Recrutement des Professeurs universitaires : les limites des politiques de recrutement externe
Dans un jugement du 24 novembre 2025, le Tribunal administratif de Montreuil apporte d’importantes précisions sur l’articulation entre les politiques de recrutement des établissements d’enseignement supérieur et les prérogatives des comités de sélection. Cette décision illustre la nécessité d’un équilibre entre autonomie stratégique des universités et respect des procédures de recrutement des enseignants-chercheurs.
Un maître de conférences à l’université Sorbonne Paris Nord (USPN), s’est porté candidat à un poste de professeur des universités dans son établissement. Le comité de sélection, après audition, a émis un avis favorable et le classe premier sur quatre candidats. Pourtant, le conseil académique restreint refuse de proposer sa nomination, invoquant une incompatibilité avec la stratégie de l’établissement votée en 2021, laquelle privilégiait les recrutements externes pour favoriser le renouvellement des équipes pédagogiques.
Rappelons que le processus de recrutement des professeurs des universités s’articule en deux temps.
D’abord, le comité de sélection, composé majoritairement de spécialistes de la discipline et pour moitié au moins d’enseignants-chercheurs extérieurs à l’établissement, examine les candidatures et établit une liste classée (article L. 952-6-1 du code de l’éducation).
Ensuite, le conseil académique restreint propose au ministre le nom du candidat retenu, sans pouvoir modifier l’ordre de classement établi par le comité (article 9-2 du décret du 6 juin 1984).
Cette procédure vise à garantir tant la qualité scientifique du recrutement, assurée par les pairs, que l’adéquation avec la stratégie de l’établissement.
Dans sa décision, le tribunal a commencé par valider le principe même d’une politique de recrutement externe. Il reconnaît explicitement qu’« l’objectif visant à promouvoir un recrutement extérieur à l’établissement peut légalement figurer au nombre des objectifs relevant de la stratégie de l’établissement ».
Toutefois, et c’est là l’apport essentiel de cette décision, le juge précise immédiatement les limites de cet objectif : celui-ci « ne peut qu’être indicatif et ne saurait être assimilé à une règle impérative ». Le conseil d’administration doit donc « apprécier, au cas par cas, la mise en œuvre de cet objectif global ».
En l’espèce, le tribunal censure la décision du conseil académique pour deux raisons cumulatives :
Premièrement, le conseil s’est « borné à retenir que son recrutement serait en opposition à la politique de l’université » sans procéder à une appréciation concrète de la situation. Le tribunal relève que la décision attaquée se contente de constater que M. Traoré ne s’était présenté qu’à un seul concours externe depuis sa nomination comme maître de conférences, sans analyser plus avant les mérites comparés des candidats ou les besoins spécifiques du poste.
Deuxièmement, le conseil académique n’a pas justifié « en quoi la mise en œuvre de cet objectif global justifiait qu’il ne soit pas donné, en l’espèce, suite à la candidature » d’un candidat classé premier par le comité de sélection. Cette exigence de motivation renforcée s’impose particulièrement lorsque l’avis du comité de sélection est favorable et univoque.
Cette décision comporte plusieurs enseignements pour les établissements d’enseignement supérieur et les candidats aux fonctions d’enseignants-chercheurs.
Pour les universités, elle confirme leur liberté de définir des orientations stratégiques en matière de recrutement, mais impose une obligation de motivation concrète lorsque le conseil académique entend écarter la proposition du comité de sélection au nom de ces orientations. Une politique de recrutement externe ne peut servir de prétexte à un rejet automatique des candidatures internes sans examen approfondi de leur mérite scientifique et de l’intérêt du recrutement.
Pour les candidats, elle garantit que l’avis du comité de sélection conserve un poids prépondérant dans la procédure. Le classement établi par les pairs ne peut être écarté sur le fondement d’un objectif général sans démonstration précise de son application à la situation particulière.
Sur le plan procédural, le tribunal enjoint à l’université de reprendre l’examen des candidatures au stade du conseil académique, sous réserve que le poste n’ait pas été pourvu entre-temps par une décision devenue définitive. Cette solution pragmatique permet d’éviter la reprise complète de la procédure tout en garantissant le réexamen du dossier dans le respect du cadre légal.
Cette décision s’inscrit dans une jurisprudence désormais établie qui cherche à concilier l’autonomie des universités et le respect des garanties procédurales dont bénéficient les enseignants-chercheurs. Elle rappelle opportunément que si les établissements disposent d’une marge d’appréciation dans leurs recrutements, celle-ci ne peut s’exercer au détriment de l’évaluation scientifique par les pairs ni conduire à l’application mécanique de règles de gestion.
Décision commentée : TA Montreuil, 24 novembre 2025, n° 2312905
Si vous rencontrez une difficulté en matière de droit de la fonction publique ou de droit de l’éducation, n’hésitez pas à prendre rendez-vous avec nos avocats !
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Dans un jugement du 24 novembre 2025, le Tribunal administratif de Montreuil apporte d’importantes précisions sur l’articulation entre les politiques de recrutement des établissements d’enseignement supérieur et les prérogatives des comités de sélection. Cette décision illustre la nécessité d’un équilibre entre autonomie stratégique des universités et respect des procédures de recrutement des enseignants-chercheurs.
Les faits
Un maître de conférences à l’université Sorbonne Paris Nord (USPN), s’est porté candidat à un poste de professeur des universités dans son établissement. Le comité de sélection, après audition, a émis un avis favorable et le classe premier sur quatre candidats. Pourtant, le conseil académique restreint refuse de proposer sa nomination, invoquant une incompatibilité avec la stratégie de l’établissement votée en 2021, laquelle privilégiait les recrutements externes pour favoriser le renouvellement des équipes pédagogiques.
Rappelons que le processus de recrutement des professeurs des universités s’articule en deux temps.
D’abord, le comité de sélection, composé majoritairement de spécialistes de la discipline et pour moitié au moins d’enseignants-chercheurs extérieurs à l’établissement, examine les candidatures et établit une liste classée (article L. 952-6-1 du code de l’éducation).
Ensuite, le conseil académique restreint propose au ministre le nom du candidat retenu, sans pouvoir modifier l’ordre de classement établi par le comité (article 9-2 du décret du 6 juin 1984).
Cette procédure vise à garantir tant la qualité scientifique du recrutement, assurée par les pairs, que l’adéquation avec la stratégie de l’établissement.
Dans sa décision, le tribunal a commencé par valider le principe même d’une politique de recrutement externe. Il reconnaît explicitement qu’« l’objectif visant à promouvoir un recrutement extérieur à l’établissement peut légalement figurer au nombre des objectifs relevant de la stratégie de l’établissement ».
Toutefois, et c’est là l’apport essentiel de cette décision, le juge précise immédiatement les limites de cet objectif : celui-ci « ne peut qu’être indicatif et ne saurait être assimilé à une règle impérative ». Le conseil d’administration doit donc « apprécier, au cas par cas, la mise en œuvre de cet objectif global ».
En l’espèce, le tribunal censure la décision du conseil académique pour deux raisons cumulatives :
Premièrement, le conseil s’est « borné à retenir que son recrutement serait en opposition à la politique de l’université » sans procéder à une appréciation concrète de la situation. Le tribunal relève que la décision attaquée se contente de constater que M. Traoré ne s’était présenté qu’à un seul concours externe depuis sa nomination comme maître de conférences, sans analyser plus avant les mérites comparés des candidats ou les besoins spécifiques du poste.
Deuxièmement, le conseil académique n’a pas justifié « en quoi la mise en œuvre de cet objectif global justifiait qu’il ne soit pas donné, en l’espèce, suite à la candidature » d’un candidat classé premier par le comité de sélection. Cette exigence de motivation renforcée s’impose particulièrement lorsque l’avis du comité de sélection est favorable et univoque.
Cette décision comporte plusieurs enseignements pour les établissements d’enseignement supérieur et les candidats aux fonctions d’enseignants-chercheurs.
Pour les universités, elle confirme leur liberté de définir des orientations stratégiques en matière de recrutement, mais impose une obligation de motivation concrète lorsque le conseil académique entend écarter la proposition du comité de sélection au nom de ces orientations. Une politique de recrutement externe ne peut servir de prétexte à un rejet automatique des candidatures internes sans examen approfondi de leur mérite scientifique et de l’intérêt du recrutement.
Pour les candidats, elle garantit que l’avis du comité de sélection conserve un poids prépondérant dans la procédure. Le classement établi par les pairs ne peut être écarté sur le fondement d’un objectif général sans démonstration précise de son application à la situation particulière.
Sur le plan procédural, le tribunal enjoint à l’université de reprendre l’examen des candidatures au stade du conseil académique, sous réserve que le poste n’ait pas été pourvu entre-temps par une décision devenue définitive. Cette solution pragmatique permet d’éviter la reprise complète de la procédure tout en garantissant le réexamen du dossier dans le respect du cadre légal.
Cette décision s’inscrit dans une jurisprudence désormais établie qui cherche à concilier l’autonomie des universités et le respect des garanties procédurales dont bénéficient les enseignants-chercheurs. Elle rappelle opportunément que si les établissements disposent d’une marge d’appréciation dans leurs recrutements, celle-ci ne peut s’exercer au détriment de l’évaluation scientifique par les pairs ni conduire à l’application mécanique de règles de gestion.
Décision commentée : TA Montreuil, 24 novembre 2025, n° 2312905
Si vous rencontrez une difficulté en matière de droit de la fonction publique ou de droit de l’éducation, n’hésitez pas à prendre rendez-vous avec nos avocats !