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AESH : Revue du contentieux sur l’affectation effective

La question du respect des notifications de la Maison Départementale des Personnes en situation de Handicap (MDPH) continue d’agiter le quotidien de nombreux enfants y ayant droit mais ne disposant d’aucune concrétisation de ce droit.

Quand le droit est effectif, la plupart du temps il n’est que partiellement respecté : soit la quotité horaire n’est pas respectée, soit l’aspect individualisé de l’affectation se transforme en un aspect mutualisé.

La difficulté se dédouble lorsqu’il s’agit de combattre judiciairement ces situations puisque les juridictions ont une approche très concrète en la matière et n’exigent pas plus qu’une obligation de moyen de la part de l’Etat et de ses émanations. Cela permet à l’administration de se dédouaner ses carences.

En cette période estivale, le cabinet vous propose un point sur le contentieux lié au respect des notifications MDPH concernant les AESH.

Rappelons qu’en droit, les personnes dont la situation est reconnue comme constitutive de handicap par la MDPH disposent de certains droits.

Naturellement, les élèves en situation de handicap bénéficient des droits génériques en matière de droit de l’éducation, au premier rang desquels figure le droit à l’instruction, et le droit à une scolarité égale portée par l’article L. 111-2 du code de l’éducation :

« Tout enfant a droit à une formation scolaire qui, complétant l’action de sa famille, concourt à son éducation.

[…]

Pour favoriser l’égalité des chances, des dispositions appropriées rendent possible l’accès de chacun, en fonction de ses aptitudes et de ses besoins particuliers, aux différents types ou niveaux de la formation scolaire »

Parmi ces droits, figurent la possibilité de bénéficier d’une AESH individualisée ou mutualisée (D. 351-16-1 du code de l’éducation) selon la décision de la CDAPH (L. 146-9 du code de l’action sociale et des familles).

Le principe, porté par de nombreuses autres dispositions, est clair : seule la MDPH décide de si un aménagement est nécessaire et de sa volumétrie.

Toutefois, comme pour tout principe et tout texte, c’est du côté de la jurisprudence qu’une réalité plus nuancée se dessine.

Dans une affaire où les parents d’un enfant porteur de troubles reconnus par la MDPH ont saisi le juge des référés pour obtenir l’affectation d’un accompagnant d’élève en situation de handicap (AESH) à 100% du temps scolaire, le tribunal a constaté que l’AESH avait été recruté après la rentrée, mais à un taux insuffisant et était mutualisé alors même que la notification MDPH précisait son caractère individualisé (Tribunal administratif d’Orléans, 21 octobre 2024, n° 2403908 ; dans le même sens : Tribunal administratif d’Orléans, 21 octobre 2024, n° 2403864).

Cette décision, peu pertinente pour son apport juridique, souligne une réalité régulière de ce contentieux : beaucoup de familles doivent saisir un juge pour voir leur droit enfin appliqué.

Dans une autre décision, le juge a rejeté la demande d’une mère visant à faire cesser le non-respect des besoins de compensation pour sa fille, estimant que l’urgence n’était pas caractérisée, et de manière plus sibylline, que le doute sérieux sur la légalité, n’était pas établi.

Pour écarter l’urgence, il a ainsi retenu que :

« Par décision du 18 janvier 2024, la commission des droits et de l’autonomie des personnes handicapées de l’Hérault a accordé une aide humaine individuelle valable jusqu’au 31 août 2026 à l’enfant de Mme C. Il ressort des termes du courrier électronique du 25 septembre 2024 du rectorat de l’académie de Montpellier produit par Mme C, que l’enseignante-référente s’efforce d’assurer le remplacement de l’aide humaine affectée à son enfant. Ainsi, Mme C n’établit pas que cette absence serait de nature à porter un préjudice suffisamment grave et immédiat aux intérêts qu’elle entend défendre qui caractériserait l’existence d’une situation d’urgence. En outre, en l’état de l’instruction, la mesure sollicitée par Mme C et tendant à ce qu’il soit ordonné à la direction des services départementaux de l’éducation nationale de Montpellier d’affecter une aide humaine individuelle sur tout le temps scolaire de sa fille, n’est pas utile dès lors que les services académiques œuvrent à cette fin. » (Tribunal administratif de Montpellier, 3 octobre 2024, n° 2405653).

Cette décision, particulièrement sévère, illustre cependant bien la position très restrictive de certains juges des référés privilégiant une approche très réaliste fondée sur le manque de moyens matériels et humains du Ministère. Neuf mois n’auront pas suffi pour que le juge reconnaisse la situation d’urgence liée au péril du droit à l’instruction de l’enfant pour le motif que l’administration « s’efforce » d’assurer sa mission.

Toutefois, les situations les plus graves et dans lesquelles les requérants ont été suffisamment diligents sans rester en attente pendant des mois donnent lieu à une reconnaissance de l’urgence :

« Il résulte de l’instruction que par une décision du 28 mai 2024, la commission des droits et de l’autonomie des personnes handicapées (CDAPH) de la maison départementale des personnes handicapées (MDPH) des Alpes-Maritimes a accordé à l’enfant des requérants, la jeune A, âgée de six ans, un accompagnement scolaire individuel à raison de trente-six heures par semaine dont huit heures dans les actes de la vie quotidienne, combiné à une orientation vers une unité localisée pour l’inclusion scolaire (ULIS). Les requérants soutiennent que l’aide individuelle partiellement mise en place en début d’année scolaire a totalement cessé depuis le mois de décembre 2024, l’AESH dont bénéficiait leur enfant est absente et n’a pas été remplacée et que cette situation, résultant de la carence des services de l’Etat, place leur enfant dans une situation d’urgence dès lors qu’il ne peut bénéficier d’un accompagnement adapté à ses besoins et auquel elle a pleinement droit. Si la rectrice de l’académie de Nice soutient qu’il n’est pas démontré par les requérants que la scolarisation de leur enfant au sein d’une classe ULIS ne lui permet pas de tirer profit de ce dispositif spécialisé, et qu’il n’existe pas d’obstacle à la scolarisation effective de l’enfant ni d’atteinte réellement portée à son légitime droit à l’instruction à six semaines de la fin de l’année scolaire, il n’est pas sérieusement contesté par l’administration que cet enfant qui n’est pas autonome, ne bénéficie depuis le mois de décembre 2024 d’aucun accompagnement personnel, y compris dans les actes de la vie quotidienne. Dans ces conditions, et dès lors que l’affectation dans une ULIS n’est pas exclusive d’un accompagnement individualisé, les effets de la décision en litige sont de nature à caractériser l’urgence de la demande des requérants, au sens des dispositions de l’article L. 521-1 du code de justice administrative. » (TA Nice, 19 mai 2025, n° 2502455).

Cette décision est très intéressante en ce qu’elle rappelle que l’accompagnement par une AESH n’est pas exclusif d’une scolarisation effective en Ulis, ou n’importe quel autre type d’établissement, ces deux pans de la décision de la MDPH répondant à des objectifs différents.

Elle retient en outre, sous l’angle du doute sérieux, que dans certaines situations, comme celles du cas d’espèce, l’obligation de moyen pesant sur l’administration se transforme en une réelle obligation de résultat en faisant fi de l’argument lié aux difficultés de recrutement avancé par le Rectorat : « les difficultés récurrentes de recrutement des accompagnants d’élèves en situation de handicap avancées par l’administration en réponse, au demeurant non établies étant sans incidence » (Ibid.).

De même, lorsque la situation produit des conséquences sur la scolarité de l’enfant, comme des sanctions disciplinaires du fait de débordements liés à ses troubles, le juge retient l’urgence de la situation au sens du référé-suspension même en présence d’un respect réel de la notification MDPH quand l’école a refusé les autres mesures sollicitées :

« Il résulte de l’instruction que, ainsi qu’il a été précisé, le jeune E A affecté de troubles du déficit de l’attention avec hyperactivité (TDAH) bénéficie, au titre de l’année 2024-2025, d’un soutient par une accompagnante d’élèves en situation de handicap (AESH) et d’aménagements pédagogiques, dans le cadre d’un projet personnalisé de scolarisation et d’un projet d’accueil individualisé. Suivi par ailleurs régulièrement par des professionnels de santé, le jeune garçon a vu son traitement médical augmenté depuis l’été 2024. Or, à compter de décembre 2024, a été relevée par l’équipe éducative une évolution dans le comportement de l’intéressé faisant preuve de plus de difficultés à gérer ses émotions et ses crises en classe, parfois violentes, difficiles à contenir. Le 12 décembre 2024, une mesure d’exclusion temporaire de la cheffe d’établissement scolaire pour une durée d’une journée a été prononcée à son encontre pour son comportement inapproprié à l’égard d’adultes. Dans ces conditions, le refus de procéder à l’adaptation du temps scolaire de E en classe de 5ème est de nature à affecter sa situation, au regard de l’efficacité du traitement dont le dosage a dû être augmenté et du maintien de sa scolarité dans un parcours classique justifiant l’urgence telle exigée par les dispositions de l’article L. 521-1 du code de justice administrative » (TA Marseille, 9 avr. 2025, n° 2502509).

Enfin, il paraît opportun d’évoquer une dernière décision qui est venue sanctionner la carence pure et simple du Rectorat dans les démarches liées à l’affectation d’une AESH à un enfant bénéficiaire d’une notification MDPH en ce sens.

Souvent, ce n’est pas sous l’angle médical que les situations se débloquent mais bien sous l’angle du droit de l’éducation et, plus particulièrement, du droit à l’instruction.

En effet, depuis le Préambule de 1946 l’égal accès à l’instruction de l’enfant et de l’adulte est une norme constitutionnelle.

Dans cette décision, le juge a ainsi retenu que :

« 3. Il résulte de l’instruction que M. et Mme C ont mis en demeure, le 20 octobre 2024, la rectrice de l’académie de Créteil d’attribuer à leur enfant B une aide humaine individuelle aux élèves handicapés (AESH) dans les conditions prévues par la notification de la Maison départementale des personnes handicapées (MDPH) du 4 juillet 2024, à hauteur de 15 heures hebdomadaires. Suite à cette mise en demeure, la rectrice n’a pas fait droit à leur demande et une décision implicite de rejet de leur demande est née. De surcroît, il résulte de l’instruction que B rencontre des difficultés importantes, notamment en mathématiques, et qu’elle est en retard scolaire par rapport à un enfant du même âge dénué de handicap, qu’une psychomotricienne a relevé en septembre 2023 des difficultés attentionnelles, de graphisme, d’écriture et de motricité fine et de coordinations motrices. Il résulte de ce qui précède que l’insuffisance de l’accompagnement scolaire de B compromet gravement et immédiatement sa scolarité. Dans ces conditions, la condition d’urgence doit être regardée comme remplie. »

Après avoir rappelé les nombreuses dispositions afférentes à la liberté fondamentale du droit à l’égal accès à l’instruction, le juge a retenu le doute sérieux en considérant que :

« En l’état de l’instruction, le moyen tiré de ce que la rectrice, qui n’a pas produit d’observations en défense et n’était ni présente ni représentée à l’audience, a méconnu les dispositions précitées du code de l’éducation en ne faisant pas bénéficier B, dans les conditions définies par la décision de la CDAPH de la Seine-Saint-Denis du 4 juillet 2023, d’une aide humaine individuelle apparaît propre à faire naître un doute sérieux sur la légalité de la décision attaquée. » (TA Montreuil, 18 mars 2025, n° 2501476).

L’injonction a donc été naturellement délivrée.

  Si vous rencontrez une difficulté à faire valoir vos droits, notamment en matière de scolarité d’un élève, n’hésitez pas à consulter nos avocats en droit du handicap.