Le Conseil d’Etat consacre à son tour le droit de se taire et l’obligation de notifier ce droit en matière disciplinaire
Le Conseil d’Etat vient de rendre une décision importante qui consacre, à la suite du Conseil constitutionnel, le droit de se taire en matière disciplinaire. L’affaire portait sur une sanction de déplacement d’office prise à l’égard d’un magistrat par le garde des sceaux.
Les questions à juger étaient les suivantes:
« 1) Quel est le champ d’application de l’obligation d’information sur le droit de se taire en matière disciplinaire ? Ce droit s’applique-t-il aux enquêtes administratives diligentées avant l’engagement d’une procédure disciplinaire ? Le cas où une enquête est diligentée alors que des poursuites disciplinaires sont déjà engagées justifie-t-il une solution particulière ? A quel(s) moment(s) et sous quelle forme l’information sur le droit de se taire doit-elle être délivrée ?
2) Quelles conséquences doivent être tirées de l’absence d’information sur le droit de se taire ? Dans quelles hypothèses un vice tiré de la méconnaissance de cette obligation d’information doit-il entraîner l’annulation de la sanction prononcée ? »
Le Conseil d’Etat fait application de l’article 9 de la déclaration des droits de l’Homme et du citoyen de 1789 qui prévoit que « Tout homme étant présumé innocent jusqu’à ce qu’il ait été déclaré coupable, s’il est jugé indispensable de l’arrêter, toute rigueur qui ne serait pas nécessaire pour s’assurer de sa personne doit être sévèrement réprimée par la loi. »
De ce principe, le Conseil d’Etat retient que le principe selon lequel nul n’est tenu de s’accuser, découle le droit de se taire. Ces exigences s’appliquent non seulement aux peines prononcées par les juridictions répressives mais aussi à toute sanction ayant le caractère d’une punition.
Il ajoute que « ces exigences impliquent qu’une personne faisant l’objet d’une procédure disciplinaire ne puisse être entendue sur les manquements qui lui sont reprochés sans qu’elle soit préalablement informée du droit qu’elle a de se taire. Il en va ainsi, même sans texte, lors qu’elle est poursuivie devant une juridiction disciplinaire de l’ordre administratif. A ce titre, elle doit être avisée qu’elle dispose de ce droit tant lors de son audition au cours de l’instruction que lors de sa comparution devant la juridiction disciplinaire. En cas d’appel, la personne doit recevoir à nouveau cette information.
Le Conseil d’Etat tire ensuite les conséquences de ce nouveau principe: « il s’ensuit, d’une part, que la décision de la juridiction disciplinaire est entachée d’irrégularité si la personne poursuivie comparait à l’audience sans avoir été au préalable informée du droit qu’elle a de se taire, sauf s’il est établi qu’elle n’y a pas tenu de propos susceptible de lui préjudicier. » Ainsi, la méconnaissance de l’obligation d’informer du droit de se taire n’entraine la nullité de la sanction seulement si cela a eu une incidence sur la sanction, ce qui affaiblit la portée de ce principe.
Le Conseil d’Etat indique enfin que « pour retenir que la personne poursuivie a commis des manquements et lui infliger une sanction, la juridiction disciplinaire ne peut, sans méconnaitre les exigences mentionnées aux points 2 et 3, se déterminer en se fondant sur les propos tenus par cette personne lors de cette audition pendant l’instruction si elle n’avait pas été préalablement avisée du droit qu’elle avait de se taire ».
Décision commentée : Conseil d’Etat, 19 décembre 2024, n° 490157
Voir aussi TA Versailles, 6 déc. 2024, n° 2409824 ; TA La Réunion, 10 oct. 2024, n° 2401253 ; TA Bordeaux, 3e ch., 31 oct. 2024, n° 2403359 ; Conseil constitutionnel, Décision n° 2024-1105 QPC du 4 octobre 2024
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