
Interdiction des bateaux de croisière : que peut faire le maire
Le cabinet a été interrogé par BFM TV le 22 janvier à propos de la problématique des bateaux de croisière qui stationnent dans les ports de plaisance et sur les pouvoirs des maires pour régulier ou interdire ces derniers.
En effet le maire de Nice, Monsieur Estrosi, a annoncé son intention d’interdire les bateaux de croisière dès cet été dans la ville. Il a précisé qu’il souhaitait prendre un arrêté en ce sens afin de lutter contre la pollution.
Cependant, cette déclaration soulève des questions concernant le partage des compétences en matière de police entre l’État et la commune. Le maire de Nice a-t-il réellement le pouvoir d’interdire l’accès des bateaux de croisière sur le littoral ?
L’organisation des compétences dans la gestion des ports maritimes en France
Le code des transports distingue trois principaux types de ports (article L5311-1) : les grands ports maritimes relevant de l’Etat, les ports autonomes relevant de l’Etat et les ports maritimes relevant des collectivités territoriales et de leur groupement.
Concernant le partage des compétences, c’est généralement l’Etat qui est responsable des grands ports maritimes d’intérêt national (port qui joue un rôle stratégique pour le transport maritime et international) tel que le port de Marseille par exemple. La région est compétente pour les ports maritimes de commerce et le département pour les ports maritimes de pêche (hors cas de transfert de compétence).
Enfin, les communes ou intercommunalités peuvent être responsable de la gestion des ports de moindre importance dit « port de plaisance » ou « port de pêche ». Ainsi, l’article L5314-4 du code des transports énonce : «
« Les communes ou, le cas échéant, les communautés de communes, les communautés urbaines, les métropoles ou les communautés d’agglomération, sont compétentes pour créer, aménager et exploiter les ports maritimes dont l’activité principale est la plaisance. Elles sont également compétentes pour aménager et exploiter les ports maritimes de commerce et de pêche qui leur sont transférés.
Le maire exerce deux types de pouvoir de police sur l’espace littoral : une police administrative général et une police spéciale :
- Police administrative générale
Le maire à autorité de police général sur l’ensemble de sa commune (tranquillité, salubrité et sécurité publique). Concernant les communes littorales, il exerce ses pouvoirs de police sur le rivage de la mer, jusqu’à la limite des eaux à l’instant considéré (article L2212-3 CGCT) sur les quais et sur les terre-pleins des ports.
- Police administrative spéciale
Le maire dispose également d’un pouvoir de police spéciale. L’article R 5141-3 du code des transports confie au maire la police spéciale des navires abandonnés dans les ports communaux. L’article L.2213-23 du code général des collectivités territoriales lui confie également un pouvoir de police administrative spéciale des baignades et activités nautiques pratiquées à partir du rivage par les engins de plage (matelas pneumatiques, bouées diverses, etc.) et les engins non immatriculés (planches à voile, planches nautiques tractées ou kite surfs, etc.). Cette police s’exerce en mer jusqu’à 300 mètres de la limite des eaux à l’instant considéré.
Ainsi, le maire est compétent pour prendre toutes les mesures de police administrative générale sur le port, dans un rayon maximal de 300 mètres. Au-delà de cette limite, c’est l’État, représenté par le préfet maritime, qui détient la compétence.
L’impossibilité pour le maire d’interdire l’arrivée des bateaux de croisière au-delà de 300 mètres
L’enjeu majeur réside dans la répartition des compétences. Les navires de type paquebot ou bateau de croisière, qui dépassent la limite des 300 mètres, échappent à l’autorité du maire et relèvent uniquement de l’État. Par conséquent, le maire de Nice n’a pas la compétence nécessaire pour interdire l’accès des croisières situées au-delà de cette limite. En conséquence, la déclaration du maire Estrosi ne pourra être mise en œuvre tant que le gouvernement ne redéfinira pas les compétences et ne conférera pas au maire de nouvelles prérogatives au-delà des 300 mètres. À moins d’une réforme du droit français, cette déclaration aura un impact limité.
C’est pourquoi le maire de Cannes, qui milite depuis 2018 pour l’instauration d’une police maritime dédiée aux communes littorales afin de limiter l’impact environnemental des paquebots, a mis en place une charte de croisière. Cette charte, aujourd’hui signée par 32 compagnies maritimes, vise à réduire l’empreinte écologique des navires de croisière.