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Droit au silence d’un étudiant dans une procédure disciplinaire : nouvelle consécration

Le droit au silence agite beaucoup les prétoires des juridictions administratives ces derniers temps.

Après la consécration, par le Conseil d’Etat, du droit de se taire devant une instance ordinale (Conseil National de l’Ordre des Médecins) et celle, plus large, du droit de se taire devant toute procédure administrative que nous commentions ici, le Conseil d’Etat a rendu une décision récente venant appliquer ce principe au droit de l’éducation.

En préambule, rappelons que le droit de se taire n’implique pas seulement la possibilité de ne rien dire mais également le droit à se voir informé de cette possibilité légale.

Cela avait été jugé concernant les médecins, pour les pratiques ordinales, les professionnels nécessitant une autorisation d’exercice (taxi, agent de sécurité etc). Il n’y avait donc aucune raison que cela ne s’étende pas aux usagers du service public de l’éducation et, en l’espèce, des Universités, bien que leurs situations soient légèrement différentes de celles des catégories précitées.

Dans l’affaire ayant donné lieu à la décision, la section disciplinaire de l’Université avait exclu une étudiante de deuxième année pour une durée de neuf mois. L’étudiante a souhaité faire appel de cette décision et l’affaire est ainsi remontée au Conseil d’Etat. La Haute Juridiction était saisie de la question de savoir si, d’une part, l’étudiante était bien bénéficiaire d’un droit de se taire et si, d’autre part, l’absence de notification de ce droit à l’étudiante était de nature à vicier la sanction prise.

Le Conseil d’Etat apporte une double réponse positive mais selon les spécificités propres aux errements de procédure en matière administrative.

Ainsi, il reconnaît explicitement le principe du droit de se taire de tout étudiant soumis à une procédure disciplinaire. Naturellement, ce droit, eu égard aux motifs et aux fondements retenus, s’applique tout autant aux élèves.

Dans un second temps, il en dessine les contours en précisant qu’il ne peut être invoqué en toutes circonstances; les échanges normaux avec l’administration en sont par exemple exclus.

Enfin, dans le dernier temps de la décision, il précise que ce droit, bien que fondé sur l’article 9 de la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen – assimilable donc à une liberté fondamentale – , n’échappent pas à la danthonysation. Concrètement, la privation de ce droit ne vicie la sanction prise à l’issue de la procédure que si les propos tenus en l’absence de notification de ce droit sont déterminants dans la sanction. Si les propos tenus sont accessoires ou étrangers à la sanction, le vice sera sans portée et la sanction validée.

Dans le texte, le Conseil d’Etat a ainsi retenu que :

« D’autre part, aux termes de l’article 9 de la Déclaration de 1789 :  » Tout homme étant présumé innocent jusqu’à ce qu’il ait été déclaré coupable, s’il est jugé indispensable de l’arrêter, toute rigueur qui ne serait pas nécessaire pour s’assurer de sa personne doit être sévèrement réprimée par la loi.  » Il en résulte le principe selon lequel nul n’est tenu de s’accuser, dont découle le droit de se taire.

6. Ces exigences s’appliquent non seulement aux peines prononcées par les juridictions répressives mais aussi à toute sanction ayant le caractère d’une punition. Elles impliquent que l’usager d’une université faisant l’objet de poursuites disciplinaires ne puisse être entendu sur les agissements qui lui sont reprochés sans qu’il soit préalablement informé du droit qu’il a de se taire. A ce titre, il doit être avisé, avant d’être entendu pour la première fois, qu’il dispose de ce droit pour l’ensemble de la procédure disciplinaire.

7. Sauf détournement de procédure, le droit de se taire ne s’applique ni aux échanges ordinaires de l’usager avec les agents de l’université, ni aux enquêtes diligentées par le chef de l’établissement, quand bien même ceux-ci sont susceptibles de révéler des faits commis par l’usager de nature à justifier le prononcé d’une sanction disciplinaire. Dans le cas où l’usager d’une université, ayant fait l’objet d’une sanction disciplinaire selon la procédure prévue au code de l’éducation, n’a pas été informé du droit qu’il avait de se taire alors que cette information était requise, cette irrégularité n’est susceptible d’entraîner l’annulation de la sanction prononcée que lorsque, eu égard à la teneur des déclarations de l’usager et aux autres éléments fondant la sanction, il ressort des pièces du dossier que la sanction infligée repose de manière déterminante sur des propos tenus alors que l’intéressé n’avait pas été informé de ce droit.  » (Conseil d’Etat, 9 mai 2025, n° 499277).

 

Si vous rencontrez une situation en matière disciplinaire ou en droit de l’éducation, n’hésitez pas à consulter nos avocats.