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La sanction à titre conservatoire ne saurait perdurer

Le juge administratif est venu rappeler l’impossibilité de maintenir trop longtemps, pour une Université, une sanction provisoire et la nécessité de, soit mettre fin à la mesure, soit engager des poursuites dans un délai raisonnable.

Parce que certains faits disciplinaires supposent une protection rapide du service public, le code de l’éducation prévoit des mesures à titre conservatoire au bénéfice des chefs d’établissement et des présidents d’Université. Toutefois, des limites sont naturellement posées puisqu’il n’existe aucune garantie légale, ni aucun recours, contre les décisions prises à titre conservatoires.

L’article R. 712-8 du code de l’éducation dispose ainsi que :

« En cas de désordre ou de menace de désordre dans les enceintes et locaux définis à l’article R. 712-1, l’autorité responsable désignée à cet article en informe immédiatement le recteur chancelier.
Dans les cas mentionnés au premier alinéa :
1° La même autorité peut interdire à toute personne et, notamment, à des membres du personnel et à des usagers de l’établissement ou des autres services ou organismes qui y sont installés l’accès de ces enceintes et locaux.
Cette interdiction ne peut être décidée pour une durée supérieure à trente jours. Toutefois, au cas où des poursuites disciplinaires ou judiciaires seraient engagées, elle peut être prolongée jusqu’à la décision définitive de la juridiction ou de l’instance saisie.
2° Elle peut suspendre des enseignements, quelle que soit la forme dans laquelle ils sont dispensés. Cette suspension ne peut être prononcée pour une durée excédant trente jours ».

Dans l’affaire soumise au tribunal, le président de l’Université, en raison d’un signalement au titre de l’article 40 du code de procédure pénale (imposant à toute autorité publique de signaler tout délit au procureur), avait interdit l’accès à l’Université à un étudiant pendant plus de 90 jours.

Le juge est venu rappeler qu’un signalement n’est pas une instance pénale et qu’en l’absence d’une telle instance, et de toute saisine de l’autorité disciplinaire, la décision d’interdiction d’accès prise à titre conservatoire était illégale par sa durée :

«3. Il ressort des pièces du dossier que le président d’Aix-Marseille Université a, le 27 octobre 2022, saisi le Procureur de la République, en vertu de l’article 40 du code de procédure pénale, afin de dénoncer les faits dont M. C se serait rendu coupable. Toutefois, un tel signalement n’emporte pas engagement de poursuite judiciaire, lequel est à la discrétion du parquet. Si Aix-Marseille Université fait valoir, par ailleurs, qu’elle attendait l’aboutissement de la procédure médicale permettant de s’assurer du caractère fautif et sanctionnable des agissements de M. C avant d’engager des poursuites disciplinaires, cette circonstance n’est pas de nature à pouvoir justifier la prolongation d’une telle mesure d’interdiction en vigueur depuis déjà 90 jours. Par suite, à la date de la décision attaquée, aucune poursuite disciplinaire ou judiciaire n’ayant été engagée, le Président de l’université a méconnu les dispositions précitées de l’article R. 712-8 du code de l’éducation et commis une erreur de droit en décidant de la prolongation de la mesure d’interdiction d’accès aux locaux sans l’assortir de poursuite judiciaire ou disciplinaire » (TA Marseille, 2e ch., 13 janv. 2025, n° 2302919).

Il est malheureusement fréquent que des mesures prises à titre conservatoire demeure trop longtemps, en l’absence de toute poursuite. En cas de difficulté en lien avec le droit disciplinaire, n’hésitez pas à nous consulter.