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Pas de place en classe ULIS: condamnation de l’Etat pour faute

L’Etat peut être condamné en raison de ses manquements au droit à l’instruction des élèves en situation de handicap, rappelle le tribunal administratif.

L’affaire portait sur un défaut de scolarisation d’un enfant souffrant de dyslexie sévère, de troubles visio-spatiaux, de dyspraxie, de dysgraphie, de retard du langage et de la parole. La Commission des Droits et de l’Autonomie des Personnes Handicapées (CDAPH), lui avait attribué une allocation d’éducation de l’enfant handicapé (AEEH) à raison d’une incapacité supérieure à 50% et inférieure à 80%. L’enfant avait été orienté en service d’éducation spéciale et de soins à domicile (SESSAD) et en accueil permanent pour une période donnée. L’enfant a cependant fait l’objet d’une prise en charge partielle au sein d’un Centre de Rééducation de l’Ouïe et de la Parole (CROP).

Compte tenu de ces éléments, la requérante a adressé au ministre de la santé et des solidarités une demande d’indemnisation des préjudices résultant du défaut de prise en charge adaptée de son fils.

Ainsi, afin de trancher ce litige, le Tribunal administratif de Rouen s’est appuyé sur le code de l’éducation. En effet, selon l’article L. 111-2 du code de l’éducation, tout enfant a droit à une formation scolaire qui, complétant l’action de sa famille, concourt à son éducation. Ainsi, le service public de l’éducation assure une formation scolaire, professionnelle ou supérieure aux enfants, aux adolescents et aux adultes présentant un handicap ou un trouble de la santé invalidant. De ce fait, l’Etat doit mettre en place des moyens financiers et humains nécessaires à la scolarisation en milieu ordinaire des enfants, adolescents ou adultes handicapés. (articles L. 111-1 et L.111-2 du même code).

En outre, tout enfant ou tout adolescent présentant un handicap ou un trouble invalidant de la santé est inscrit dans l’école ou dans l’un des établissements mentionnés à l’article L. 351-1, le plus proche de son domicile, qui constitue son établissement de référence.

Ces dispositions imposent à l’Etat et aux autres personnes publiques chargées de l’action sociale en faveur des personnes handicapées d’une obligation d’assurer une prise en charge effective dans la durée, pluridisciplinaire et adaptée à l’état comme à l’âge des personnes.

L’arrêt met en avant le fait que lorsqu’une personne en situation de handicap ne peut être prise en charge par l’une des structures désignées par la CDAPH en raison d’un manque de place disponible, ce fait est de nature à révéler une carence de l’Etat dans la mise en œuvre des moyens nécessaires pour que cette personne bénéficie d’une prise ne charge effectivement.

Toutefois, lorsque les établissements désignés refusent d’admettre la personne pour un autre motif, ou lorsque les représentants légaux estiment que la prise en charge effectivement assurée par un établissement désigné par la commission ne semble pas adaptée aux troubles de l’enfant, l’Etat ne peut être tenu pour responsable.

Enfin, en l’absence de démarche effectivement engagée auprès de la CDAPH, la responsabilité de l’Etat ne peut être engagée du fait de l’absence ou du caractère insatisfaisant de la prise en charge d’un enfant. Or, le juge estime qu’il incombe à l’Etat de renverser la présomption en produisant tout document afin d’établir que l’absence de prise en charge ne lui est pas imputable.

Dans cette affaire, le juge administratif estime que même une prise en charge partielle n’est pas de nature à exonérer la responsabilité de l’État qui doit répondre à ses obligations légales ci-dessus exposées.

L’Etat est condamné à indemniser les parents à hauteur de 20.000 € en raison des troubles dans les conditions de l’existence et du préjudice moral subi par les parents et leur enfant mineur résultant, notamment, de la perte de chance de voir son état évoluer favorablement.

TA Rouen, 3 ème ch., 8 févr. 2024, n° 2103023.