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L’inhumation, l’exhumation et les droits des descendants du fondateur d’une concession funéraire

Le droit funéraire est un domaine particulier en ce qu’il est régi à la fois par le droit public et par le droit privé.

Le code civil trouve tout autant à s’appliquer que le code général des collectivités territoriales, de même qu’il est possible d’agir au tribunal administratif comme au tribunal judiciaire en la matière.

Pour synthétiser, ce qui relève de l’organisation des cimetières et concessions appartient au droit administratif et ce qui relève des modalités des funérailles et des décisions relatives à ces modalités appartient au droit privé.

Ainsi, en matière de demande d’exhumation, si le maire est compétent afin d’autoriser cette dernière, les conflits familiaux liés aux exhumations sont de la compétence du juge civil.

L’exhumation est en effet régie par le principe de respect du corps du défunt, conformément à l’article 16-1-1 du code civil dispose que :

« Le respect dû au corps humain ne cesse pas avec la mort.

Les restes des personnes décédées, y compris les cendres de celles dont le corps a donné lieu à crémation, doivent être traités avec respect, dignité et décence ».

Il résulte de ces dispositions que les exhumations sont attachées à des principes stricts, encadrant toute demande.

Deux types de volontés s’opposent dans le cadre de la demande d’exhumation :

  • Les dernières volontés du défunt ;
  • La volonté du fondateur de la concession funéraire ;

La volonté du fondateur de la concession, découlant des articles L. 2223-3 et R. 2213-31 du Code Général des Collectivités Territoriales a été posée comme un principe cardinal par les juridictions administratives et civiles. A titre d’illustration, le considérant de principe quant au pouvoir du Maire, compétent en la matière, d’autoriser ou non une inhumation précise que :

«  Considérant qu’en principe, en vertu des dispositions précitées des articles L. 2223-3 et R. 2213-31 du code général des collectivités territoriales, le maire d’une commune ne peut, sauf pour des motifs tirés de l’intérêt public, s’opposer à une inhumation dont l’autorisation lui est demandée par le titulaire d’une concession funéraire ; qu’il lui appartient également, en l’absence de tels motifs, de se conformer aux volontés du titulaire pour ce qui concerne l’étendue du droit à l’inhumation dans la concession concernée » (CAA Bordeaux, 29 septembre 2014, n° 13BX02058).

 

Il arrive que le titulaire de la concession ait laissé des directives précises ; pour prendre un exemple connu, la Chapelle Royale de Dreux a vocation à n’accueillir que les membres de la famille Orléans, descendant de Louis-Philippe.

Dans de tels cas, il arrive que les héritiers entrent en conflit attendu qu’hors testament, la concession est universellement partagée par les héritiers de même rang en indivision. Chacun pouvant faire ce qu’il entend, c’est bien souvent les volontés du fondateur de la concession, lesquelles ne peuvent être modifiée par un autre titulaire postérieur, qui vont permettre de départager les héritiers entre eux.

De même, la volonté du défunt peut être discutée ; cette dernière est souvent supposée, en l’absence de testament. La personne la plus proche du défunt est indiquée comme détentrice, et donc décisionnaire, de ces volontés d’inhumation, en l’absence d’indications claires.

Cette dichotomie des volontés peut aboutir à un contentieux complexe.

Un récemment jugement du tribunal judiciaire de Vienne rendu le 25 juillet 2025 (RG n° 25-00071), et obtenu par le cabinet, a eu l’occasion de revenir sur cette épineuse question.

Des requérants avaient saisi le tribunal d’une demande d’exhumation d’un défunt reposant dans une concession en s’appuyant sur :

  • L’absence de droit à l’inhumation des défunts dans la concession ;
  • La volonté supposée contraire du fondateur de la concession ;
  • Les volontés réputées contraires à l’inhumation du défunt dont l’exhumation était demandée

Le litige tournait autour de la notion de famille qui constituait le périmètre des bénéficiaires potentiels de la concession. Les requérants soutenaient que le fondateur avait entendu limiter ce bénéfice, notamment aux porteurs de son patronyme.

Rappelons que l’inhumation d’un coindivisaire ou de son conjoint ne nécessite pas l’assentiment familial (CA Caen, 25 sept. 2012, n° 10/02683)

« La décision de M. X de faire procéder à l’inhumation de son épouse dans le tombeau familial n’encourt pas les mêmes critiques.

En effet, chacun des co-indivisaires a vocation à être inhumé dans la concession et un co indivisaire est autorisé à utiliser la sépulture familiale pour son conjoint sans l’assentiment des autres héritiers.

Or Mme Q Y, l’épouse de M. X, qui était aussi descendante au même degré de la concessionnaire, avait cette double qualité.

Elle avait donc le droit d’être inhumée dans la concession familiale. »

Cela complique souvent les choses attendu que les places sont réservées au primo-mourant (ou pré-mourant). Les règles d’inhumation dans une concession familiale étaient rappelées dans les conclusions du rapporteur public dans l’instance de la Cour d’Appel Administrative de Paris (CAA Paris, 10 février 2014, n° 11PA03754) :

« Sur ce point rappelons que le juge judiciaire est naturellement compétent pour trancher les litiges relatifs aux personnes pouvant être inhumées dans la concession (Cass. civ. 1re, 23 mars 1977, req. n° 75-14.445, Bull. civ., I, n° 150 ; Cass. civ. 1re, 15 mai 2001, req. n° 99-12.363 , Bull. civ., I, n° 138) et que vous n’aurez pas à trancher la question de savoir si cette inhumation était possible ou non. Rappelons en outre qu’après le décès du titulaire de la concession, ses enfants et successeurs disposent d’un droit égal à l’inhumation, la priorité étant donnée aux prémourants. Dès lors, cette exigence de l’accord familial, dès lors que la personne concernée est un membre de la famille, ne tient pas. A l’inverse, lorsque celui qui doit y être inhumé n’est pas un membre de la famille, comme le CE l’a déjà jugé, l’assentiment des membres de la famille est nécessaire (s’agissant de l’inhumation d’un serviteur : CE Sect 11 octobre 1957, Consorts Hérail, n° 33291). Tel n’est pas notre cas de figure, puisque la défunte était la tante de l’appelante.

De manière, générale, le maire, lorsqu’il use de son pouvoir de police administrative, le fait pour des motifs d’intérêt public (voir la décision Hérail préc.). Son autorisation –ou son refus- ne s’exercent pas en opportunité et notamment pas pour régler les différends pouvant survenir au sein d’une même famille. »

Ainsi, il en résulte que les conjoints des descendants du fondateur d’une concession ont un droit à être inhumé au sein de ladite concession, même lorsque cela a pour effet de priver les autres descendants de leur place, dès lors que le descendant auquel ils sont mariés dispose bien de ce droit et qu’ils intègrent la concession en priorité.

En l’espèce, le juge écarte l’argument tiré de l’absence d’identité du patronyme entre le fondateur et le descendant et retient le degré de parenté, égale à celui des demandeurs.

En outre, le juge rappelle que l’accord des coindivisaires, comme indiqué supra, n’est pas nécessaires à l’inhumation de l’un d’entre eux ou de leur conjoint.

Par ailleurs, le juge établit que la concession étant familiale, en l’absence de mention explicite par le fondateur de sa volonté, l’ensemble de sa descendance peut prétendre à l’inhumation au sein de la concession.

Enfin, le juge écarte la supposée volonté contraire du défunt dont l’inhumation est contestée, en rappelant qu’en l’absence de preuves de cette volonté, cette dernière est rapportée par le parent le plus proche. Il suffit donc que les conditions d’inhumation ne soient pas contraires aux dernières volontés connues.

  Si vous rencontrez une difficulté en matière d’inhumation ou d’exhumation, n’hésitez pas à contacter nos avocats en droit funéraire.