
Exposition à l’amiante : condamnation de l’Etat pour carence
L’État doit assumer sa responsabilité en matière de protection des travailleurs contre les risques liés à l’amiante. Dans un arrêt du 1er juillet 2024, le tribunal administratif de Marseille réaffirme le rôle central de l’Etat dans la prévention des risques professionnels, en particulier en ce qui concerne l’amiante (TA Marseille, 1re ch., n° 2109596).
En effet, le tribunal administratif retient la responsabilité de l’Etat en raison de l’absence de mesures législatives ou réglementaires visant à limiter ou éliminer les dangers liés à l’exposition des travailleurs aux poussières d’amiante avant 1977.
Cette décision s’inscrit dans un contexte juridique où l’État est régulièrement mis en cause pour ses carences dans la gestion des risques liés à l’amiante depuis les années 1990. Initialement le contentieux était centré sur l’employeur, soumis à une obligation de santé et de sécurité envers ses salariés. Cependant, à partir des années 1990, l’État a été désigné comme un acteur central dans cette responsabilité, et sa faute a été progressivement reconnue, notamment par le Conseil d’État. Ce dernier a retenu la responsabilité de l’État en raison de l’absence de dispositions législatives et réglementaires suffisantes pour protéger les travailleurs (CE, ass., 9 nov. 2015, MAIF, n° 359548 ; CE, ass., 9 nov. 2015, SAS constructions mécaniques de Normandie, n° 342468).
Dans cette affaire un salarié exposé à l’amiante entre 1965 et 1992 demandait réparation pour les troubles subis et le préjudice moral lié à l’anxiété causée par cette exposition. Il cherchait à obtenir une indemnisation en raison de l’absence de mesures préventives avant 1977 et de l’insuffisance de la législation postérieure à 1977.
L’absence de législation avant 1977 : Une responsabilité partagée entre l’Etat et l’employeur
Le tribunal rappelle que l’État a une obligation claire : se tenir informé des dangers professionnels et prendre les mesures nécessaires pour protéger les travailleurs. Il doit également s’assurer de l’application de la réglementation qu’il met en place :
« 2. Il incombe aux autorités publiques chargées de la prévention des risques professionnels de se tenir informées des dangers que peuvent courir les travailleurs dans le cadre de leur activité professionnelle, compte tenu notamment des produits et substances qu’ils manipulent ou avec lesquels ils sont en contact, et d’arrêter, en l’état des connaissances scientifiques et des informations disponibles, au besoin à l’aide d’études ou d’enquêtes complémentaires, les mesures les plus appropriées pour limiter et si possible éliminer ces dangers. Il leur incombe également de s’assurer de l’application de la réglementation qu’elles ont mise en place. »
Ainsi, le juge affirme que l’Etat a commis une faute en ne prenant pas de mesures entre 1960 et 1977 alors que la nocivité de l’amiante était déjà bien connue.
Toutefois il précise que l’employeur, soumis à une obligation de santé et de sécurité, aurait dû connaître les risques pour les salariés et mettre en place les équipements adaptés. Le juge conclut ainsi à un partage de responsabilité.
L’insuffisance de la réglementation de 1977 : absence de lien direct entre le préjudice et la carence de l’Etat
Bien que le juge reconnaisse que les mesures adoptées à partir de 1977 n’ont pas assuré une protection suffisante, il considère néanmoins que les préjudices subis par le salarié ne trouvent pas leur origine dans la carence fautive de l’Etat en matière de réglementation.
Pour conclure, le juge administratif confirme les règles applicables en matière de responsabilité de l’Etat dans la protection des travailleurs exposés à l’amiante. Ainsi, avant la réglementation de 1977, l’Etat et l’employeur sont co-responsables des préjudices. Après 1977 il est difficile d’établir un lien direct entre la carence de l’Etat et les préjudices subis.
TA Marseille, 1re ch., 1er juill. 2024, n° 2109596.