Référé Liberté et aménagement des examen à l’Université
Les étudiants en situation de handicap ou affectés par un état de santé altérant leurs conditions d’études ont le droit, selon le code de l’éducation, à des aménagements de leurs conditions d’études et de leurs conditions d’examens.
En effet, l’article L. 112-1 du code de l’éducation dispose que :
« Pour satisfaire aux obligations qui lui incombent en application des articles L. 111-1 et L. 111-2, le service public de l’éducation assure une formation scolaire, professionnelle ou supérieure aux enfants, aux adolescents et aux adultes présentant un handicap ou un trouble de la santé invalidant. Dans ses domaines de compétence, l’Etat met en place les moyens financiers et humains nécessaires à la scolarisation en milieu ordinaire des enfants, adolescents ou adultes en situation de handicap ».
Et l’article L. 112-4 dudit code précise que :
« pour garantir l’égalité des chances entre les candidats, des aménagements aux conditions de passation des épreuves orales, écrites, pratiques ou de contrôle continu des examens ou concours de l’enseignement scolaire et de l’enseignement supérieur, rendus nécessaires en raison d’un handicap ou d’un trouble de la santé invalidant, sont prévus par décret. Ces aménagements peuvent inclure notamment l’octroi d’un temps supplémentaire et sa prise en compte dans le déroulement des épreuves, la présence d’un assistant, un dispositif de communication adapté, la mise à disposition d’un équipement adapté ou l’utilisation, par le candidat, de son équipement personnel ».
Cet arsenal législatif est la subséquence du treizième alinéa du préambule de la Constitution de 1946, lequel a valeur constitutionnelle (DC n° 71-44 du 16 juillet 1971) et est invocable en référé-liberté, qui proclame « l’égal accès à l’instruction » sans distinction particulière.
Cependant, en pratique, de nombreux étudiants se voient refuser la mise en place de ces aménagements (par ex : TA Caen, 13 déc. 2024, n° 2403212) ou se voient appliquer très partiellement ceux-ci (par ex : TA Paris, 3 décembre 2024, n° 2226487).
La contestation devient alors un impératif pour eux. Toutefois, les délais procéduraux peuvent rendre difficile une contestation en temps utiles. Si un référé-suspension peut être introduit utilement lorsque la décision litigieuse se voit dotée d’une application prochaine mais non immédiate, traditionnellement le juge administratif refusait l’admission d’un référé-liberté pour les étudiants à l’Université.
En effet, le juge administratif admettait, en matière éducative, uniquement deux situations en référé-liberté : les situations de déscolarisation des élèves durant le cycle primaire ou secondaire et les situations de scolarisation mais où l’absence d’aménagements confinent à une absence d’instruction effective.
Ainsi, la liberté fondamentale de l’égal accès à l’instruction était comprise comme étant celle de l’égal accès des enfants à la scolarisation jusqu’à la fin du cycle secondaire. Il existait donc une restriction, notamment concernant les étudiants universitaires, dans l’application du principe, lequel dispose pourtant d’une rédaction large.
Récemment, une requérante nous a saisi en raison d’une urgence absolue. En effet, le mardi matin du début de ses épreuves de partiels semestriels, l’administration lui annonçait le refus, pour motif administratif, de mettre en œuvre les aménagements nécessaires à sa bonne composition. Aménagements qui lui étaient accordés sans discontinuité depuis les examens du baccalauréat jusqu’à son parcours en deuxième année de licence à l’Université.
Eu égard à cette urgence absolue, le choix d’un référé-liberté s’est imposé en dépit de la jurisprudence antérieure.
Le juge du référé-liberté a été convaincu de l’approche proposée et a retenu l’atteinte grave et manifestement illégale à l’égal accès à l’instruction ; il a enjoint, sous vingt-quatre heures, à l’Université de mettre en œuvre les aménagements. Il s’agit de la première fois que le juge du référé-liberté admet sa compétence pour un étudiant à l’Université et concernant des examens (jusqu’ici les décisions ont trait à la scolarité dont les conditions confinent à l’absence d’instruction ou à des situations de déscolarisation).
Il a ainsi retenu que :
« La privation pour une étudiante, notamment si elle souffre d’un handicap, de toute possibilité de bénéficier d’aménagements d’examens, selon les modalités que le législateur a définies afin d’assurer le respect de l’exigence constitutionnelle d’égal accès à l’instruction, est susceptible de constituer une atteinte grave et manifestement illégale à une liberté fondamentale au sens de l’article L. 521-2 du code de justice administrative, pouvant justifier l’intervention du juge des référés sur le fondement de cet article, sous réserve qu’une urgence particulière rende nécessaire l’intervention d’une mesure de sauvegarde dans les quarante-huit heures. Par ailleurs, si les conditions de déroulement d’un examen ne portent pas, par elles-mêmes, et alors même qu’elles seraient entachées d’une rupture d’égalité entre les candidats, atteinte à une liberté fondamentale, il en va différemment lorsqu’est en jeu le rétablissement de l’égalité entre les candidats au profit d’une personne atteinte d’un handicap par la mise en oeuvre des adaptations prévues par les dispositions citées au point 2. Le caractère grave et manifestement illégal d’une telle atteinte s’apprécie en tenant compte, d’une part, du handicap de la personne, d’autre part, des diligences accomplies par l’autorité administrative compétente au regard des moyens dont elle dispose […]
7. Il résulte de l’instruction que, pour prendre la décision contestée du 7 janvier 2025 refusant les aménagements sollicités à Mme X, à savoir l’octroi de l’usage d’un ordinateur ainsi que d’un tiers temps supplémentaire, l’université s’est fondée implicitement mais nécessairement sur la circonstance que la requérante avait consulté le médecin de l’université, le docteur Y, que le 17 décembre 2024, et non pas avant le 10 décembre 2024 comme l’exigeait la procédure instituée par l’établissement.
« Toutefois, ainsi qu’il a été dit aux points précédents, il résulte de l’instruction que Mme X a introduit ses démarches auprès de l’université Paris 1 Panthéon-Sorbonne, tendant au bénéfice de ces aménagements, dont elle avait d’ailleurs déjà pu bénéficier pour les épreuves du baccalauréat de l’année scolaire 2022-2023 ainsi que pour celles de l’année universitaire 2023-2024, depuis le 13 septembre 2024, et qu’elle avait réitéré ses démarches les 22 septembre et 12 novembre suivants. Ainsi, l’université pouvait raisonnablement, en l’absence de difficultés particulières alléguées en l’instance, dans l’instruction de sa demande, tenir compte du dernier certificat médical établi le 7 octobre 2024 par le docteur Z, pédopsychiatre au centre hospitalier de Luxembourg, faisant notamment état « d’une agoraphobie avec trouble panique (..), d’un trouble dépressif récurrent, épisode actuel moyen avec syndrome somatique (..). En outre la requérante soutient sans être sérieusement contredite que son état actuel de santé, associé aux traitements, entraine des problèmes de tremblements au niveau des mains, ainsi que des troubles de la concentration, nécessitant les aménagements sollicités, et que le médecin de l’université qu’elle a consulté le 17 décembre 2024, le docteur Y, a émis un avis favorable aux aménagements sollicités avant le début des épreuves du premier semestre de l’année 2024-2025. L’université Paris 1 Panthéon-Sorbonne, qui a nécessairement été destinataire de l’avis du médecin de l’établissement, ne saurait utilement faire valoir qu’elle est dans l’ignorance du contenu de cet avis, dont elle ne conteste pas le sens. Ainsi, les troubles relevés, de façon concordante, précise et circonstanciée par ces praticiens, combinés à la circonstance que l’intéressée avait déjà pu bénéficier de ces aménagements pour les années précédentes, doivent être pris en compte, dans la mesure où ils entraînent un retard et des difficultés médicalement établies et persistantes chez Mme Lombard en situation d’examen. Dans ces conditions, et en l’absence d’éléments médicaux contraires précis et suffisants de la part de l’université, la requérante apporte la preuve de la nécessité d’une compensation à sa situation de handicap.
« Il résulte de ce qui précède que l’octroi d’un tiers temps supplémentaire pour les épreuves de premier semestre de la session d’examen 2024-2025 ainsi que l’utilisation d’un ordinateur apparaissent justifiés par les éléments produits. Le défendeur doit ainsi être regardé comme ayant porté une atteinte grave et manifestement illégale à une liberté fondamentale» (TA Paris, Ord., 9 janvier 2025, n° 2500488).
Le juge en a donc tiré toutes les conséquences et a enjoint à l’Université d’accorder, dès la notification de l’ordonnance, les aménagements à l’étudiante pour les épreuves à venir.
Cette décision ouvre donc une brèche attendue et nécessaire pour permettre aux personnes en situation de handicap, ou souffrant d’un état de santé invalidant, de pouvoir obtenir une décision exécutoire immédiatement et non dans le délai du référé-suspension, lequel implique souvent une nouvelle convocation à de nouvelles épreuves.
Si vous rencontre une difficulté en droit de l’éducation, notamment en raison d’une situation liée à un état de santé, n’hésitez pas à nous consulter pour être accompagné.