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Instruction en famille : Enseignements des victoires récentes du cabinet

L’actualité jurisprudentielle de l’instruction en famille a été enrichie récemment par différentes juridictions. Le cabinet vous propose un tour d’horizon dans cette période charnière où s’ouvre la période de dépôt de demande d’autorisation d’instruire en famille.

Tout d’abord une première décision du Tribunal administratif de Nancy est à relever. Si elle se fonde sur des éléments médicaux (certificats de psychologue) et s’inscrit à cet égard dans un sillon déjà tracé, elle reste très intéressante en ce qu’elle traite une question plus courante qu’il n’y paraît, celle de la gémellité.

La décision retient que les liens existants entre les jumeaux et les subséquences potentielles en cas de séparation non préparée inclinent à retenir que l’instruction en famille est la voie d’instruction la plus conforme à l’intérêt de l’enfant.

Dans le détail, le tribunal juge que :

« Il ressort des pièces du dossier et notamment de l’attestation établie par une psychologue du centre hospitalier régional universitaire de Nancy le 29 juillet 2024 que X. a besoin d’un temps conséquent pour communiquer avec des personnes non familières et qu’il réagit mal à toute tentative de forçage pouvant générer des épisodes de violence pendant plusieurs jours. Cette professionnelle de santé ajoute que l’entrée à l’école pourrait se révéler déstabilisante pour X., au regard de ses particularités comportementales et relationnelles observées lors de la consultation, l’instruction dans la famille pouvant répondre à un besoin temporaire de cet enfant. La psychologue précise enfin que X. et sa sœur, nés grands prématurés, ont, en raison de leur gémellité, développé des liens forts les unissant, si bien que toute séparation non programmée ou imposée est source d’angoisse massive. Au regard de ces éléments, du comportement de X. et des liens unissant ce dernier à sa sœur, les requérants sont fondés à soutenir que le service a commis une erreur d’appréciation au regard des dispositions précitées en estimant que ces éléments ne permettaient pas d’établir la réalité d’une  situation propre des enfants des requérants, de nature à fonder la délivrance d’une autorisation de les instruire dans la famille solution qui, en l’absence de précision apportée par le recteur quant à la nature des aménagements spécifiques pouvant être mis en œuvre, apparait comme étant, de manière au moins temporaire, la solution la plus conforme aux intérêts de X. et de Y.. » (TA Nancy, 13 février 2025, n° 2402426 et 2402428).

Si la décision s’avère donc très satisfaisante sur les deux points relevés, il reste que le tribunal ne se prononce pas sur l’erreur de droit soulevée, laquelle à trait au contrôle que peut opérer le Rectorat sur la notion de situation propre.

En vertu de l’économie de moyens, le juge administratif peut ne statuer que sur un seul moyen si son admission emporte satisfaction de toutes les demandes du requérant, ce qui est le cas en l’espèce.

Les décisions sur ce point étant contrasté, il aurait été préférable que le Tribunal s’y engouffre, à l’instar du rapporteur public qui concluait dans cette affaire.

Dans une seconde affaire jugée le même jour, le Tribunal administratif de Nancy a eu l’occasion de se prononcer sur les conséquences, en termes de voie d’instruction, d’une cellule familiale binationale ou bi linguale.

Il a retenu qu’une telle situation justifiait là encore une pratique de l’instruction en famille puisque seule cette dernière pouvait répondre opportunément à la situation de l’enfant, surtout lorsque l’ainée de l’enfant était autorisée à recevoir l’instruction en famille :

« Toutefois, il ressort des pièces du dossier, en particulier du projet pédagogique élaboré pour l’enfant, que A. dispose d’une double nationalité, française et américaine, et qu’une partie de sa famille maternelle vit aux États-Unis, pays dans lequel il se rend régulièrement avec ses parents. À cet égard, les requérants font valoir que leur projet pédagogique inclut une part significative d’apprentissages en anglais des différentes matières scolaires, afin que A. développe, outre sa pratique de l’anglais américain, une double culture, notamment dans la perspective d’une future installation de la famille aux États-Unis et partant, d’une scolarisation et d’une socialisation dans une école américaine. Il ne ressort pas des pièces du dossier, eu égard à la situation personnelle et professionnelle des requérants, que ce projet présenterait un caractère purement hypothétique ou éventuel. Si, ainsi que le soutient le rectorat en défense, la scolarisation en établissement public ou privé ne saurait avoir pour objet ni pour effet d’empêcher leur fils de bénéficier du bilinguisme de sa mère et de continuer à apprendre l’anglais, il n’est toutefois pas contesté que A. ne peut y bénéficier d’un enseignement des matières scolaires en partie en anglais américain et d’un enseignement comparable de la culture américaine. Au surplus, il ressort des pièces du dossier que la sœur de A., B., âgée de quatre ans, a été autorisée à être instruite dans la famille pour l’année scolaire 2024/2025 sans que le rectorat n’apporte aucun élément permettant de comprendre l’appréciation distincte portée sur la situation des deux membres de la fratrie. Ainsi, dans les circonstances de l’espèce, les requérants sont fondés à soutenir que la commission académique, qui n’a d’ailleurs pas contesté l’existence d’une situation propre à A. motivant le projet éducatif d’enseignement, ni le fait que ce projet pédagogique répondait à la situation particulière de l’enfant, ainsi qu’aux exigences pédagogiques rappelées au point 2, a commis une erreur d’appréciation en considérant que l’instruction en famille n’était pas en l’espèce, au regard de ces éléments, la solution la plus conforme à l’intérêt de leur enfant. » (TA Nancy, 13 février 2025, n° 2401617).

Sur la question du bilinguisme, la Cour administrative d’appel de Versailles (dossier que nous ne portions pas) est venue confirmer cette approche en retenant que :

« La commission académique compétente a refusé à M. X. l’autorisation d’assurer en famille l’instruction de son fils Y. aux motifs, d’une part, que les éléments constitutifs de sa demande n’établissaient pas l’existence d’une situation propre à l’enfant motivant le projet pédagogique et, d’autre part, que l’examen des avantages et des inconvénients respectifs d’une instruction au sein d’un établissement scolaire public ou privé et au sein de la famille permettait de considérer que la modalité d’instruction la plus conforme à l’intérêt d’Y. était l’instruction au sein d’un établissement scolaire public ou privé.

Il ressort toutefois des pièces du dossier que M. X. est un militaire travaillant pour l’Organisation du traité de l’Atlantique nord (OTAN), qui change régulièrement de domicile, ce qui a conduit la famille à vivre en France et au Luxembourg avant de revenir en France, tout en voyageant régulièrement en Europe et aux Etats-Unis pour accompagner M. X. lors de ses déplacements. Par ailleurs, M. X. étant de nationalité française et Mme X. de nationalité américaine, leur fils Y. est totalement bilingue et le bilan psychométrique réalisé le 26 août 2023 par une psychologue relève qu’Y. présente un profil intellectuel atypique mettant en évidence un haut potentiel intellectuel nécessitant une pédagogie adaptée et individualisée et que l’apprentissage dispensé jusque-là en famille présente un caractère tout à fait satisfaisant. Dès lors, M. X., par ses éléments, fait état d’une situation propre justifiant qu’il soit dérogé au principe de l’instruction au sein d’un établissement d’enseignement public ou privé, d’autant plus qu’il ressort des dernières pièces produites par le rectorat que l’administration a donné son accord à un enseignement à domicile au titre de l’année 2024/2025.

Par ailleurs, en ce qui concerne les mérites respectifs de l’instruction en famille ou de la scolarisation, il n’est pas contesté que la famille pourrait être conduite à déménager de manière fréquente à l’étranger et que l’instruction en famille constitue un facteur de stabilité pour Y., tout en permettant de maintenir par une instruction appropriée le bilinguisme de cet enfant, ce qu’une instruction dans un établissement public ne pourrait garantir, l’administration ne pouvant contraindre, sous prétexte d’obligation scolaire, une famille à exposer des frais importants, par une inscription dans un établissement privé. Enfin, le résultat du bilan psychométrique mentionné au point 6 conduit à privilégier, dans cette appréciation des mérites respectifs de la scolarisation ou de l’instruction en famille, cette dernière solution pour le bien de l’enfant. » (CAA Versailles, 12 février 2025).

Si la décision est donc incontestablement une victoire en l’espèce, elle reste mitigée sur le principe puisqu’elle retient une formulation qui commence à revenir, à savoir : « une situation propre justifiant qu’il soit dérogé au principe de l’instruction en établissement ».

Formulation qui outre son aspect manifestement contra legen au regard des dispositions du 4° de l’article L. 131-5 du code de l’éducation, traduit une conception très restrictive. Une décision dont il conviendra donc d’user avec prudence.

Enfin, relevons une dernière décision, rendue par le Tribunal administratif de Dijon en fin d’année 2024. Cette dernière s’avère intéressante pour les familles de jeunes enfants confrontées, régulièrement, à l’âge seuil de certains diagnostics. Dans cette affaire, le Tribunal a retenu que :

« Il ressort du projet éducatif présenté par M. C et Mme A que l’existence d’une situation propre à leur enfant est notamment caractérisée, au-delà de ses besoins en termes de sommeil et de son hypersensibilité, par un développement psychomoteur atypique nécessitant une prise en charge hebdomadaire en psychomotricité et en orthophonie depuis décembre 2022. Si ces difficultés n’ont pu être spécifiées au regard de l’âge de l’enfant né en 2021, il ressort des pièces du dossier et notamment des certificats, attestations, bilans, nombreux et circonstanciés, émanant de médecins, psychomotriciens, ostéopathes ou orthophonistes versés à l’instance, que la poursuite d’une prise en charge particulière est nécessaire, tant sur le plan médical que social, et que l’adaptation à la vie en collectivité reste incertaine. En outre, le projet éducatif expose de manière détaillée la situation propre de l’enfant, ses besoins spécifiques et les modalités envisagées pour lui assurer, dans son milieu familial, à travers des méthodes et moyens pédagogiques décrits avec précision, la meilleure éducation possible dans le respect de l’intérêt supérieur de l’enfant. Enfin le recteur de l’académie de Dijon n’établit pas que les besoins spécifiques de l’enfant pourraient être pris en compte dans un établissement d’enseignement public ou privé. Dans ces conditions, dès lors que leur demande exposait de manière étayée la situation propre à leur enfant motivant, dans son intérêt, le projet d’instruction dans la famille et que la commission n’a formulé aucun grief sur le contenu qualitatif de leur projet éducatif, ni sur la capacité des personnes chargées de l’instruction de leur fils, M. C et Mme A sont fondés à soutenir que le refus d’autorisation d’instruction dans la famille qui leur a été opposé méconnait les dispositions du 4° de l’article L. 131-5 du code de l’éducation.

Il résulte de tout ce qui précède, sans qu’il soit besoin d’examiner les autres moyens de la requête, que M. C et MmeA sont fondés à demander l’annulation de la décision du 20 juin 2024 par laquelle la commission académique de Dijon a rejeté le recours préalable qu’ils ont formé à l’encontre de la décision du directeur académique des services de l’éducation nationale de la Nièvre du 2 mai 2024 » (TA Dijon, 29 novembre 2024, n° 2402741).

Bien que la motivation soit sibylline, le Tribunal fonde sa décision sur l’erreur de droit en retenant que la situation était étayée et le projet adapté aux besoins de l’enfant, bien que les motifs semblent également relever de l’erreur d’appréciation.

Si vous avez besoin d’une assistance en matière d’instruction en famille, n’hésitez pas à contacter le cabinet afin de rencontrer nos avocats en droit de l’instruction en famille.