Inégalité devant les MCC différentes de deux formations similaires
Dans une ordonnance n° 2512420 rendue le 22 octobre 2025, le juge des référés du Tribunal administratif de Lyon a prononcé la suspension de l’exécution d’une décision d’ajournement d’une étudiante en master de psychologie. Cette affaire nous offre l’occasion de revenir sur deux questions essentielles du contentieux universitaire : l’appréciation de l’urgence en matière de référé-suspension et le respect du principe d’égalité dans l’organisation des examens.
Une étudiante inscrite en master mention « Psychologie sociale, du travail et des organisations« , parcours « Psychologie du travail et des organisations » à l’Université, s’est vue ajournée sans possibilité de passer une session de rattrapage. Cette décision faisait suite à son échec à l’épreuve de stage, affectée d’un coefficient particulièrement élevé de 27 sur 30 au semestre 4. Face à cette situation, l’étudiante a saisi le juge des référés pour obtenir la suspension de cette décision et demander qu’un nouveau jury soit convoqué.
Conformément à l’article L. 521-1 du code de justice administrative, il lui appartenait de convaincre le juge des référés de ce que la décision impactait de manière grave et immédiate sa situation et de ce qu’elle apparaîssait entachée d’un doute sérieux sur sa légalité.
L’université défenderesse soutenait que la condition d’urgence n’était pas remplie. Son argumentation reposait sur deux éléments : d’une part, l’étudiante ne pouvait ignorer l’absence de session de rattrapage pour cette épreuve, et d’autre part, elle avait la possibilité de redoubler son année. En somme, l’université estimait que la situation n’était pas si grave puisqu’une solution existait.
Le juge des référés n’a cependant pas suivi cette argumentation.
Il a rappelé que l’urgence est caractérisée lorsque l’exécution de la décision attaquée porte atteinte, de manière suffisamment grave et immédiate, à la situation du requérant et a procédé à une appréciation concrète de la situation de l’étudiante. Le fait que l’ajournement conduise à retarder d’au moins une année supplémentaire son entrée dans la vie professionnelle constitue, aux yeux du juge, un préjudice suffisamment grave et immédiat. Et ce, quand bien même, l’étudiante aurait été négligeante ou bénéficierait d’alternatives de poursuite d’études.
Cette position mérite d’être soulignée. Le juge ne s’est pas arrêté à la possibilité théorique d’un redoublement pour écarter l’urgence. Il a pris en compte les conséquences réelles et pratiques de l’ajournement sur le parcours de l’intéressée. On peut y voir une approche humaine et pragmatique du contentieux universitaire, qui ne se satisfait pas d’arguments purement formels. Rappelons qu’un redoublement est une année de perdu en vue d’entrée sur le marché du travail et donc, une année de plu sans possibilité d’obtenir un salaire.
C’est cependant sur la seconde condition du référé-suspension que cette décision se révèle particulièrement instructive. Le juge identifie une rupture d’égalité significative dans l’organisation des examens au sein du même diplôme de master.
Le juge rappelle d’abord que les établissements d’enseignement supérieur disposent d’une certaine liberté pour instituer des parcours-types différents au sein d’un même master. Ces parcours conduisent tous à la délivrance du même diplôme avec la même mention, mais peuvent présenter des contenus pédagogiques distincts.
Cette autonomie n’est toutefois pas sans limites. Le principe d’égalité impose que toute différence de traitement soit justifiée par une différence de situation ou un motif d’intérêt général, qu’elle soit en rapport direct avec l’objet de la norme, et qu’elle ne soit pas manifestement disproportionnée.
Or, en l’espèce, le juge constate une différence de traitement difficilement justifiable. Dans le parcours « Psychologie du travail et des organisations » suivi par la requérante, l’épreuve de stage, affectée d’un coefficient de 27, ne donne droit à aucune session de rattrapage. En revanche, dans le parcours « Psychologie sociale » du même diplôme, l’épreuve de validation du mémoire professionnel ou de recherche, affectée d’un coefficient de 24, ouvre droit à une session de rattrapage. Ces deux épreuves présentent pourtant une nature similaire : il s’agit dans les deux cas d’épreuves mixtes (oral et écrit) avec un dossier à rendre, et leur pondération est comparable.
L’université a bien tenté d’expliquer cette différence en arguant que les deux parcours n’ont pas la même finalité et n’orientent pas vers les mêmes débouchés professionnels. Mais cet argument n’a pas convaincu le juge. Comment justifier qu’une épreuve de nature similaire, affectée d’un coefficient tout aussi déterminant, ne bénéficie pas des mêmes garanties selon le parcours choisi par l’étudiant ? En l’état de l’instruction, cette différence de traitement fait naître un doute sérieux quant à la légalité de la décision d’ajournement.
Les deux conditions cumulatives du référé-suspension étant réunies, le juge prononce la suspension de l’exécution de la décision d’ajournement ainsi que des décisions de rejet des recours administratifs préalables. Il va même plus loin en enjoignant à la présidente de l’université de saisir le jury afin qu’il délibère à nouveau sur la situation de l’étudiante, dans un délai de deux mois. L’étudiante se voit également allouer la somme de 1 000 euros au titre des frais de justice.
Cette décision présente plusieurs intérêts pour la pratique du droit de l’éducation. Elle témoigne d’abord d’une certaine sensibilité du juge des référés aux conséquences concrètes des décisions universitaires sur le parcours des étudiants, notamment à une époque où l’inflation normative tend à multiplier les règlementations de MCC (L.AS par exemple). La possibilité théorique de redoubler ne suffit pas à écarter l’urgence lorsque l’ajournement compromet de manière significative l’entrée dans la vie professionnelle.
Elle rappelle ensuite aux établissements d’enseignement supérieur que leur autonomie dans l’organisation des formations trouve sa limite dans le respect du principe d’égalité. Lorsqu’un même diplôme comporte plusieurs parcours, les modalités d’évaluation doivent rester cohérentes, en particulier pour des épreuves de nature et d’importance comparables. On ne peut pas accepter qu’un étudiant soit privé de toute possibilité de rattrapage pour une épreuve déterminante, quand son camarade inscrit dans un autre parcours du même diplôme en bénéficie pour une épreuve similaire.
Cette décision constitue donc un rappel utile de la nécessité de veiller à la cohérence des modalités de contrôle des connaissances au sein d’un même diplôme. L’autonomie universitaire ne saurait justifier des inégalités de traitement injustifiées entre étudiants poursuivant le même objectif académique.
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