
CAA Lyon : Du nouveau sur les sanctions prononcées par la Caisse des Dépôts et consignaiton
Récemment, la Cour administrative d’appel de Lyon s’est prononcée dans une instance opposant la Caisse des Dépôts et Consignations à un organisme de formation.
Comme souvent, le litige prenait sa source dans le prononcé d’une sanction de déréférencement et de reversement des sommes perçues par l’organisme de formation.
Les jurisprudences de second degré étant assez rare, cette dernière décision apparaît importante pour apprécier le cadre règlementaire de la formation professionnelle dépendant de la plateforme « moncompteformation ».
La Cour a pris une approche stricte, défavorable aux organismes de formation, dans son arrêt.
Tout d’abord, elle retient que la charge de la preuve concernant le respect des canons de la formation (assiduité, éligibilité, respect du référentiel etc…) repose sur l’organisme qui se doit donc d’être capable de prouver toute la régularité de l’action de formation.
Ensuite, il reconnait, classiquement, que l’administration dispose d’un pouvoir d’appréciation quant au contenu des éléments produits en réponse à l’appel à contradictoire émis par la CDC. Cette appréciation porte naturellement sur la réalité des formations dispensées :
« Il résulte de ces dispositions qu’il appartient à l’administration d’apprécier, au regard des pièces produites par l’organisme objet du contrôle, sur lequel pèse la charge de la preuve, et sous le contrôle du juge du fond qui apprécie souverainement, sous réserve de dénaturation, les pièces du dossier qui lui est soumis, la réalité des activités conduites en matière de formation professionnelle continue. Il s’ensuit que l’autorité préfectorale est en droit de remettre en cause la fiabilité ou l’authenticité des pièces que l’organisme a fournies, en particulier les feuilles d’émargement signées par les stagiaires, et de se fonder sur les anomalies ou les incohérences existant entre les divers justificatifs pris en compte pour regarder des actions de formation comme n’étant pas réalisées » (CAA Lyon, 7e ch. – formation à 3, 9 janv. 2025, n° 24LY00610).
Après avoir rappelé ces éléments, la Cour relève que l’organisme de formation doit disposer d’un outil de suivi de la formation et que l’absence d’un tel outil lui est imputable et de nature à faire regarder la formation comme non-réalisée :
« […] Toutefois, faute pour la société La Française des Formations d’avoir mis en place de système de suivi des formations, il n’apparaît pas que les formations, toutes délivrées à distance, auraient été effectivement réalisées dans leur totalité par les stagiaires. A ce titre, la production pour l’ensemble des heures de formation d’une seule feuille d’émargement par stagiaire, qui ne comporte pas de mention du nom du formateur et, ultérieurement, de feuilles d’émargement, par demi-journée, complétées postérieurement au contrôle et non au cours des formations, ne saurait suffire à justifier de l’effectivité du suivi des formations » (Ibid.).
L’arrêt poursuit en énumérant limitativement les éléments produits doivent démontrer la « mis[e] en place [d’]une assistance technique et pédagogique et des évaluations jalonnant ou concluant le parcours de formation » En outre, il retient que « la simple cession ou la mise à disposition de supports à finalité pédagogique ne saurait être regardée comme une action de formation professionnelle […]ni les attestations que les stagiaires ont signées électroniquement plusieurs mois après la formation, qui n’apportent au demeurant aucune précision sur les prestations délivrées ou leur contenu, ni les relevés de pages de connexion, avec les adresses mail, les dates et les durées de connexion qu’ils comportent, ne permettent davantage de caractériser une réalisation complète et conforme aux modalités prévues des formations litigieuses » (Ibid.).
Le juge d’appel conclut logiquement sur la disproportion en considérant que l’action de formation étant réputée inexistante, le reversement des sommes mis à la charge de l’organisme de formation était adapté :
« eu égard aux manquements relevés, et alors que la société ne conteste pas que le montant mis à sa charge corresponde exactement à la prise en charge des formations en cause par la Caisse des dépôts et consignations, il n’apparaît pas que la sanction infligée serait disproportionnée. Les conclusions que la société requérante a présentées à titre subsidiaire tendant à ce que la sanction soit réformée, voire ramenée à un avertissement, compte tenu de la bonne foi dont elle a, normalement, fait preuve durant les opérations de contrôle, et des difficultés financières que ses propres agissements lui ont causées, ne peuvent qu’être rejetées ».
Enfin, il rappelle que la CDC peut refuser, pour les deux années suivant la sanction de déréférencement, le référencement de l’organisme de formation :
« Il résulte de ces dispositions que la Caisse des dépôts et consignations peut refuser à un prestataire son référencement, dès lors qu’il a fait l’objet d’une sanction relative à des manquements à ses obligations contractuelles, intervenue dans les deux années précédant sa demande de référencement. Par suite, durant les deux années consécutives à une telle sanction, le référencement du prestataire n’est pas de droit, quand bien même il remplirait les autres conditions légales prévues par le code du travail. ».
Petite nouveauté tout de même sur ce dernier point, toujours défavorable aux organismes de formation, la Cour retient que le référencement après une sanction n’étant pas de droit, aucune motivation ne doit venir soutenir un refus dans la période de ces deux années :
« Ainsi qu’il a été dit au point 17, en application des dispositions précitées de l’article L. 6323-9-1 du code du travail, le référencement du prestataire qui a fait l’objet d’une sanction relative à des manquements à ses obligations contractuelles n’est pas de droit durant les deux années consécutives à une telle sanction. Dans ces conditions, la décision par laquelle la Caisse des dépôts et consignations oppose un refus à ce prestataire n’a pas à être motivée ».
Cette décision sévère rappelle la nécessité d’être accompagné efficacement concernant le droit de la formation professionnelle, tant en amont d’une décision de sanction que lors d’un éventuel recours contre une telle décision. N’hésitez pas à nous consulter.