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Annulation d’une exclusion définitive des services périscolaires d’un enfant en situation de handicap

Le tribunal administratif a rendu une décision intéressante sur l’application des principes disciplinaires à une exclusion non d’une école mais d’une cantine.

Dans cette affaire, un enfant de 9 ans, scolarisé en CM1 et souffrant de troubles du comportement, bénéficiait d’une aide humaine individuelle à 100 % reconnue par la MDPH, incluant le temps de restauration scolaire. Il était également orienté vers un dispositif ITEP-SESSAD.

Le 11 décembre 2023, lors de la pause méridienne, il a porté un coup à un autre enfant. Le maire a prononcé une exclusion de deux jours de la cantine et a averti les parents qu’une réitération entraînerait une exclusion définitive.

Le 23 janvier 2024, un nouvel incident s’est produit : l’enfant a porté un coup de poing à un autre élève et tenté de frapper la référente périscolaire. Le jour même, le maire a prononcé son exclusion définitive de la cantine scolaire entre 12h et 13h30, à compter du 25 janvier 2024.

Les parents ont contesté cette décision et saisi le juge des référés, qui a suspendu l’exclusion le 4 mars 2024. Le maire a alors retiré sa décision le 8 mars 2024 et réintégré l’enfant à la cantine dès le 11 mars. Les parents ont néanmoins maintenu leur recours au fond.

La décision du tribunal administratif

Par un jugement du 17 octobre 2024, le tribunal administratif de Rennes a annulé la décision d’exclusion définitive pour caractère disproportionné de la sanction.

Le tribunal rappelle le principe posé par l’article L. 131-13 du code de l’éducation : « L’inscription à la cantine des écoles primaires, lorsque ce service existe, est un droit pour tous les enfants scolarisés. Il ne peut être établi aucune discrimination selon leur situation ou celle de leur famille. »Cette disposition, issue de la loi du 27 janvier 2017 relative à l’égalité et à la citoyenneté, consacre un véritable droit subjectif à la restauration scolaire. Il ne s’agit plus d’un simple service facultatif.

Le tribunal reconnaît la légitimité d’une sanction face aux comportements constatés :

  • Coup de poing porté à un autre enfant le 23 janvier 2024
  • Tentative de frapper la référente périscolaire
  • Antécédents de violences physiques et verbales le 11 décembre 2023

Le règlement intérieur du service de restauration prévoit expressément que « tout enfant dont le comportement perturbe la vie en collectivité encourt des sanctions allant du simple avertissement à l’exclusion définitive ».

Le tribunal ne remet donc pas en cause le principe même d’une sanction, reconnaissant que de tels comportements, répétés malgré un premier avertissement, justifiaient une réponse disciplinaire proportionnée.

C’est sur la durée indéterminée de la sanction que le tribunal censure la décision municipale.

Le raisonnement du juge est le suivant:  bien que les faits justifiassent une sanction, l’exclusion prononcée « n’est pas limitée dans le temps » et est donc « disproportionnée ».

Cette solution repose sur le principe de proportionnalité des sanctions administratives, qui impose :

  • Une adéquation entre la gravité des faits et la sévérité de la sanction
  • Une prise en compte de la situation particulière de l’intéressé
  • Une limitation dans le temps des mesures privatives de droits

En l’espèce, plusieurs éléments rendaient la sanction disproportionnée :

  • L’enfant est en situation de handicap avec troubles du comportement reconnus
  • Il bénéficie d’une aide humaine à 100 % incluant le temps de cantine
  • Il est orienté vers un dispositif ITEP-SESSAD
  • L’exclusion définitive équivaut à une privation du droit à la cantine sans limitation temporelle
  • Aucun réexamen de la situation n’était prévu

Conclusion

Cette décision du tribunal administratif de Rennes apporte une clarification bienvenue sur les limites du pouvoir disciplinaire des maires en matière de cantine scolaire.

Le message est clair : si les comportements perturbateurs peuvent et doivent être sanctionnés pour préserver la sécurité et le bon fonctionnement du service, les exclusions doivent impérativement être limitées dans le temps et proportionnées à la gravité des faits et à la situation de l’enfant.

Cette exigence de proportionnalité est d’autant plus forte lorsque l’enfant est en situation de handicap et bénéficie de mesures d’accompagnement. L’exclusion définitive apparaît alors comme un aveu d’impuissance plutôt qu’une réponse éducative adaptée.

Au-delà de la solution juridique, cette affaire interroge plus largement sur les moyens donnés aux collectivités et aux personnels périscolaires pour accueillir dans de bonnes conditions les enfants présentant des troubles du comportement. L’éducation inclusive ne peut se réaliser sans formation, sans moyens humains suffisants, et sans coopération effective entre tous les acteurs (école, collectivité, MDPH, secteur médico-social, familles).

Le droit à la cantine n’est pas un droit absolu, mais son exercice ne peut être durablement entravé sans méconnaître tant le droit à l’éducation que le principe d’égalité qui doit guider l’action des services publics.

TA Rennes, 3e ch., 17 oct. 2024, n° 2400793.