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Du contradictoire et des sanctions prononcées par le chef d’établissement

Le régime disciplinaire des élèves scolarisés est double ; il existe une procédure disciplinaire (conseil de discipline) et une sanction disciplinaire prononcée directement par le chef d’établissement.

En effet, conformément aux dispositions du code de l’éducation, dès lors que l’exclusion définitive de l’établissement n’est pas envisagée, le chef d’établissement peut sévir seul, sans réunir le conseil de discipline (lequel est l’unique organe compétent pour prononcer une exclusion définitive).

Toutefois, l’absence de conseil de discipline n’emporte pas l’absence de droits des élèves.

L’article R. 421-10-1 du code de l’éducation prévoit en effet que :

« Lorsqu’il se prononce seul sur les faits qui ont justifié l’engagement de la procédure disciplinaire, le chef d’établissement informe sans délai l’élève des faits qui lui sont reprochés et du délai dont il dispose pour présenter sa défense oralement ou par écrit ou en se faisant assister par une personne de son choix. Ce délai, fixé par le chef d’établissement, est d’au moins deux jours ouvrables.

Si l’élève est mineur, cette communication est également faite à son représentant légal afin que ce dernier produise ses observations éventuelles. Dans tous les cas, l’élève, son représentant légal et la personne éventuellement chargée de l’assister pour présenter sa défense peuvent prendre connaissance du dossier auprès du chef d’établissement.

En cas de nécessité, le chef d’établissement peut interdire, à titre conservatoire, l’accès de l’établissement à l’élève pendant le délai mentionné au premier alinéa. Cette mesure ne présente pas le caractère d’une sanction. »

Ces dispositions revêtent le caractère de garanties légales pour les élèves et leurs représentants légaux. En effet, afin de pouvoir présenter une défense sur des faits, il est nécessaire de respecter une phase contradictoire préalable permettant à l’élève de prendre connaissance du dossier disciplinaire et de présenter ses observations.

Outre l’aspect lié au respect des droits de la défense, il est également important de rappeler qu’une sanction revêt, par nature, une dimension subjective, liée à la personnalité de l’élève ; s’il ne peut s’exprimer sur les faits reprochés, la sanction dévie de son objectif d’individualisation et prend le risque de perdre sa portée pédagogique.

Saisi d’un litige sur cette question, le tribunal administratif de Paris a donné raison à la famille qui faisait grief au chef d’établissement de n’avoir pas respecté cette phase contradictoire en raison de l’absence d’éléments de preuve fourni par le Rectorat :

« 4. Pour justifier du respect de la procédure prescrite par les dispositions citées au point 2 du présent jugement, le recteur de l’académie de Paris fait valoir que Mme B reconnaît avoir été reçue par le proviseur. Toutefois, si cette dernière ne conteste pas cette rencontre, elle fait valoir qu’elle n’a pas reçu les informations prévues par l’article R. 421-10-1 du code de l’éducation préalablement à l’entretien avec le proviseur, celui-ci ayant évoqué, par téléphone, un simple rendez-vous « afin de parler de A». A cet égard, le recteur de l’académie de Paris ne produit aucune pièce de nature à établir que le chef d’établissement aurait informé A B et ses parents des faits qui lui étaient reprochés et du délai, qui ne pouvait être inférieur à deux jours ouvrables, dont ces derniers disposaient pour présenter leur défense oralement ou par écrit ou en se faisant assister par une personne de leur choix. Dès lors, la requérante et sa fille, qui n’ont pas été mises à même de préparer utilement la défense de cette dernière, ont été privées d’une garantie. Par suite, Mme B est fondée à soutenir que la décision du 22 mars 2022 est entachée d’un vice de procédure. » (TA Paris, 1re sect. – 2e ch., 19 nov. 2024, n° 2211066).

Par cette décision, classique dans la jurisprudence, le tribunal rappelle donc la nécessité de la phase contradictoire préalable à toute sanction. En outre, les juges du fond rappellent que la charge de la preuve du respect des dispositions de l’article R. 421-10-1 du code de l’éducation incombe au Rectorat ; à cet égard, une simple allégation ne saurait tenir lieu de preuve.

En cas de difficulté rencontrée en droit de l’éducation, n’hésitez pas à nous contacter pour vous informer sur vos droits.