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La liberté fondamentale d’égal accès à l’instruction vaut également pour les adultes !

En droit, le préambule de la Constitution de 1946 dispose d’une valeur constitutionnelle, de telle sorte que l’égal accès à l’instruction prévu au point 13 est une norme opposable.

Le point 13 dispose que «La Nation garantit l’égal accès de l’enfant et de l’adulte à l’instruction, à la formation professionnelle et à la culture ».

Ce droit, repris et consacré dans le Code de l’éducation et par la jurisprudence du Conseil d’Etat semblait, de fait, réduit aux mineurs de moins de seize ans dont la situation académique était en péril. Cela était sous-tendu par la circonstance que les articles L. 131-1 et suivant du code de l’éducation impose la scolarisation de tout enfant âgé de 3 à 16 ans.

En effet, la voie idoine pour faire censurer une atteinte grave et manifestement illégale à une liberté fondamentale est le référé-liberté. Or, en pratique, les seuls référés libertés admis sur la question de l’accès à l’instruction était jusqu’il y a peu des procédures où les requérants avaient moins de seize ans et étaient donc soumis à l’obligation scolaire.

Bien que le texte vise tant l’enfant que l’adulte, une certaine lecture de ces dispositions conduisait à ne corréler ce droit qu’à la période de scolarisation obligatoire.

Une ordonnance, sur le thème des aménagements des conditions de scolarité, sans quoi la situation confinait à une déscolarisation de fait, avait déjà pu retenir la situation d’un enfant de plus de seize ans.

Le 10 juin 2025, le Tribunal administratif de Melun, saisi par le cabinet, en a rendu une nouvelle, cette fois concernant une adulte de 18 ans.

Aux termes d’une ordonnance particulièrement motivé, il a redonné toute son ampleur au point 13 du préambule de la Constitution de 1946 que nous présentions en introduction.

Il a, pour ce faire, raisonné en trois étapes.

Le litige concernait une étudiante souffrant de troubles de son état de santé rendant indispensable des aménagements en vue des épreuves du baccalauréat et pour laquelle le SIEC n’avait pas statué sur la demande d’aménagements. Elle avait saisi le juge administratif de Paris, son lieu de résidence, lequel en dépit de son incompétence manifeste ne l’avait pas réorienté vers la bonne juridiction. En effet, Melun dispose d’une compétence pour toute l’Ile de France pour les litiges en lien avec les examens nationaux (Brevet, baccalauréat).

Le temps manquait donc à cette étudiante pour introduire un référé-suspension, qui est la procédure habituelle, en pareille circonstance.

La première étape du raisonnement consistait donc naturellement à analyser l’aspect procédural et a justifié l’admission de la requête sous cet aspect. Il a ainsi rappelé les conditions à respecter en pareille hypothèse :

« Lorsqu’un requérant fonde son action non sur la procédure de suspension régie par l’article L. 521-1 du code de justice administrative mais sur la procédure de protection particulière instituée par l’article L. 521-2 précité de ce code, il lui appartient de justifier de circonstances caractérisant une situation d’urgence qui implique, sous réserve que les autres conditions posées par l’article L. 521-2 soient remplies, qu’une mesure visant à sauvegarder une liberté fondamentale doive être prise dans les quarante-huit heures. L’urgence doit s’apprécier objectivement et globalement. Enfin, la condition d’urgence s’apprécie à la date de la présente ordonnance ».

 

Une fois ce point éclairci, il devait donc vérifier les conditions qu’il venait d’énoncer, à commencer par celle tenant à l’urgence d’une mesure sous 48 heures. Sur ce point, la base factuelle était suffisamment solide, les épreuves du baccalauréat commençant 6 jours après la date de l’audience :

« Il résulte de l’instruction que les épreuves de la session 2025 du baccalauréat est convoquée Mlle X. débutent le 16 juin prochain ; compte tenu de cette proximité dans le temps, il en résulte que la condition d’urgence de l’article L. 521-2 du code de justice administrative doit au cas d’espèce être considérée comme satisfaite »

Sur la caractérisation de la liberté fondamentale en cause et, surtout, sur l’atteinte grave et manifestement illégale qui était invoquée, le juge a retenu que :

« Pour caractériser l’atteinte grave et manifestement illégale à la liberté fondamentale que constitue l’égal accès à l’instruction et le droit à compensation des conséquences de son handicap, Mlle X soutient, d’une part, qu’elle est suivie sur le plan psychologique dans le cadre d’un état de santé particulièrement préoccupant et présente un état dépressif majeur, associé à d’importantes angoisses et à une altération notable de ses capacités cognitives, notamment de mémorisation et d’attention. Il résulte effectivement de l’instruction que cet état psychologique a été constaté à deux reprises par le Dr Y., psychiatre, les 30 janvier 2025 et 27 mai 2025, ainsi que par le médecin de l’Education nationale, comme l’établit la partie 2 du projet d’accueil individualisé (PAI) produit par la requérante. D’autre part, Mlle X. soutient qu’elle bénéficie d’ailleurs à ce titre d’une majoration d’un tiers temps et de temps de pause compensatoire lors des évaluations, afin de tenir compte de ses troubles d’attention, de mémorisation et d’attention ; depuis plusieurs mois ces aménagements lui permettent de suivre une scolarité normale malgré son état de santé. Toutefois, il ressort du PAI de la requérante susmentionné que celui-ci n’a accordé à Mlle X. qu’un tiers temps supplémentaires lors des évaluations, contrôles et épreuves, et non le bénéfice d’un temps compensatoire pour se lever, marcher, aller aux toilettes.

Il résulte de ce qui précède qu’en n’octroyant pas à la jeune X. un tiers temps supplémentaire pour les épreuves du baccalauréat session 2025, le SIEC des académies de Créteil, Paris et Versailles a porté une atteinte grave et manifestement illégale à la liberté fondamentale que constitue l’exigence constitutionnelle d’égal accès à l’instruction et le droit à compensation des conséquences du handicap pour les élèves qui en sont atteints.».

Le juge ne s’est donc pas retranché derrière, ni le motif procédural, ni l’approche souvent restrictive du droit à l’égal accès à l’instruction, limité trop souvent, contra legem, aux mineurs de moins de seize ans en situation de défaut de scolarisation (ou équivalent).

Les lecteurs les plus attentifs auront noté un autre point important dans cette ordonnance qui est que le juge retient le caractère fondamental du droit à la compensation du handicap, ce qui est un point important.

Une telle reconnaissance, qui permet de se prévaloir du référé-liberté, et d’asseoir avec plus de force les autres voies de recours, est une grande avancée pour le droit des personnes en situation de handicap, bien que quelques exemples antérieurs existent.

Si vous rencontrez une difficulté en droit de l’éducation, n’hésitez pas à consulter nos avocats en droit de l’éducation et du handicap.