépendance professionnelle, la formation continue, la qualité des soins ou encore les relations avec les patients et les autres professionnels de santé. Tout manquement à ces obligations est susceptible de justifier une sanction disciplinaire, indépendamment de l’existence ou non d’un préjudice pour le patient.
La procédure disciplinaire se déroule en plusieurs phases. Elle débute par une instruction menée par un rapporteur désigné au sein de la chambre disciplinaire de première instance, qui siège au niveau régional. Durant cette phase, le praticien mis en cause doit être informé des griefs qui lui sont reprochés et mis en mesure de présenter ses observations écrites. Il peut se faire assister par un avocat dès ce stade, ce qui est vivement recommandé compte tenu de la technicité des règles applicables et des enjeux pour le praticien.
À l’issue de l’instruction, l’affaire est appelée devant la chambre disciplinaire de première instance. L’audience est en principe publique, sauf si le praticien ou le plaignant demande le huis clos. Le praticien comparaît personnellement ou peut se faire représenter par un confrère ou un avocat. Il bénéficie de l’ensemble des garanties du droit à un procès équitable, notamment du principe du contradictoire et du droit à être entendu. A peu de choses près, la plupart des garanties procédurales applicables aux juridictions administratives sont également applicables. La chambre disciplinaire statue après avoir entendu le rapport, les observations du plaignant s’il comparaît, celles du praticien poursuivi et les réquisitions du représentant du conseil départemental de l’Ordre.
Les sanctions disciplinaires susceptibles d’être prononcées sont énumérées par l’article L. 4124-6 du code de la santé publique et s’échelonnent selon un ordre de gravité croissante :
« Les peines disciplinaires que la chambre disciplinaire de première instance peut appliquer sont les suivantes :
1° L’avertissement ;
2° Le blâme ;
3° L’interdiction temporaire avec ou sans sursis ou l’interdiction permanente d’exercer une, plusieurs ou la totalité des fonctions de médecin, de chirurgien-dentiste ou de sage-femme, conférées ou rétribuées par l’Etat, les départements, les communes, les établissements publics, les établissements reconnus d’utilité publique ou des mêmes fonctions accomplies en application des lois sociales ;
4° L’interdiction temporaire d’exercer avec ou sans sursis ; cette interdiction ne pouvant excéder trois années ;
5° La radiation du tableau de l’ordre. »
Le contrôle des instances d’appel (Conseil National ou Conseil d’Etat) opère un contrôle de ce que la sanction disciplinaire est proportionnée à la gravité des faits reprochés et tient compte des circonstances de l’espèce, de la personnalité du praticien et de ses antécédents disciplinaires.
Ainsi, le Conseil d’Etat retient, au titre de l’exigence de proportionnalité, que lorsque plusieurs fautes sont poursuivies en même temps, la sanction globale ne puisse aller au-delà de la sanction la plus lourde :
« Considérant que s’il découle du principe de l’indépendance des poursuites pénales et disciplinaires que des sanctions pénales et disciplinaires peuvent se cumuler à raison des mêmes faits, le principe de proportionnalité implique toutefois, dans le cas où une interdiction temporaire d’exercice a été prononcée tant par le juge pénal sur le fondement des dispositions combinées des articles 132-40, 132-42 et 132-45 du code pénal que par le juge disciplinaire sur le fondement des dispositions du 4° de l’article L. 4234-6 du code de la santé publique, que la durée cumulée d’exécution des interdictions prononcées n’excède pas le maximum légal le plus élevé ; qu’il appartient au juge disciplinaire infligeant une interdiction temporaire d’exercice à une personne ayant fait l’objet d’une interdiction de même nature décidée par le juge pénal à raison des mêmes faits de prendre en compte, dans la fixation de la période d’exécution de la sanction qu’il prononce, la période d’interdiction d’exercice résultant de la décision du juge pénal et de faire en sorte que la durée cumulée des deux périodes n’excède pas le maximum de cinq ans fixé au 4° de l’article L. 4234-6 du code de la santé publique, plus élevé que celui fixé au premier alinéa de l’article 132-42 du code pénal ; » (CE 21 juin 2013, no 345500).
Pour les mêmes raisons, on ne peut condamner deux fois un praticien pour des mêmes faits ; dès lors, deux procédures visant les mêmes faits doivent être jointes et donner lieu à une sanction commune sous peine d’enfreindre la règle du non bis in idem (CE 22 oct. 1947, no 88925 ).
Enfin, précisons que juridictions ordinales ne peuvent prononcer une sanction plus lourde que celle requise par le plaignant ou le conseil départemental, principe qui protège le praticien contre une aggravation inattendue de sa situation d’office ou en appel.
Les décisions de première instance peuvent faire l’objet d’un appel devant la chambre disciplinaire nationale de l’Ordre, qui siège à Paris. Ce recours doit être formé dans un délai de trente jours à compter de la notification de la décision. L’appel est dévolutif, ce qui signifie que la chambre nationale réexamine l’affaire en fait et en droit. Elle peut confirmer, infirmer ou réformer la décision de première instance, y compris en aggravant la sanction si l’appel émane du conseil départemental ou du conseil national.
Au-delà de l’appel, les décisions des chambres disciplinaires peuvent faire l’objet d’un pourvoi en cassation devant le Conseil d’État. Ce recours, qui ne peut porter que sur des questions de droit et non sur l’appréciation des faits, constitue un ultime degré de contrôle juridictionnel destiné à assurer l’uniformité de l’interprétation des règles disciplinaires. Il est soumis au monopole légal des avocats aux Conseils.
La prévention du contentieux et les bonnes pratiques
Au-delà des aspects purement juridiques, la meilleure défense du chirurgien-dentiste face au risque de mise en cause de sa responsabilité réside dans l’adoption de bonnes pratiques professionnelles visant à prévenir la survenance de contentieux. Cette démarche préventive repose sur plusieurs piliers complémentaires qui, ensemble, constituent un bouclier efficace contre les litiges.
La tenue rigoureuse du dossier médical du patient représente le fondement de cette prévention. Ce dossier doit comporter l’ensemble des éléments permettant de retracer le parcours de soins du patient, depuis la première consultation jusqu’aux actes les plus récents. Chaque intervention doit être documentée avec précision, en mentionnant la date, la nature de l’acte, les constations cliniques, les radiographies réalisées, les matériaux utilisés et les suites prévues. Les informations délivrées au patient, ses questions, ses réticences éventuelles et son consentement doivent également figurer dans ce dossier. Face à une contestation ultérieure, ce dossier constituera la mémoire objective de la prise en charge et permettra au praticien de démontrer qu’il a agi conformément aux règles de l’art.
La communication avec le patient revêt une importance tout aussi capitale. Un patient correctement informé, écouté et respecté sera moins enclin à engager des poursuites en cas de complication.
À l’inverse, un sentiment d’abandon, de mépris ou de défaut d’information constitue souvent le terreau sur lequel prospèrent les contentieux. Le praticien doit donc veiller à consacrer le temps nécessaire à l’explication des traitements, à l’écoute des interrogations du patient et à l’établissement d’une relation de confiance. Cette démarche, qui relève certes du bon sens médical, constitue également une protection juridique efficace.
La souscription d’une assurance responsabilité civile professionnelle adaptée aux risques de l’activité constitue une obligation légale mais également une nécessité pratique. En cas de mise en cause, l’assureur prendra en charge tant la défense du praticien que l’indemnisation éventuelle des préjudices dans la limite des garanties souscrites. Il importe toutefois de vérifier régulièrement que les garanties demeurent adaptées à l’évolution de l’activité, notamment en cas de diversification des actes pratiqués ou d’exercice en structure collective.
La formation continue permet au praticien de maintenir et d’actualiser ses compétences conformément à l’évolution des connaissances scientifiques et des techniques. Au-delà de son caractère obligatoire, cette formation constitue un gage de qualité des soins et un élément de défense en cas de contentieux. Un praticien qui peut démontrer qu’il s’est formé régulièrement aux techniques les plus récentes sera mieux à même de justifier ses choix thérapeutiques et de contester toute accusation d’obsolescence de ses pratiques.
Enfin, la prudence commande au praticien de savoir identifier les situations à risque et d’adapter en conséquence son niveau d’exigence documentaire et informationnel. Certaines interventions, certains profils de patients ou certaines configurations cliniques présentent statistiquement un risque contentieux accru. Dans ces situations, le praticien aura intérêt à redoubler de vigilance dans la traçabilité de ses actes, à obtenir un consentement écrit particulièrement détaillé et, le cas échéant, à orienter le patient vers un confrère spécialisé lorsque la difficulté technique excède ses compétences habituelles.
Si vous êtes un professionnel de santé et que vous rencontrez une difficulté en matière de faute professionnelle, n’hésitez pas à consulter nos avocats.