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Rapport sur le Contentieux de l’Instruction En Famille de l’Education Nationale !

Depuis longtemps, de nombreuses demandes en quête de statistiques officielles concernant les autorisations délivrées en instruction en famille sont formulées en vain.

Dans sa lettre d’information, à destination de ses services (voir ici), l’Education Nationale propose un bilan sur le contentieux de l’instruction en famille.

Autant le dire immédiatement, celle-ci ne tend aucunement à l’objectivité.

Avant d’évoquer le fond de la présentation, il convient de relever les statistiques contenues dans cette lettre.

On note qu’en 2022, plein droit compris, il y avait 60 638 demandes, dont 75% en plein droit. En 2024, il n’y en avait plus que 40 846. Il semble donc que l’entreprise de découragement menée à l’encontre de l’instruction en famille ait fonctionné à plein.

Selon le Ministère, les motifs 1 à 4 – plein droit exclu – ont obtenu 77% d’autorisation pour l’année 2024. La lettre ne précise pas si cela prend en compte les RAPO revenus favorables en 2025 pour la période 2024/2025.

Pourtant, il reconnaît une inflation contentieuse puisqu’il relève qu’« au 31 décembre 2024, on dénombrait ainsi près de 480 ordonnances de référé-suspension rendues par les tribunaux administratifs au titre de la campagne 2024-2025, alors que la direction des affaires juridiques n’a eu connaissance que de 280 ordonnances rendues par les juges des référés au titre de la campagne 2022-2023 ».

Surtout, seul 5% des familles refusées ont saisi le Tribunal administratif d’un recours en référé-suspension en 2024.

Enfin, il conclut cette partie en retenant que « Enfin, l’issue des décisions rendues par les juridictions administratives demeure très majoritairement favorable à l’administration puisque seulement 10 % des ordonnances de référé ont décidé la suspension de l’exécution du refus d’autorisation. S’agissant des recours – au fond – en annulation formés par les requérants à la date du 31 décembre 2024, sur les 90 jugements rendus au titre de la campagne 2024 2025, seuls 13 jugements sont défavorables à l’administration ».

Ces chiffres interrogent fortement (même si la clôture au 31 décembre du décompte et la limitation à la campagne de l’été dernier limitent notre vision statistiques) dans la mesure où sur une année calendaire, le cabinet dénombre bien plus de jugements favorables que celui indiqué. Or, le cabinet n’est pas le seul acteur contentieux.

En outre, ces chiffres ne tiennent pas compte du fait que beaucoup de référés ne sont pas référencés comme « gagné » du fait de l’octroi de l’autorisation en amont de l’audience ou que les dossiers gagnés en référé ne sont presque jamais jugés au fond ; les 10% et les prétendus 13 dossiers ne sont pas les mêmes.

A partir de ces seuls chiffres (que nous ne cautionnons pas), il en ressort que 28 % des contentieux (référé et fond cumulés) ont permis une censure de l’administration. Nombre assez éloigné de la vision présentée par le Ministère.

Sur le fond, la lettre se propose de prendre des jugements d’espèce très particulier pour indiquer, pêle-mêle, qu’il n’y aurait pas d’urgence pour les motifs 1 ou encore qu’il serait nécessaire de justifier d’une spécialisation et de compétitions pour le motif 2.

Sur le motif 4, le Ministère retient que rien ne justifie une situation propre à l’enfant, à l’appui de jurisprudence parfois plus que douteuses.

Ainsi, la lettre retient que :

« Le multilinguisme de l’enfant n’a pas non plus été retenu dans plusieurs jugements comme constituant une situation propre à l’enfant motivant le projet éducatif (cf. TA. Dijon, 29 novembre 2024, n° 2403077). Plus précisément, a été écartée la circonstance qu’une enfant « sui[ve] un enseignement trilingue qui lui est indispensable dès lors que de nombreux membres de sa famille résident à l’étranger et ne parlent qu’en anglais » (TA Melun, 8 novembre 2024, n° 2410733), qu’elle « [soit] exposée à une diversité linguistique du fait de sa double nationalité française et italienne [et] qu’elle manifeste de l’intérêt pour la langue anglaise » (TA Grenoble, 23 décembre 2024, n° 2406086), qu’elle « ait commencé à apprendre d’autres langues (langue des signes, anglais, mandarin) (…) [alors qu’elle peut] d’ailleurs continuer à apprendre les langues étrangères en dehors des cours » (TA Melun, 30 août 2024, n° 2407743) ou encore que des enfants « issus d’une famille anglophone d’origine américaine (…) doivent parfaire leur maîtrise de la langue anglaise afin de maintenir un lien avec cette culture au même titre que les autres membres de [la] fratrie » (TA Cergy Pontoise, 19 décembre 2023, nos 2308890 et 2308893) ».

Pourtant, ainsi que nous vous le relations, des décisions récentes, en février, sont bien allées dans le sens du bilinguisme comme constituant une situation propre, à la supposer nécessaire à l’obtention d’une autorisation. Une Cour administrative d’appel s’étant prononcée – favorablement – il est étonnant de voir que le Ministère en fait l’économie.

De même, le Ministère affirme que « Ainsi, la volonté des parents de mettre en place une méthode d’apprentissage pédagogique particulière a été regardée comme « n’[étant] (…) pas en tant que telle de nature à caractériser une situation propre à l’enfant lui-même » (cf. TA Cergy-Pontoise, 6 février 2024, n° 2213421) » sans préciser que la même juridiction a, par deux jugements, été dans le sens inverse.

Pour parer à ces critiques, le Ministère, jamais à court d’idées, précise que :

« Enfin, si certains tribunaux administratifs ont considéré que, pour apprécier l’existence d’une situation propre à l’enfant motivant le projet éducatif, l’administration dispose uniquement de la possibilité de vérifier la complétude du dossier et l’adéquation du projet éducatif avec la situation propre à l’enfant alléguée, sans exercer de véritable contrôle, ces décisions font l’objet de recours, en appel et en cassation de référé, qui sont actuellement en cours d’instruction devant les juridictions compétentes et ne semblent pas correspondre à la position du Conseil d’État (cf. CE, 13 décembre 2022, n° 467550, aux tables du recueil Lebon). ».

Il n’a cependant pas précisé que beaucoup des jurisprudences négatives qu’il cite font également l’objet d’un appel.

C’est donc une présentation tronquée du contentieux que propose le ministère en ne retenant, conformément à ses écritures contentieuses, qui sont en grande partie reprises dans la lettre, que les décisions le confortant, au détriment d’une réalité plus nuancée et donc, objective, du contentieux.

Cela n’annonce malheureusement rien de bon pour la session d’autorisation qui s’annonce.

Si vous rencontrez une difficulté en lien avec le droit de l’instruction en famille, n’hésitez pas à consulter notre équipe. En cas de refus d’autorisation d’IEF, consultez notre page recours.