Les transferts de pharmacies : les règles du jeu
Le transfert d’officine de pharmacie constitue une opération stratégique pour les pharmaciens titulaires, leur permettant d’adapter leur implantation aux évolutions démographiques, économiques ou réglementaires.
Cependant, cette opération, strictement encadrée par le Code de la santé publique, génère un nombre conséquent de litiges. Les enjeux économiques considérables et les réticences de l’administration occasionnent bon nombre de situations litigieuses.
Le transfert d’officine est défini comme le déplacement d’une pharmacie existante d’un lieu à un autre, que ce soit au sein d’une même commune ou vers une commune voisine. Cette opération est soumise à un régime d’autorisation administrative préalable délivré par le directeur général de l’Agence Régionale de Santé (ARS).
L’article L. 5125-3 du code de la Santé Public (CSP) pose deux conditions cumulatives strictes pour l’autorisation d’un transfert d’officine :
1) La desserte optimale en médicaments
Le transfert doit permettre une desserte en médicaments optimale au regard des besoins de la population résidente et du lieu d’implantation choisi par le pharmacien demandeur. Cette notion d’optimalité implique que le nouveau lieu d’implantation réponde de manière plus satisfaisante aux besoins de la population que l’emplacement d’origine.
L’article L. 5125-3-2 du CSP précise que le caractère optimal de la desserte s’apprécie au regard de trois critères cumulatifs :
- L’accessibilité extérieure : visibilité du local, existence de cheminements piétonniers sécurisés, disponibilité d’emplacements de stationnement, desserte par les transports en commun
- L’accessibilité intérieure : conformité des locaux aux normes d’accessibilité pour les personnes à mobilité réduite prévues aux articles L. 161-1 et L. 162-1 du Code de la construction et de l’habitation
- La desserte démographique : la pharmacie doit approvisionner la même population résidente ou une population nouvelle jusqu’ici non desservie (sans faire doublon).
2) L’absence de compromission de l’approvisionnement du quartier d’origine
Le transfert ne doit pas compromettre l’approvisionnement nécessaire en médicaments de la population résidente du quartier, de la commune ou des communes d’origine.
L’approvisionnement est considéré comme compromis lorsqu’il n’existe pas d’officine au sein du quartier, de la commune ou de la commune limitrophe accessible au public par voie piétonnière ou par un mode de transport motorisé, et disposant d’emplacements de stationnement.
L’unité géographique du quartier est définie par des limites naturelles ou communales ou par des infrastructures de transport. Il appartient au pharmacien demandeur de proposer une délimitation des quartiers d’accueil et d’origine dans son dossier, que l’ARS appréciera souverainement.
L’article L. 5125-3-3 du CSP prévoit un régime allégé pour les transferts au sein d’une même commune lorsque celle-ci ne dispose que d’une seule officine. Dans ce cas, seules les conditions relatives à la desserte optimale et à l’accessibilité sont exigées, sans qu’il soit nécessaire de démontrer l’absence de compromission de l’approvisionnement du quartier d’origine.
Au-delà des conditions de desserte, les locaux d’une officine de pharmacie doivent respecter des conditions minimales d’installation prévues à l’article R. 5125-9 du CSP. Ces conditions sont examinées lors de l’instruction de la demande et peuvent être contrôlées à tout moment par un pharmacien inspecteur de l’ARS.
La superficie, l’aménagement, l’agencement et l’équipement des locaux doivent être adaptés aux activités de l’officine et permettre le respect des bonnes pratiques pharmaceutiques Les locaux doivent former un ensemble d’un seul tenant, comprenant notamment :
- Un espace de vente accessible au public
- Un préparatoire, même en l’absence de préparations magistrales
- Une armoire ou un local de sécurité pour les stupéfiants
- Un emplacement pour le stockage des médicaments non utilisés
- Le cas échéant, une zone adaptée au commerce électronique
Le lieu d’implantation doit également garantir un accès permanent du public et permettre d’assurer un service de garde ou d’urgence conformément à l’article L. 5125-22 du CSP.
La procédure d’autorisation
La demande d’autorisation doit être adressée au directeur général de l’ARS du lieu où l’exploitation est envisagée. Elle doit comporter l’identité et la qualification du pharmacien demandeur, la localisation projetée, les éléments justifiant les droits sur le local, et tous documents démontrant que les conditions légales sont remplies.
L’arrêté du 30 juillet 2018 fixe la liste exhaustive des pièces justificatives exigées, incluant notamment des plans détaillés, une délimitation des quartiers d’origine et d’accueil, des éléments sur l’accessibilité et les transports, ainsi que des justificatifs relatifs aux locaux (bail, promesse de vente, permis de construire le cas échéant).
En cas de décision favorable, l’autorisation de transfert ne prend effet qu’à l’issue d’un délai de trois mois à compter de la notification de l’arrêté d’autorisation. Ce délai permet aux tiers intéressés (pharmaciens concurrents, syndicats) d’exercer un recours contentieux.
L’ouverture effective de la pharmacie au public doit ensuite être réalisée dans un délai maximum de deux ans à compter de la notification, sauf prorogation exceptionnelle accordée en cas de force majeure.
L’article L. 5125-20 du CSP établit un ordre de priorité entre les demandes concurrentes visant une même commune :
- Les demandes de regroupement sont prioritaires sur les demandes de transfert
- Les demandes de transfert sont prioritaires sur les demandes de création
- Parmi les demandes de création, les pharmaciens n’ayant jamais été titulaires ou ne l’étant plus depuis au moins trois ans bénéficient d’une priorité
À rang de priorité égal, c’est le droit d’antériorité qui s’applique, apprécié en fonction de la date et de l’heure d’enregistrement du dossier complet par l’ARS.
Le cadre juridique applicable a été substantiellement modifié par l’ordonnance n° 2018-3 du 3 janvier 2018 relative à l’adaptation des conditions de création, transfert, regroupement et cession des officines de pharmacie, complétée par le décret n° 2018-672 du 30 juillet 2018 et l’arrêté du 30 juillet 2018 fixant la liste des pièces justificatives.
Cette réforme avait pour objectif principal de simplifier les procédures de transfert et de regroupement d’officines.
Elle a notamment supprimé l’interdiction de cession ou de regroupement dans un délai de 5 ans suivant un premier transfert ou regroupement (anciennement prévu à l’article L. 5125-7 CSP) et allongé le délai pour effectuer le transfert suite à la notification de l’autorisation de l’ARS, le portant d’un à deux ans (article L. 5125-19 CSP).
Le pharmacien dont la demande a été rejetée dispose d’un délai de deux mois à compter de la notification pour exercer un recours gracieux auprès de l’ARS ou un recours hiérarchique auprès du ministre de la Santé, ou encore un recours contentieux devant le tribunal administratif.
Nausica Avocats
12 Rue des Eaux, 75016 Paris
09 78 80 62 27
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