Interdiction de mettre fin à un menu de substitution à la cantine en se prévalant de la laïcité et de la neutralité du service public
Une commune peut elle mettre fin à un menu de substitution à la cantine? Oui, mais sans se tromper sur le sens du principe de laïcité et de neutralité du service public.
Dans cette affaire, le tribunal administratif commence par citer les textes fondamentaux qui garantissent la liberté des cultes, y compris à l’école. Ainsi le juge rappelle que l’article 10 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789 dispose que » Nul ne doit être inquiété pour ses opinions, même religieuses, pourvu que leur manifestation ne trouble pas l’ordre public établi par la loi « . Il fait également application de l’article 1er de la Constitution selon lequel la République « assure l’égalité devant la loi de tous les citoyens sans distinction d’origine, de race ou de religion. Elle respecte toutes les croyances ». Le juge s’appuie dans le même sens sur l’article 1er de la loi du 9 décembre 1905 concernant la séparation des Eglises et de l’Etat : » La République assure la liberté de conscience. Elle garantit le libre exercice des cultes sous les seules restrictions édictées ci-après dans l’intérêt de l’ordre public « . De manière plus spécifique au droit de l’éducation, le juge cite enfin l’article L. 141-2 du code de l’éducation selon lequel » L’Etat prend toutes dispositions utiles pour assurer aux élèves de l’enseignement public la liberté des cultes et de l’instruction religieuse « .
Dans ce cadre, le juge rappelle la position jurisprudentielle du Conseil d’Etat:
« S’il n’existe aucune obligation pour les collectivités territoriales gestionnaires d’un service public de restauration scolaire de distribuer à ses usagers des repas différenciés leur permettant de ne pas consommer des aliments proscrits par leurs convictions religieuses, et aucun droit pour les usagers qu’il en soit ainsi, dès lors que les dispositions de l’article 1er de la Constitution interdisent à quiconque de se prévaloir de ses croyances religieuses pour s’affranchir des règles communes régissant les relations entre collectivités publiques et particuliers, ni les principes de laïcité et de neutralité du service public, ni le principe d’égalité des usagers devant le service public, ne font, par eux-mêmes, obstacle à ce que ces mêmes collectivités territoriales puissent proposer de tels repas. »
Autrement dit, un menu de substitution n’est ni obligatoire ni interdit.
En revanche, « Lorsque les collectivités ayant fait le choix d’assurer le service public de restauration scolaire définissent ou redéfinissent les règles d’organisation de ce service public, il leur appartient de prendre en compte l’intérêt général qui s’attache à ce que tous les enfants puissent bénéficier de ce service public, au regard des exigences du bon fonctionnement du service et des moyens humains et financiers dont disposent ces collectivités. »
Dans cette affaire, le juge relève que la commune de Tassin-la-Demi-Lune a mis fin à la pratique de distribution de menus de substitution au motif qu’elle méconnaissait les principes de laïcité, de neutralité du service public ». La commune n’invoquait aucune contrainte d’organisation ou de coût qui aurait pu potentiellement justifier le retour à un menu unique.
Or, le juge relève que le raisonnement tenu par la commune est entaché d’erreur de droit car « ces principes ne font pas, par eux-mêmes, obstacle à ce que les collectivités territoriales puissent proposer des repas de substitution dans les cantines scolaires ». Le juge enjoint à la commune de réintroduire le menu de substitution proposé aux élèves inscrits à la restauration scolair
TA Lyon, 4ème Chambre, 22 octobre 2024, 2303169 ; Voir également:CE, 11 décembre 2020, n° 426483