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Du nouveau du côte de la jurisprudence (IEF)

Au milieu de la période estivale, qui bien souvent rime avec recours et contentieux pour les familles souhaitant pratiquer l’instruction en famille, le cabinet vous propose un point sur les décisions marquantes récentes.

Plusieurs décisions méritent, à notre sens, d’être signalées en ce qu’elles viennent éclairer les dispositions de l’article L. 131-5 du code de l’éducation.

Tout d’abord, commençons celles rendues dans le cadre de recours au fond par le tribunal administratif de Rouen.

Par sept décisions rendues au fond, le juge administratif a confirmé l’erreur de droit que nous soutenons de longue date, respectueuse de la lettre de la décision de la Haute Juridiction administrative, en censurant les décisions rendues aux motifs que :

« Il ressort des pièces du dossier, et notamment des termes de la décision du 13 juillet 2023 querellée, que la commission académique, pour rejeter la demande d’instruction en famille présentée par les parents d’Eléanore, ne s’est pas bornée à contrôler que la demande présentée par les intéressés exposait de manière étayée la situation propre à leur enfant, mais a porté une appréciation et remis en cause l’existence de celle-ci. » (TA Rouen, 16 juillet 2024, n° 2303323 et autres).

Par ces décisions, le Tribunal a donc fait droit à nos requêtes et remis au centre du jeu une interprétation légale satisfaisante quant à la notion de « situation propre à l’enfant », laquelle ne suppose aucune appréciation de la part du Rectorat.

Comme l’indiquait le rapporteur public sous la décision du Conseil d’Etat, l’administration ne connaissant bien souvent pas l’enfant, elle ne peut juger de la situation propre mais seulement de ce que cette dernière est étayée.

Au regard des nombreux refus opposés sur ce motif, nul doute que ces décisions viendront impacter les futures décisions de l’administration et les contentieux.

Sur un autre sujet, mais toujours par des décisions au fond, le Tribunal administratif de Poitiers nous a aussi suivi en considérant que, par principe, l’instruction en famille est plus intéressante pour un enfant dont les frères et sœurs sont instruits en famille :

« Il ressort des pièces du dossier que la circonstance particulière liée à l’éducation à domicile de l’ensemble de la fratrie du jeune X. est exposée dans le dossier de demande, qui fait également état des résultats de contrôles positifs obtenus sur cette éducation, qui ne sont pas contestés. Les requérants établissent ainsi l’existence d’une situation propre à l’enfant motivant le projet éducatif. » (TA Poitiers, 20 juin 2024, n° 2202583).

Cette décision peut se lire comme relevant que la balance des intérêts penche nécessairement vers l’instruction en famille en pareille hypothèse et s’inscrit dans la lignée de celles rendues sur nos requêtes par le Tribunal administratif de Versailles et, avant, celle de Strasbourg.

 

En référé, les batailles continuent et, après un début de saison assez difficile, notamment sur la condition d’urgence, les choses commencent à se décanter.

La Réunion est le premier TA a avoir suspendu un refus d’autorisation par une décision peu motivée mais pas moins essentiel en se basant sur la bonne articulation du projet éducatif à l’intérêt de l’enfant :

« 4. Le projet éducatif sur la base duquel Mme X et M. Y ont présenté leur demande d’autorisation d’instruction en famille expose de manière détaillée la situation propre de l’enfant Z., ses besoins spécifiques et les modalités envisagées pour lui assurer dans son milieu familial, à travers des méthodes et moyens pédagogiques décrits avec précision, la meilleure éducation possible dans le respect de l’intérêt supérieur de l’enfant. En l’état de l’instruction, le moyen tiré de l’inexacte application des dispositions du 4° de l’article L. 131-5 du code de l’éducation est de nature à créer un doute sérieux quant à la légalité de la décision de la commission académique refusant l’autorisation d’instruction en famille sollicitée par les parents d’Z.

Par ailleurs, la requérante justifie, en invoquant non seulement la proximité de la rentrée scolaire mais encore les perturbations que subirait l’enfant s’il devait commencer sa scolarité dans un environnement différent de celui auquel ses parents l’ont préparé, d’une atteinte grave et immédiate portée à la situation de la famille. La condition d’urgence est donc remplie » (TA La Réunion, Ord, 25 juin 2024, n° 2400704).

Cela est très intéressant dans la mesure où c’est bien l’articulation du projet éducatif qui a été la base de la décision.

Précisons que cette approche a également été conforté par le tribunal administratif de Rouen dans la série de décisions susvisées :

« Il ressort des pièces du dossier, et notamment de la décision du 24 août 2023 querellée, que le jeune X est atteint d’un trouble autistique, qui se manifeste, notamment, par des crises émotionnelles, une hypersensibilité et une précocité intellectuelle. Pour répondre à la situation propre à leur enfant, M. A. et Mme B.ont élaboré un projet éducatif de 111 pages qui combine des séances d’orthophonie, de psychomotricité et d’équithérapie, des activités de babyponey, d’athlétisme, d’anglais et d’éveil musical, et qui repose sur des méthodes pédagogiques de type « Reggio » et « Montessori ». Contrairement à ce qu’indique la décision attaquée, ce projet comporte les éléments essentiels de l’enseignement et de la pédagogie adaptés aux capacités et au rythme d’apprentissage d’X. En outre, et dès lors que l’autisme n’est pas une maladie, mais un handicap dont les manifestations sont décrites sous l’intitulé de trouble du développement d’origine neurologique, la situation propre à X. ne justifie pas, contrairement à ce que mentionne la décision du 24 août 2023, « des investigations médicales complémentaires » et « une démarche structurée et coordonnée par un médecin ». Enfin, les éléments produits par les requérants établissent que les besoins particuliers de leur enfant ne peuvent pas être pris en charge dans le cadre d’une scolarisation classique, même adaptée à sa situation propre. Dans ces conditions, M. A. et Mme B. sont fondés à soutenir qu’au vu de la situation de leur enfant, son instruction en famille, compte tenu de ses avantages et de ses inconvénients par rapport à une instruction dans un établissement d’enseignement, est la plus conforme à son intérêt. Dès lors, en refusant de délivrer aux intéressés une autorisation d’instruction en famille, la commission académique de l’académie de Normandie a commis une erreur manifeste d’appréciation dans l’application des dispositions précitées du 4° de l’article L. 131-5 du code de l’éducation. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance de ces dispositions doit être accueilli en cette branche » (TA Rouen, 16 juillet 2024, n° 2303174).

 

Le tribunal administratif de Besançon est également venu suspendre une décision de rejet que nous contestions en rappelant que l’instruction en famille ne supposait pas nécessairement une instruction totalement différente de celle dispensée par le service public (le recours au CNED n’empêche en rien une instruction individualisée) :

« Il résulte de l’instruction que X a bénéficié d’une instruction en famille depuis la classe de CM1 à la suite de troubles en CP et CE se manifestant notamment par des TICS, une hypersensibilité au bruit et une absence d’apprentissages dans ces deux classes. Il est constant que les comptes rendus d’évaluation y compris ceux de 2023 et 2024 versés au dossier ont conduit à la reconnaissance de la valeur pédagogique de l’enseignement dispensé par sa mère, éducatrice sportive. En outre, l’enseignement assuré à domicile et dispensé également à sa sœur aînée a mobilisé des méthodes relevant de la pédagogie alternative dite Montessori et de la pédagogie Freinet qui ne sont pas pratiquées au sein du service public de l’éducation nationale et qui ont été validées au cours de ces mêmes inspections. Enfin, l’organisation de l’instruction des enfants de la famille prévoit également des projets de manière collective ainsi que des cours de langues et des ateliers créatifs pour le frère et la sœur. Pour autant la décision attaquée est fondée sur l’absence de spécificité particulière permettant d’attester l’existence d’une situation propre à l’enfant et sur un projet éducatif reposant sur les ressources proposées par le CNED dont les contenus et l’organisation des enseignements sont identiques à ceux proposés en établissement scolaire. En conséquence, en l’état de l’instruction, le moyen tiré de ce que la décision en litige serait entachée d’une erreur de droit est de nature à créer un doute sérieux quant à la légalité de la décision contestée » (TA Besançon, Ord., 17 juillet 2024, n° 2401251).

Enfin, nous avons pu obtenir une première décision de suspension concernant un rejet d’une demande fondée sur le motif 2.

Les jurisprudences étant très rares sur ce fondement, la décision rendue en référé le 5 juillet dernier par le Tribunal administratif de Montpellier (n° 2403496) apparaît d’autant plus importante qu’elle met en exergue que dès lors que la pratique est avérée et que le projet éducatif apparaît sérieux (le CNED en l’espèce), l’autorisation doit être délivrée.

En attendant de nouvelles décisions favorables, et un assouplissement des Rectorats, n’hésitez pas à nous contacter en cas de difficultés liées à l’instruction en famille.