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Sanction disciplinaire disproportionnée, sanction annulée !

Dans une ordonnance rendue le 7 novembre 2025, le juge des référés du tribunal administratif de Strasbourg a suspendu l’exclusion définitive d’un collégien présentant des troubles du spectre autistique et ordonne sa réintégration provisoire. Cette décision illustre la difficulté de concilier maintien de l’ordre dans les établissements scolaires et respect du droit à la scolarisation des élèves en situation de handicap et la nécessité de bien proportionner la réponse éducative.

Un élève bénéficiant d’une notification MDPH d’orientation vers un institut thérapeutique et pédagogique depuis août 2023, n’a pu intégrer cette structure faute de place disponible. Scolarisé successivement dans quatre collèges différents, il a fait l’objet d’exclusions définitives à répétition entre mai 2024 et octobre 2025. Le 9 octobre 2025, la principale du collège Louis Pasteur prononce une nouvelle exclusion définitive. Son père saisit alors le juge des référés sur le fondement de l’article L. 521-1 du code de justice administrative.

Le juge des référés a considéréque la condition d’urgence était remplie en s’appuyant sur plusieurs constats convergents. L’élève n’a été scolarisé que quelques semaines depuis la rentrée et de manière très limitée durant l’année précédente. Ces exclusions successives compromettent gravement son droit à l’éducation et créent une rupture de continuité pédagogique préjudiciable.

Le juge souligne particulièrement que l‘exclusion a un retentissement important sur le psychisme de l’élève, compte tenu des troubles du spectre autistique dont il souffre. Cette prise en compte de la vulnérabilité particulière de l’élève handicapé constitue un élément déterminant du raisonnement. La proposition d’affectation pportuniste d’affectation du Rectorat à l’audience n’affecte aucunement l’urgence de la situation, les mêmes causes produisant les mêmes effets.

Le juge a estimé que le moyen tiré de la disproportion de la sanction est propre à créer un doute sérieux quant à sa légalité. Cette appréciation est particulièrement importante car elle implique que la sanction n’a pas suffisamment pris en compte la situation de handicap et l’intérêt de l’élève. Le père invoquait notamment que le guide de l’école inclusive préconise de ne pas sanctionner un comportement lié à un trouble échappant au contrôle mental de l’élève.

Cette position du juge rappelle que l’exclusion définitive doit rester une sanction exceptionnelle, d’autant plus pour un élève en situation de handicap. La procédure disciplinaire doit impérativement tenir compte des troubles dont souffre l’élève et de leur impact sur son comportement. Avant d’envisager une exclusion, l’établissement doit démontrer avoir mis en œuvre tous les aménagements raisonnables, sous peine de voir sa décision censurée. De même, lorsqu’il est manifeste que l’exclusion n’aura aucune portée éducative, il convient d’envisager d’autres alternatives.

Le juge ordonne la réintégration de l’élève dans un délai d’une semaine, mais prend soin d’encadrer strictement la portée de sa décision. La mesure est provisoire et vaut jusqu’à la décision du recteur sur le recours hiérarchique formé par le père. Il refuse également de prescrire l’affectation d’un accompagnant d’élève en situation de handicap formé aux troubles autistiques, considérant que cette question excède ses pouvoirs en référé. En outre, juridiquement, c’est à la MDPH de prendre cette responsabilité.

Cette ordonnance souligne plusieurs obligations essentielles pour les chefs d’établissement confrontés à des situations disciplinaires impliquant des élèves handicapés. La réponse disciplinaire doit être individualisée et prendre en compte la nature des troubles dont souffre l’élève. L’exclusion ne peut intervenir sans que l’établissement ait démontré avoir épuisé toutes les autres solutions et mis en place les aménagements nécessaires.

Cette ordonnance s’inscrit dans une ligne jurisprudentielle qui témoigne d’un contrôle juridictionnel particulièrement attentif aux exclusions d’élèves en situation de handicap. Elle confirme que le référé suspension constitue un recours effectif pour préserver la continuité du parcours scolaire, même lorsque l’administration propose une solution alternative.

Pour les praticiens du droit de l’éducation, cette décision rappelle l’importance d’une documentation rigoureuse de toutes les mesures prises avant l’engagement d’une procédure disciplinaire. La simple invocation de troubles du comportement ne suffira pas à justifier une exclusion si l’établissement n’a pas préalablement mis en œuvre les adaptations nécessaires et démontré leur insuffisance.

Décision commentée:  TA Strasbourg, ord. réf., 7 novembre 2025, n° 2508479

Antoine Fouret - Avocat Associé

Nausica Avocats 

12 Rue des Eaux, 75016 Paris
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