Disproportion des sanctions disciplinaires à l’Université et nécessité d’une appréciation objective
Le tribunal administratif de Toulouse a, par un jugement récent, rendu une décision venant censurer la disproportion de la sanction infligée à un étudiant, laquelle consistait en une exclusion de trois ans de l’établissement d’études supérieures dans lequel était inscrit l’étudiant.
Dans l’espèce qui lui était soumise, le tribunal a considéré d’une part, que les faits n’étaient pas établis et, d’autre part, qu’une Université ne pouvait retenir comme faute le fait de ne pas avoir pris en compte la situation de vulnérabilité matérielle et psychologique et sa propre perception de la relation qu’il a eue avec une étudiante, de tels motifs relevant d’une appréciation subjective des faits reprochés et les sanctions disciplinaires devant être fondées sur des appréciations objectives :
« La commission de discipline de la sanction disciplinaire de l’Institut d’études politiques de Toulouse a considéré que les faits commis par M. C constituaient un trouble à l’ordre et au bon fonctionnement de l’établissement et a, en conséquence, prononcé son exclusion pour une durée de trois ans. La commission reproche à M. C d’avoir eu « des comportements inappropriés () à l’égard d’une autre étudiante de sa promotion, – particulièrement, le fait de ne pas [avoir pris] en compte la situation de vulnérabilité matérielle et psychologique connue de lui et sa propre perception de leur relation -, [qui] ont entraîné une aggravation de l’état de santé de cette étudiante ainsi que des répercussions sur sa scolarité, son assiduité en cours et ses résultats aux examens (redoublement) « La commission a également relevé que M. C avait » exercé diverses pressions et menaces envers ses pairs « et que » cette relation délétère, en dépassant le cadre de l’intime pour être progressivement publicisée au sein de la communauté éducative et associative de Science Po Toulouse, très sensibilisé aux enjeux de violences sexuelles et sexistes, a suscité de multiples perturbations au sein de l’établissement « .
Il ressort des pièces du dossier que M A, étudiante au sein de l’Institut d’études politiques, avec laquelle M. C a entretenu une brève relation, a déposé plainte le 9 novembre 2022 pour viol à l’encontre de ce dernier pour des faits survenus pendant leur relation. Cette plainte a donné lieu, le 28 novembre 2022, à un classement sans suite du procureur de la République, les faits ou les circonstances des faits de la procédure n’ayant pu être clairement établis par l’enquête et les preuves n’étant pas suffisantes pour que l’infraction soit constituée. Si, selon notamment certains témoignages recueillis, M A a fait part de son mal être à la suite de sa relation avec M. C, évoquant des actes sexuels non consentis, et qu’en janvier 2022, elle a souhaité changer de groupe de travaux dirigés, la commission ne pouvait toutefois pas reprocher au requérant » le fait de ne pas [avoir pris] en compte la situation de vulnérabilité matérielle et psychologique « et » sa propre perception de [la] relation « qu’il a eue avec M A, de tels motifs relevant d’une appréciation subjective des faits reprochés. Par ailleurs, l’administration n’établit pas davantage les » pressions et menaces « reprochés au requérant » envers ses pairs « Enfin, il ressort des pièces du dossier et, notamment du rapport d’instruction du 26 février 2023, que M. C n’a pas contribué à rendre publique sa relation avec M A, les perturbations mentionnées dans la décision attaquée semblant davantage résulter du mouvement de dénonciation publique et de sensibilisation aux enjeux de violences sexuelles et sexistes mené par plusieurs associations d’étudiants, notamment par la voie d’un tract critiquant la décision de la commission de discipline du 5 septembre 2022 qui avait rejeté les poursuites disciplinaires à l’encontre du requérant, » malgré la vague Science Porc « , et qualifiant ce dernier de » potentiel agresseur « . Au demeurant, le 28 novembre 2022, M. C a déposé une plainte, toujours pendante, pour » harcèlement scolaire « , laquelle a été réitérée le 15 février 2023 au vu de ce mouvement de dénonciation publique. Ainsi, il ne ressort pas des pièces du dossier que M. C aurait eu un comportement qui aurait porté atteinte à l’ordre et au bon fonctionnement de l’établissement. Par suite, la sanction d’exclusion de trois ans, qui affecte nécessairement la poursuite des études du requérant, présente un caractère disproportionné ».
Subséquemment à ses constatations, le tribunal a annulé la sanction.
Tribunal administratif de Toulouse, 4ème chambre, 18 janvier 2024, n° 2302299