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Point sur la jurisprudence récente sur l’autorisation d’instruction en famille

Les décisions rendues en octobre 2025 par les juridictions administratives illustrent la diversité des situations donnant lieu à un contentieux de l’instruction en famille depuis la réforme introduite par la loi du 24 août 2021. Ces affaires révèlent les tensions autour de l’approche à avoir quant au nouveau régime d’autorisation.

Nous vous proposons de revenir sur cinq décisions.

TA Lyon, 21 octobre 2025, n° 2512273 : Le respect des délais de dépôt des demandes

Le Tribunal administratif de Lyon suspend l’exécution de décisions de refus fondées sur le dépôt tardif des demandes d’autorisation. Le juge des référés retient un doute sérieux quant à la légalité de ces refus au regard de l’article L. 112-1 du code des relations entre le public et l’administration, selon lequel le cachet postal fait foi pour apprécier le respect d’un délai.

Cette décision rappelle l’importance du formalisme procédural et protège les familles contre des refus fondés uniquement sur des considérations temporelles, sans examen du fond. Le tribunal a enjoint à l’administration de réexaminer les demandes dans un délai de deux mois, reconnaissant ainsi que l’urgence est caractérisée par les conséquences sur l’équilibre des enfants, qui bénéficiaient auparavant d’une instruction en famille satisfaisante selon les contrôles pédagogiques. Malheureusement, aucune étude du dossier n’avait été réalisée par l’administration, puisqu’elle avait rejeté pour tardiveté sans aller plus loin, le juge n’a pu qu’enjoindre ce réexamen et non l’autorisation.

TA Pau, 23 octobre 2025, n° 2502843 : L’état de santé justifiant l’instruction en famille

Dans cette affaire, le juge des référés de Pau a ordonné la suspension d’un refus d’autorisation et enjoint au recteur de délivrer une autorisation provisoire pour une enfant présentant une hyperesthésie et une hypersensibilité liées à un haut potentiel intellectuel et un trouble du spectre autistique.

La décision est remarquable par son pragmatisme : le juge constate que l’administration n’a produit aucun élément établissant qu’un accompagnement individualisé adapté serait possible dans un établissement proche du domicile sans se contenter de la généralité de l’argumentaire habituel des rectorats.

Face aux témoignages circonstanciés de professionnels et à l’échec avéré d’une tentative de scolarisation, le tribunal considère que le motif tiré de la méconnaissance du 1° de l’article L. 131-5 crée un doute sérieux. Cette décision illustre le contrôle concret exercé par le juge sur l’appréciation administrative de l’état de santé de l’enfant, particulièrement lorsqu’il s’agit d’une très jeune enfant devant être scolarisée en cours d’année.

CAA Douai, 17 octobre 2025, n° 24DA01902 : L’exigence d’une situation propre étayée et démontrée

À l’inverse, la Cour administrative d’appel de Douai adopté une position stricte en confirmant le refus d’autorisation fondé sur le 4° de l’article L. 131-5 (situation propre à l’enfant). La Cour retient que l’administration doit vérifier l’existence d’une situation propre étayée motivant le projet éducatif, conformément à l’interprétation du Conseil constitutionnel.

En l’espèce, les parents invoquaient le souhait d’adapter le rythme d’apprentissage à la sensibilité et la curiosité de leur enfant, ainsi que des voyages professionnels au Maroc. La Cour juge que ces éléments, non assortis de justificatifs, ne caractérisent pas une situation propre de nature à déroger au principe de scolarisation en établissement.

Cette décision fixe ainsi un standard élevé d’exigence probatoire et souligne que les établissements scolaires sont en mesure de prendre en compte les situations individuelles des enfants lorsque celles-ci ne présentent pas de spécificités démontrées.

Elle illustre la ligne « dure » existant dans les différentes jurisprudences sur l’instruction en famille ; il conviendra de la combattre afin de permettre une interprétation plus conforme à l’esprit du texte selon laquelle la situation propre n’a qu’à être étayée sans pour autant justifier de particularités notoires.

TA Limoges, 21 octobre 2025, n° 2501624 et n° 2501513 : La phobie scolaire comme motif de santé

Les deux décisions du Tribunal administratif de Limoges concernent des situations de phobie scolaire et illustrent une approche favorable aux familles lorsque l’état de santé psychologique de l’enfant est solidement documenté.

Dans l’affaire n° 2501624, le tribunal annule le refus opposé à une mère dont la fille avait subi du harcèlement et des violences en milieu scolaire, développant une phobie scolaire attestée par une psychologue et un pédopsychiatre. Le juge relève que l’instruction en famille avait été autorisée pendant plus d’un an et demi avec des résultats satisfaisants au contrôle pédagogique.

De même, dans l’affaire n° 2501513, le tribunal constate que l’enfant souffre d’angoisses et de phobie scolaire l’ayant rendu incapable de fréquenter régulièrement son collège, nécessitant un suivi hospitalier. Dans les deux cas, le juge enjoint à l’administration de délivrer l’autorisation dans un délai d’une semaine, reconnaissant que l’instruction en famille est plus conforme à l’intérêt de l’enfant. Ces décisions confirment que la phobie scolaire, lorsqu’elle est médicalement établie et que les tentatives de scolarisation ont échoué, constitue un motif légitime au titre de l’état de santé.

Enseignements transversaux

Ces décisions révèlent plusieurs lignes directrices. D’abord, le juge exerce un contrôle concret et approfondi des situations individuelles, refusant de s’en tenir aux appréciations générales de l’administration. Ensuite, la qualité et la précision des justificatifs médicaux sont malheureusement encore déterminantes même hors motif pris de l’état de santé : attestations circonstanciées, certificats détaillés et témoignages concordants font la différence entre l’autorisation et le refus dans bien des cas.

Par ailleurs, l’historique de l’instruction en famille et les résultats des contrôles pédagogiques antérieurs constituent des éléments d’appréciation importants, rarement autonomes cependant.

Enfin, ces jurisprudences confirment que si le principe est désormais la scolarisation en établissement, les dérogations restent possibles lorsque l’intérêt supérieur de l’enfant, apprécié au cas par cas, le commande véritablement. Cela, théoriquement, doit s’apprécier au terme de la balance des intérêts des voies scolarisation que l’administration, ou le juge, se doit de mettre en œuvre.

Si vous rencontrez une difficulté en droit de l’instruction en famille, n’hésitez pas à réserver un rendez-vous avec Me Antoine Fouret.