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Exclusions par les conseils de discipline : des suspensions prononcées et un contrôle plus abouti

Les juridictions administratives ont pu, lors de cette période estivale, se pencher sur plusieurs dossiers d’étudiants ou élèves sanctionnés disciplinairement par leur établissement. Ce fût l’occasion de rappeler les règles du droit disciplinaire dans une scolarité et de rappeler les voies de recours possible.

Dans une première décision, le Tribunal administratif de Paris a rappelé les conditions d’appréciation de l’urgence. Il a en effet retenu que :

 » Les décisions attaquées des 22 et 28 mai 2025 ont pour conséquence l’exclusion définitive des enfants A et F du collège Voltaire à Berlin où ils étaient alors inscrits. Il n’est pas contesté que le secteur de Berlin ne comporte aucune autre école élémentaire de langue française en dehors d’une école privée suisse dont les coûts d’inscription sont trop élevés pour les finances du requérant et que les deux enfants ne sont germanophones. Ensuite, l’agence pour l’enseignement français à l’étranger soutient que le requérant est à l’origine de la situation d’urgence qu’il invoque en saisissant tardivement le juge des référés et qu’il existe un double intérêt public s’opposant à ce que le juge des référés prononce la suspension des décisions attaquées et tirées, d’une part, du bon fonctionnement de l’école Voltaire et, d’autre part, de l’intérêt des enfants du requérant et des autres élèves de l’établissement.

5. En premier lieu, il résulte de l’instruction que le requérant a multiplié les procédures dés le 22 mai 2025 pour obtenir la réinscription de ses enfants pour l’année scolaire 2025/2026 et a saisi à deux reprises le juge des référés du tribunal de céans de demandes en référé les 10 et 19 juin 2025. Par suite, l’agence n’est pas fondée à soutenir qu’il aurait saisi tardivement le juge des référés et démontré ainsi son peu d’empressement.

6. En deuxième lieu, l’agence soutient que le retour des deux enfants du requérant mettrait l’école en situation de difficulté organisationnelle eu égard à la constance et au caractère croissant des tensions avec cette famille et des troubles qu’induiraient la présence des deux enfants au sein de cet établissement. Toutefois, d’une part, il n’est pas contesté que les troubles relationnels de l’école avec la famille G E ainsi que les documents produits par l’agence concernent avant tout l’ainé de la fratrie, le jeune B, et que ce dernier va quitter l’école pour entrer dans le cycle secondaire au sein du collège français de Berlin. Ensuite, les documents produits par l’agence, concernant spécifiquement le jeune A et encore plus sa sœur F soit la réponse favorable à une demande de protection fonctionnelle de la directrice de l’école suite à une distribution de flyers ainsi que l’envoi d’un mail à caractère diffamatoire et le mail de la vice-présidente de l’association des parents d’élève demandant à la mère des élèves de ne plus participer aux réunions de cette association ne sont pas de nature à eux seuls à établir une telle situation, laquelle, encore une fois concerne avant tout l’ainé de la fratrie qui va quitter l’école.

7. En troisième lieu, le seul mail d’une enseignante de l’école à sa directrice du 24 février 2025 relative aux difficultés relationnelles de la jeune F ne peut à lui seul établir que la suspension des deux décisions attaquées serait de nature à porter atteinte à l’intérêt des enfants du requérant et des autres élèves de l’établissement.

8. Il résulte de ce qui précède que compte tenu de la gravité des décisions attaquées pour l’éducation de ces deux jeunes enfants et de la proximité de la rentrée scolaire, en septembre, la condition d’urgence au sens de l’article L. 521-1 du code de justice administrative peut être regardée comme remplie » (TA Paris, 21 juil. 2025, n° 2518412).

On le voit, le juge contrôle concrètement et réellement les motifs que l’administration peut opposer quant à la condition de l’urgence en référé-suspension. Si un intérêt public peut effectivement faire échec à la reconnaissance d’une situation d’urgence, ce dernier doit être légitime et réel. Dans ce cadre, le juge va s’attacher à contrôler très précisément les allégations opportunes en défense, tendant très souvent comme en l’espèce à bloquer le recours pour appliquer une politique du fait accompli.

Dès lors qu’une exclusion est prononcée et que la famille est diligente, le juge retient la condition d’urgence, y compris en présence de l’invocation d’un intérêt public artificiel.

Il est intéressant de noter que les difficiles rapports entre la famille et l’établissement apparaissaient établis, concernant l’ainé de la fratrie, non en cause dans ce contentieux. Pour autant, le juge sépare les éléments et retient que les difficultés relationnelles étaient en lien avec l’ainé alors que c’est l’exclusion des deux cadets qui justifiait la saisine.

Il a ensuite retenu le doute sérieux en considérant le défaut de motivation de la décision et enjoint le réexamen du dossier des deux enfants par l’établissement.

  Dans une deuxième affaire, le Tribunal administratif de Lyon a censuré une sanction d’exclusion de douze mois, dont trois avec sursis au sein d’une grande école supérieure. L’établissement avait poursuivi et sanctionné l’étudiant pour des propos relevant de « sa manière de faire de l’humour » alors même que cette dernière relevait, selon la requête, de sa liberté d’expression. De surcroit, « le contenu précis et le caractère illicite des propos qui lui sont attribués n’est pas établi « . Le juge administratif, toujours en qualité de juge des référés, a retenu l’argumentaire et, eu égard à l’absence de précision quant au contenu des propos litigieux, censuré la décision pour un défaut de proportionnalité, outre le vice afférent à la composition du conseil de discipline, lequel demeure une garantie légale (TA Lyon, 24 juil. 2025, n° 2508526).   Le Tribunal administratif de Versailles, dans une troisième affaire, a également eu à censure l’administration en matière disciplinaire. Le juge y a rappelé l’importance de la proportionnalité en matière de commission de discipline, laquelle s’apprécie eu égard aux fautes commises et eu égard aux effets de la sanction. Ainsi, lorsque les effets de la décision apparaissent déterminants pour le futur d’un étudiant (impossibilité de valider sa thèse et abandon pur et simple du parcours académique), ils peuvent être de nature à justifier la censure de la sanction pour disproportionnalité :

« 4. Il résulte de l’instruction que M. B est arrivé au terme de la phase 2 dite d’approfondissement du troisième cycle de ses études de médecine et que, pour accéder à la troisième et dernière phase dite de consolidation et être nommé docteur junior, il doit valider l’ensemble des connaissances et compétences nécessaires à la validation de la phase 2 et soutenir avec succès sa thèse avant le 31 octobre 2025. Il résulte également de l’instruction que le requérant n’a pas pu se présenter à l’examen de fin de phase 2 le 4 juillet 2025 du fait de la sanction d’exclusion litigieuse, laquelle a pour effet de l’empêcher de se présenter à la session de rattrapage prévue le 5 septembre 2025. Il fait valoir à l’audience, sans être sérieusement contredit en défense, qu’aucune autre université ne l’a autorisé à s’inscrire pour la poursuite de ses études en raison de la sanction d’exclusion qui lui a été infligée. En outre, cette sanction prive M. B de la rémunération liée à son statut d’interne en médecine, alors que celui-ci justifie de charges mensuelles conséquentes liées notamment aux échéances du prêt immobilier qu’il a contracté en 2023. Dans les circonstances de l’espèce, la condition d’urgence prévue à l’article L. 521-1 du code de justice administrative doit être regardée comme remplie. »

Ces décisions rappellent la nécessité d’être bien accompagné en cas de procédure disciplinaire tant les sanctions peuvent être lourdes pour les étudiants. En cas de difficultés, n’hésitez pas à contacter nos avocats en conseil de discipline pour évoquer votre situation.