
Jurisprudences récentes en matière de débits de boisson et licence IV
Les tribunaux administratifs ont rendu des décisions intéressantes récemment en matière de droit des débits de boisson.
Pas de fermeture d’un débit de boisson en l’absence de constatation de délivrance d’alcool à des clients
Dans une première décision rendue par le tribunal administratif de Caen, le juge a annulé l’arrêté de fermeture pour erreur d’appréciation.
Dans cette affaire, le bar contestait avoir délivré de l’alcool ou accueilli deux clientes en état d’ivresse manifeste. Le juge administratif relate que si « le procès-verbal du 28 octobre 2022 établi par la police municipale de la ville de Caen fait état, le même jour à 01h45, de l’intervention des services de police municipale en assistance de deux femmes en état d’ivresse sur la voie publique à proximité de l’établissement « L’Orient Express », ce document, ni aucune autre pièce, ne donne de précision sur le comportement ou l’état des clientes »
Le tribunal ajoute qu' »En outre, l’établissement « L’Orient Express » produit, sans être contredit en défense, le témoignage circonstancié de l’agent de sécurité infirmant l’état d’ébriété des jeunes femmes ».
Le tribunal considère en conclusion qu’en » en l’absence de précisions dans les pièces du dossier relatives à l’alcoolisation excessive des clientes en lien direct avec l’établissement et au doute subsistant sur le fait que celles-ci auraient été accueillies au sein de l’établissement en état d’ivresse ou s’y seraient vues servir de l’alcool alors qu’elles étaient manifestement ivres, le préfet du Calvados a commis une erreur d’appréciation.
Cette décision illustre la possibilité de renverser le récit de la police quand celui-ci est flou et obtenir l’annulation de la fermeture.
Tribunal administratif de Caen, 1ère chambre, 15 mai 2025, n° 2202825
Fermeture administrative débit de boisson : le préfet ne peut pas dépasser la durée légale
La deuxième affaire portait sur une fermeture administrative prise durant l’état durant sanitaire. Le débit de boisson avait fait l’objet, de deux visites de la gendarmerie de Puget-Théniers au cours desquelles des manquements aux consignes sanitaires en vigueur relatives à la Covid-19 ont été relevés. Une fermeture de 15 jours avait été prononcée à l’égard de l’établissement.
Le juge relève une erreur de droit en raison de la méconnaissance de l’article 1er de la loi du 31 mai 2021 relative à la gestion de la sortie de crise sanitaire :
» Il résulte de ces dispositions que l’autorité préfectorale ne peut prononcer la fermeture administrative temporaire d’un établissement exerçant une activité de restauration commerciale ou de débit de boissons et dont l’exploitant ne contrôle pas la détention, par les salariés qui y sont soumis, du « passe sanitaire », que pour une durée maximale de sept jours. Dès lors, en prononçant une fermeture administrative pour une durée de 15 jours, le préfet des Alpes-Maritimes a méconnu ces dispositions. »
TA Nice, 4e ch., 30 avr. 2025, n° 2201004.
Obligation de respecter un délai de 48h avant l’entrée en vigueur de la fermeture
La dernière affaire concernait une discothèque fermée pour une durée de 15 jours par décision préfectoral. Le juge relève que selon le 2 bis de l’article L. 3332-15 du code de santé publique, l’arrêté ordonnant la fermeture d’un débit de boissons en raison d’atteintes à la santé et l’ordre publics n’est exécutoire que quarante-huit heures après sa notification lorsque les faits le motivant sont antérieurs de plus de quarante-cinq jours à la date de sa signature.
Or dans cette affaire, l’arrêté litigieux prévoyait la fermeture de l’établissement (…) pour une durée de quinze jours à compter de la notification du présent arrêté () » alors même qu’une durée supérieure à quarante-cinq jours s’est écoulée entre les plus récents des faits fondant cette mesure et la signature de l’arrêté. L’arrêté est donc illégal en ce qu’il a été rendu exécutoire avant l’expiration d’un délai de quarante-huit heures suivant sa notification.
TA Rennes, 3e ch., 22 mai 2025, n° 2303175.
Une fermeture de 4 mois peut être disproportionnée
Le juge a censuré une fermeture, d’une durée de 4 mois comme disproportionnée. Pour prononcer cette fermeture, le préfet de la Guadeloupe s’était fondé sur l’article L. 3332-15 du code de la santé publique, et sur le fait que lors d’un contrôle il a été constaté que des clients consommait des boissons alcoolisées, précisément des bières, sur le trottoir en face du restaurant, qu’une dizaine d’hommes jouait aux dominos bruyamment, et que de l’alcool avait été retrouvé en grande quantité, sans que celle-ci soit précisée par le rapport administratif établi, dans l’enceinte de l’établissement.
Le juge considère que L’ouverture d’un débit de boissons sans déclaration et la vente d’alcool sans licence ainsi que les troubles à l’ordre public, peuvent justifier une sanction. Cependant, cette dernière doit être proportionnée.
Or, le tribunal relève que l’établissement n’avait pas fait l’objet d’une précédente mesure de fermeture administrative pour des infractions identiques ou similaires à la législation des débits de boissons. Par ailleurs, le juge relative les troubles : « si le rapport administratif produit mentionne que les services de police ont été destinataires d’une pétition de riverains de l’établissement dénonçant des faits de nuisances troublant la tranquillité du quartier, cette pétition, au demeurant non produite à l’instance, ne suffit pas à retenir que les nuisances sonores relevées, dont la gravité est relative en l’espèce, auraient un caractère répétitif. »
En conséquence, le juge considère qu’ « en prononçant une fermeture administrative pour une durée de quatre mois, le préfet de la Guadeloupe a pris une mesure excédant celle qui était strictement nécessaire pour atteindre les objectifs poursuivi ». L’arrêté est donc annulé
TA Guadeloupe, 1re ch., 7 oct. 2025, n° 2301476.
Illégalité d’une réglementation trop stricte des horaires d’ouverture des débits de boisson
Le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a suspendu l’arrêté municipal du 12 mars 2025 fixant les heures d’ouverture et de fermeture des débits de boissons, des restaurants pris par le maire de Gennevilliers. Ce dernier fixait les heures limites de fermeture de tous les débits de boissons, hors terrasse à 23 heures.
Le juge était saisi par un exploitant de discothèque, très impact par ces horaires incompatibles avec son activité. L’arrêté était très ferme et d’application très vaste: il portait sur de l’ensemble des établissements titulaires d’une licence – licence de débits de boissons, licence restaurant, licence vente à emporter, des établissements de restauration et restauration rapide sans licence et des commerces avec terrasse, seuls les hôtels possédant une licence IV ayant l’autorisation de fermeture plus tard et seuls les restaurants pouvant obtenir une dérogation d’horaires d’un caractère ponctuel et exceptionnel.
Le juge censure cet arrêté en ce que le maire a maire a excédé les pouvoirs de police qu’il tient des dispositions de l’article L.2212-2 2° du code général des collectivités territoriales
TA Cergy-Pontoise, 12 sept. 2025, n° 2515255
6. Obligation de délivrer un récépissé de déclaration de mutation de licence IV
Dans cette affaire, le tribunal administratif rappelle que « le préfet de police était tenu de constater l’accomplissement de la formalité de déclaration de mutation de la licence dans la personne du propriétaire ou du gérant du débit de boissons et d’en délivrer récépissé à l’intéressée. »
Pour la délivrance du récépissé, la préfecture ne peut « à ce stade, examiner la situation du débit de boissons et contrôler la régularité de l’opération envisagée ».
Ainsi dans cette affaire, le préfet faisait valoir que la société n’a pas justifié de son droit d’exploiter la licence de 4e catégorie en raison d’un jugement du tribunal de commerce.
Le juge relève que « si ces informations, qui résultent d’un examen de la situation du débit de boissons et de celle de sa propriétaire déclarée, auraient pu, le cas échéant, après la mutation de la licence, justifier que le préfet de police fasse usage de ses pouvoirs de police administrative (…) voire qu’il saisisse le procureur de la République, elles ne l’autorisaient néanmoins pas à refuser de délivrer le récépissé de déclaration de la mutation de la licence.
Le juge censure donc le refus de délivrer le récépissé comme entaché d’une erreur de droit.
TA Paris, 3e sect. – 2e ch., 26 juin 2025, n° 2326555.
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