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Le Tribunal administratif de Paris a accueilli nos deux requêtes contestant le rejet de deux RAPO en motif 4.

Cette décision est intéressante sur le fond, outre le fait qu’elle émane d’une juridiction avare en jurisprudences IEF et faisant relativement autorité.

Tout d’abord, notons que le Tribunal qui a repris le considérant classique de l’application des nouvelles dispositions légales s’en est tenu à un positionnement relativement libéral. En effet, il a fait l’économie de l’explicitation dont certains jugements ont fait état dans le sens d’un contrôle de la situation propre elle-même.

Ainsi, il s’est borné à retenir que :

« En ce qui concerne plus particulièrement les dispositions de l’article L. 131 5 du code de l’éducation prévoyant la délivrance par l’administration, à titre dérogatoire, d’une autorisation pour dispenser l’instruction dans la famille en raison de « l’existence d’une situation propre à l’enfant motivant le projet éducatif », ces dispositions, telles qu’elles ont été interprétées par la décision n° 2021-823 DC du Conseil constitutionnel du 13 août 2021, impliquent que l’autorité administrative, saisie d’une telle demande, contrôle que cette demande expose de manière étayée la situation propre à cet enfant motivant, dans son intérêt, le projet d’instruction dans la famille et qu’il est justifié, d’une part, que le projet éducatif comporte les éléments essentiels de l’enseignement et de la pédagogie adaptés aux capacités et au rythme d’apprentissage de cet enfant, d’autre part, de la capacité des personnes chargées de l’instruction de l’enfant à lui permettre d’acquérir le socle commun de connaissances, de compétences et de culture défini à l’article L. 122-1-1 du code de l’éducation au regard des objectifs de connaissances et de compétences attendues à la fin de chaque cycle d’enseignement de la scolarité obligatoire. »

Rapporté à la situation des enfants, il a tiré les conséquences de sa motivation en retenant l’erreur de droit du Rectorat quant à sa remise en cause de la situation propre :

« Par ce même dossier, M. et Mme X exposaient également, premièrement, l’hypersensibilité au bruit et à l’agitation caractérisant leur fils, attestée par le bilan neuropsychologique dressé le 30 janvier 2017 recommandant un placement à distance de toute distraction, qui, encore au jour de leur demande, bénéficiait notamment d’un casque anti-bruit lorsqu’il ressentait le besoin de s’isoler et travaillait dans un environnement où les sources de bruit sont évitées. Les requérants faisaient, deuxièmement, état d’un besoin de mouvement de X., dans ses journées et pour ses apprentissages, attesté tant par le bilan neuropsychologique précité que l’attestation d’examen psychologique du 14 août 2024, révélant un état antérieur, peu compatible avec une instruction dans un établissement scolaire. Troisièmement, il ressort tant de l’attestation d’examen psychologique du 14 août 2024 que des contrôles pédagogiques effectués, que le jeune X, dont les requérants soutiennent que la scolarisation en classe de maternelle a suscité un épisode de sévère dépression diagnostiquée, continue de connaître des relations sociales difficiles, sources de stress, possiblement, ainsi qu’exposées dans l’attestation psychologique produite, liées à un trouble du spectre autistique. Quatrièmement, il ressort du dossier de demande établi par M. et Mme X que la situation de capacités intellectuelles très contrastées relevée par le bilan neuropsychologique précité s’est maintenue, le rythme d’apprentissage de X étant très rapide dans certaines matières comme les mathématiques et plus lent dans d’autres. Dans ces conditions, les requérants sont fondés à soutenir que c’est en faisant une inexacte application des dispositions citées au point 3 que la commission présidée par le recteur de la région académique de la région d’Ile-de-France, recteur de l’académie de Paris, a retenu le motif tiré de ce que M. et Mme X n’exposaient pas de façon suffisamment étayée la situation propre à leur enfant, eu égard aux éléments précédemment »

Par cette appréciation, le TA nous livre plusieurs enseignements.

En premier lieu, il nous rappelle qu’il n’est pas besoin d’éléments médicaux pour étayer une situation propre (le bilan ayant 8 ans au moment où le juge statue) et qu’un élément médical postérieur peut éclairer une situation antérieure.

En second lieu, il vient borner le contrôle de la situation propre à un contrôle objectif de ce qu’elle est, ou non, suffisamment étayée. Pour ce faire, il relève quatre points. Il ne met en exergue aucun point et se contente de les lister. Ensuite, il en tire la conclusion que le Rectorat a donc commis une erreur de droit puisqu’en soutenant que la situation propre n’était pas étayée, le Rectorat soutenait en réalité qu’elle n’existait pas. C’est bien cet argument qui a été rejeté par le Tribunal.

Ce point est essentiel car Paris n’avait pas encore pris de position et cela permet de renforcer un peu le corpus de positions favorables allant en ce sens.

Toutefois, pour autoriser l’instruction en famille, le Tribunal devait également s’assurer de ce que le projet éducatif était pertinent et adapté à l’enfant – ce qui était contesté – et de nature à lui assurer l’instruction la plus conforme à son intérêt.

Sur ce point, il a retenu que :

« D’autre part, le dossier de demande déposé par M. et X, dont la capacité à assurer l’instruction de leur enfant n’est pas contestée, fait état, ainsi que le relève la décision attaquée, de ce que leur enfant X suit une instruction en lien avec l’établissement d’enseignement à distance Ker Lann, agréé par les services de l’éducation nationale. Ce dossier comporte en outre le descriptif des éléments essentiels du projet pédagogique adapté à la situation du jeune X, et notamment à sa capacité d’attention. Dans ces conditions, et alors que les comptes-rendus les plus récents des contrôles de la qualité de l’instruction en famille dont bénéficie X, produits par ses parents, ont notamment relevé une « mise en apprentissage profitable » pour l’enfant, c’est également en faisant une inexacte application des dispositions citées au point 3 que la commission présidée par le recteur de la région académique de la région d’Ile-de-France, recteur de l’académie de Paris, a considéré que le projet éducatif ne comportait pas les éléments essentiels de l’enseignement et de la pédagogie adaptés aux capacités et au rythme d’apprentissage de cet enfant. ».

Là encore, la prise de position est importante de la part du Tribunal puisqu’elle démontre l’office du juge sur le thème du projet éducatif.

Ce dernier ne doit pas prendre pour vérité les griefs de pure opportunité du Rectorat sur un projet éducatif alors même que l’instruction, précédemment contrôlée, est jugée profitable et qu’elle s’appuie en outre sur un établissement à distance régulièrement déclaré.

Il censure donc également ce point et donne raison aux parents (qui disposaient déjà de l’autorisation eu égard à notre victoire en référé).

Il a suivi l’exacte même logique concernant le frère de l’enfant dont il a été fait état de la situation, ce qui laisse à espérer une ligne jurisprudentiel stable pour la juridiction parisienne, ce qui pourrait influer sur les autres tribunaux, bien que chaque juge dispose de son pouvoir souverain d’appréciation.

En cas de difficulté en lien avec le droit de l’instruction en famille, notamment un refus d’autorisation d’IEF, n’hésitez pas à nous contacter.