Actualité jurisprudentielle en instruction en famille
Le cabinet vous propose un petit tour d’actualité sur des décisions rendues dans le cadre des demandes d’autorisation d’instruction en famille, matière dans laquelle la jurisprudence continue de se dessiner à petit feu afin de permettre une meilleure appréhension des difficultés liés à cette voie d’instruction et notamment à l’interprétation des dispositions de l’article L. 131-5 du code de l’éducation.
La Cour administrative d’appel de Lyon a retenu récemment qu’une mauvaise saisine de la commission de RAPO, dès lors qu’un recours avait bien été introduit, auprès d’un destinataire erroné, ne justifiait pas le rejet de leur recours :
« 5. En l’espèce, si M. et Mme A n’ont pas expressément saisi la commission prévue aux articles D. 131-11-10 et suivants du code de l’éducation, ils ont contesté la décision du 15 avril 2022, leur refusant l’autorisation d’instruire en famille leur fille B, par un courriel du 21 avril 2022 adressé à l’inspectrice d’académie, directrice académique des services de l’éducation nationale de l’Isère, et ce courriel a été suivi, en temps utile, par un recours administratif présenté par leur avocat à la rectrice, ce recours administratif ayant été notifié le 4 mai 2022. Eu égard à son objet et au délai dans lequel il a été présenté, ce dernier, même s’il ne fait pas mention des dispositions de l’article D. 131-11-10 du code de l’éducation, devait, par application des dispositions de l’article L. 114-2 du code des relations entre l’administration et le public, être transmis à la commission et il a fait naître, en application des dispositions précitées de l’article L. 231-4 du code des relations entre le public et l’administration, une décision implicite de rejet le 4 juillet 2022. Par suite, la fin de non-recevoir soulevée par l’administration et tirée de ce que les conclusions à fin d’annulation pour excès de pouvoir présentées par les requérants sont irrecevables faute d’exercice du recours administratif préalable obligatoire prévu par les articles D. 131-11-10 et D. 131-11-13 du code de l’éducation doit être rejetée. Pour les mêmes motifs, la fin de non-recevoir tirée de ce que la demande, enregistrée le 27 juillet 2022, serait prématurée doit également être rejetée.
[…]
7. En l’espèce, ainsi qu’il a été dit au point 5 du présent arrêt, M. et MmeA ont formé un recours contre le refus opposé à leur demande d’autorisation d’instruire en famille leur fille née en décembre 2019 au titre de l’année scolaire 2022-2023. Ce recours, réceptionné le 4 mai 2022, bien que n’étant pas adressé à la commission compétente pour en connaître, devait, par application des dispositions précitées de l’article L. 114-2 du code des relations entre l’administration et le public, être transmis pour examen à la commission mentionnée à l’article D. 131-11-10du code de l’éducation. Or en l’espèce, il ne ressort pas des pièces du dossier que cette commission, dont la saisine constitue une garantie pour les personnes s’étant vu refuser l’autorisation d’instruire leur enfant en famille, se soit réunie avant la naissance, le 4 juillet 2022, de la décision implicite de rejet du recours de M. et Mme A. Par ailleurs, s’il résulte des pièces du dossier que la commission, qui s’est tenue le 13 octobre 2022, a autorisé les requérants à instruire leur fille en famille, cette décision n’a été prise qu’en exécution de l’ordonnance du juge des référés du tribunal administratif de Grenoble et non pas pour statuer sur le recours présenté le 4 mai 2022. Dans ces conditions, M. et Mme A, qui ont ainsi été privés d’une garantie, sont fondés à soutenir que la décision implicite de rejet opposée à leur recours est entachée d’illégalité et doit être annulée pour ce motif » (CAA Lyon, 3 juin 2024, n° 2302550).
Du côté du Tribunal administratif de Melun, une situation propre a été retenu en raison des complications organisationnelles de la famille pour des motifs justifiant que la demande soit déposée hors délai ; le juge ne s’est pas engagé sur la définition de la situation propre mais a du moins retenu qu’une instruction en famille permanente était plus conforme à une scolarisation très parcellaire :
« Il ressort des pièces du dossier que, pour rejeter la seconde demande des requérants fondée sur l’existence d’une situation propre à l’enfant et présentée le 29 août 2023, la commission académique a retenu que la demande avait été présentée au-delà des délais impartis par l’article précité alors qu’aucun motif tenant à l’état de santé de l’enfant, à son handicap ou à son éloignement géographique de tout établissement scolaire public ne serait apparu postérieurement au délai imparti. Toutefois, il ressort des pièces du dossier et sans que cela ne soit contesté en défense, que le maire de Beaumont-du-Gâtinais a refusé en août 2023 d’inscrire B à l’accueil périscolaire en raison de ses allergies alimentaires dès lors au motif que les agents de la mairie ne sont pas en capacité d’assurer la sécurité de l’enfant et d’éliminer l’ensemble des allergènes. La position du maire de la commune en août 2023 révèle ainsi un motif nouveau tenant à l’état de santé de l’enfant et apparu postérieurement à la période inclue entre le 1er mars et le 31 mai. Il est constant que le fait qu’Ayden ne puisse pas bénéficier de l’accueil périscolaire crée un obstacle à sa scolarisation dès lors qu’en raison de cette circonstance il ne fréquente effectivement l’école que le lundi, jour de congés du père, et que sa mère ne dispose d’aucun moyen de transport pour organiser les allers et retours vers l’établissement scolaire entre 11h30 et 13h30 les autres jours de la semaine. Dans ces conditions, en considérant que la demande formulée le 29 août 2023 était tardive, dès lors que les requérants n’apportaient pas de motifs apparus postérieurement au délai imparti, la commission a entaché sa décision d’une erreur de droit. En outre, les requérants établissent que la situation propre de leur enfant justifie qu’il soit instruit en famille. Par suite, il y a lieu d’annuler la décision du 21 septembre 2023 en tant qu’elle rejette pour tardiveté leur demande d’instruction en famille fondée sur l’existence d’une situation propre à l’enfant. » (TA Melun, Ord., 24 mai 2024, n° 2311011).
Concernant la transparence des contrôles, le tribunal administratif de Caen a considéré que le Rectorat ne pouvait refuser la communication aux familles du bilan intégral du contrôle et qu’il ne pouvait se contenter, lorsque cela lui est demandé, de seulement renvoyer vers l’avis favorable ; notons qu’il ne s’est pas laissé abusé par les allégations du Rectorat selon lesquelles les bilans n’existent pas :
« 4. En premier lieu, la rectrice de l’académie de Normandie ne saurait sérieusement soutenir que la version complète des bilans de contrôle tels qu’ils avaient été établis pour les années antérieures n’existe pas, dès lors que cette inexistence n’a été alléguée, pour la première fois, que dans son mémoire en défense produit dans la présente instance, soit près d’un an après que les requérants ont formulé pour la première une demande de communication de ces documents, qu’en opposant à la demande des requérants le seul motif tiré de ce qu’elle était en droit de refuser la communication de tout document supplémentaire, en application de l’article L. 311-2 du code des relations entre le public et l’administration, elle en a implicitement mais nécessairement reconnu l’existence, que les formes dans lesquels ont été établis les bilans des contrôles portant sur les années antérieures résultent des préconisations établies par le ministère de l’éducation nationale sous forme d’un « vade mecum » et que la rectrice de l’académie de Normandie ne fait pas état des raisons pour lesquelles elle aurait décidé d’en affranchir désormais ses services.
5. En second lieu, il résulte des dispositions précitées de l’article L. 311-2du code des relations entre le public et l’administration que, contrairement à ce que la décision attaquée relève, l’administration ne peut se dispenser de communiquer les motifs d’un avis favorable que lorsqu’une décision doit être prise au vu de celui-ci et que celle-ci ne l’a pas encore été. Dès lors, la rectrice de l’académie de Normandie ne pouvait légalement refuser de communiquer la version complète du contrôle de bilan prévu par les dispositions de l’article R. 131-16-1du code de l’éducation pour ce motif, dès lors que ce document ne constitue pas un document préparatoire » (TA Caen, 23 mai 2024, n° 2303125).
Dans l’attente de nouvelles décisions, les équipes du cabinet restent mobilisés pour défendre le droit des familles à choisir librement l’instruction à donner à leurs enfants; n’hésitez pas à nous contacter en cas de difficulté en IEF.