
Renforcement du contrôle des écoles privées sous contrat: le ministère passe à côté de l’essentiel
La ministre de l’éducation nationale a lancé un plan, dénommé « Brisons le silence, agissons ensemble », pour lutter contre les violences dans les établissement d’enseignement privé sous contrat. Si les mesures sont intéressantes, elles font l’impasse sur l’essentiel, à savoir l’absence de droits garantis dans le code de l’éducation aux élèves et parents d’élèves dans les établissements d’enseignement privé.
Ce plan repose sur trois axes. Le premier vise à organiser une remontée systématique des faits de violence au sein des établissements privés sous contrat. Cela se ferait via l’application « Faits établissement », qui sert d’ores et déjà dans les établissements publics. En outre, chaque école et chaque établissement de l’enseignement public et de l’enseignement privé devra se doter d’une fiche procédure, communiquée à tous les personnels, pour garantir la bonne circulation et le traitement des signalements. La ministre a annoncé un décret en ce sens.
Le deuxième axe est l’amélioration du recueil de la parole, effectivement un point noir. A cette fin, des questionnaires anonymes en ligne seront diffusés pour les élèves en internat et à la suite de voyages scolaires s’ils comportent une nuitée. Avec le même objectif, la ministre annonce une évolution du 119 (modernisation de la plateforme, affichage dans les établissements recevant des mineurs, amélioration de la prise en charge des signalements).
Enfin, la ministre de l’éducation a annoncé un renforcement des contrôles des établissements privés sous contrat, avec le recrutement d’inspecteurs supplémentaires sur les deux prochaines années portant leur nombre à 140 (un chiffre qui reste très modeste au regard du nombre d’établissements privés). Leur profil et le périmètre de leur contrôle seront selon l’annonce élargis (personnels sociaux et de santé scolaire ; extension des contrôles au climat scolaire et à l’absence de maltraitances des élèves).
Des points restent absents de l’annonce de la ministre. Le plan ne concerne en premier lieu pas les établissements privés hors contrat.
Surtout, le plan fait l’impasse sur une des principales raisons de l’omerta dans les établissements scolaires privés: la totale liberté contractuelle accordée aux établissements. Il n’existe en effet aucune règle que ce soit en matière de droit à la continuité des études, de liberté totale du choix des élèves par les écoles, ou de garanties disciplinaires et de droits de la défense. Autrement dit, si un parent est en litige avec un établissement privé sous contrat, comme hors contrat, le code de l’éducation ne lui est pas applicable sauf à de très rares exceptions.
Il n’existe par exemple pas de mécanisme d’appel auprès de commission indépendante en cas d’exclusion ou de sanction disciplinaire lourde, comme c’est le cas dans le public. C’est également le cas en matière d’orientation où l’appel se fait en interne et non auprès du rectorat, alors que la décision s’impose aux établissements publics.
En matière disciplinaire, les droits sont inexistants: il n’existe pas de droit à la présence d’un avocat ni même à la collégialité en cas de conseil de discipline. Un établissement privé peut en outre tout à fait refuser l’inscription d’un élève l’année suivant, car les parents sont trop « tatillons » ou trop regardant sur la scolarité de leur enfant. Ce sont des cas très fréquents, au regard des dossiers traités par le cabinet.
Seul le code de la consommation peut dans certains cas prévenir certaines clauses abusives, mais ces dernières concernent principalement le volet financier (par exemple les abus sur les frais de scolarité). L’asymétrie de droits entre l’établissement et les parents est très importante ; le cadre juridique absent ne résultant que de contrats très succincts et rédigés aux bénéfices presque exclusifs des établissements, fait que tout parent qui se plaint de problèmes dans une école peut voir son enfant refusé les années suivantes. Tout parent d’élève qui viendrait témoigner de faits litigieux au profit d’un autre parent pourrait se faire également « blacklisté ». Cette épée de Damoclès est le principal obstacle à une remontée efficace des faits problématiques.
Ce n’est qu’en créant un cadre juridique plus protecteur des droits des parents et des élèves qu’on peut espérer faire évoluer les situations au sein des établissements privés sous contrat.