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Annulation d’un constat d’abandon de sépulture et condamnation de la commune ayant procédé à la reprise illégale

La reprise de sépulture par une mairie est une décision grave entourée de garanties par les textes. Tout manquement peut entrainer l’annulation de cette décision, et la responsabilité de la commune, comme le relève cette affaire jugée par le tribunal administratif. Cette affaire est également intéressante sur les délais de recours qui peuvent être prorogé longtemps au delà de la durée classique dans l’hypothèse où la personne n’était pas informée de la décision.

Dans cette affaire, une concession funéraire perpétuelle avait été accordée le 1er août 1904, dans le cimetière de la commune de Biesles pour fonder la sépulture de M. H et de son épouse. En 2019, l’héritière de la concession a découvert que la tombe, dans laquelle avait été inhumée sa grand-mère le 10 mars 1982, avait disparu. Après quelques péripéties, la petite-fille a entendu obtenir réparation du préjudice moral subi du fait des fautes commises par la commune dans la conduite de l’opération de reprise de la concession, et obtenir l’annulation de la décision de reprise de la sépulture.

Le juge rappelle en premier lieu qu’en principe une décision ne peut être contestée que dans les deux mois, si le destinataire a été notifié des voies et délai de recours, ou à défaut dans un délai d’un an – sauf circonstances particulières dont se prévaudrait le requérant. Or, dans cette affaire la commune de Biesles ne justifiait pas avoir été dans l’impossibilité de notifier l’arrêté en litige à la requérante dont elle ne pouvait pas ignorer le lien de parenté avec la personne inhumée. Dans ces conditions, en l’absence de notification de l’arrêté en litige conformément à l’article R. 2223-19 du code général des collectivités territoriales,la requérante n’a pas selon le juge introduit son recours à l’encontre de l’arrêté du 6 juin 2018 dans un délai déraisonnable.

 

Le juge considère par ailleurs que les conditions prévues à l’article L. 2223-17 du CGCT n’étaient pas réunies. Ce dernier prévoit en effet que « Lorsque, après une période de trente ans, une concession a cessé d’être entretenue, le maire peut constater cet état d’abandon par procès-verbal porté à la connaissance du public et des familles. / Si, trois ans après cette publicité régulièrement effectuée, la concession est toujours en état d’abandon, le maire a la faculté de saisir le conseil municipal, qui est appelé à déclarer si la reprise de la concession est prononcée ou non. / Dans l’affirmative, le maire peut prendre un arrêté prononçant la reprise par la commune des terrains affectés à cette concession. »

Or dans cette affaire, la tombe était propre, fleurie et décorée. En se bornant à se référer aux procès-verbaux du 23 septembre 2014 et du 5 février 2018 indiquant la présence de mousse ou de lichen et de problèmes de sécurité et à une photographie de la tombe qui présenterait un trou dans le soubassement, au demeurant peu visible sur le cliché, le maire de la commune n’établit pas par ces seuls éléments de l’état d’abandon de la concession. Il apparait en outre que la commune avait pour projet de réaliser un ossuaire à cet emplacement…

Dans ces conditions, la requérante est fondée à soutenir que la concession ne se trouvant pas à l’état d’abandon, la commune de Biesles a méconnu les dispositions de l’article L. 2223-17 du code général des collectivités territoriales en procédant pour ce motif à la reprise de la concession.

La commune est par ailleurs condamnée en raison de sa faute de nature à engager sa responsabilité de commune. La petite-fille obtient l’indemnisation de son préjudice matériel, notamment sur la base d’un devis d’un montant de 2 997,90 euros TTC correspondant au rétablissement des éléments de la sépulture dans leur état initial. En ce qui concerne le préjudice moral, la commune est condamné à indemniser la petite-fille à hauteur de 3000€, ce qui confirme que le juge administratif indemnise très mal les larmes.

Tribunal administratif de Châlons-en-Champagne, 2e ch., 11 juin 2024, n° 2201777.