Un maire ne peut pas procéder à un élagage forcé d’arbres privés situés sur la commune, tranche le tribunal administratif de Lyon, sauf à démontrer de manière sérieuse le risque que font peser les branches sur la sécurité publique.

Le maire de la commune de Neuville-sur-Ain  avait mis en demeure un de ses administrés de procéder à « l’élagage des arbres implantés sur sa propriété » puis a décidé de procéder à l’exécution forcée de son arrêté.

Le juge administratif, rappelle que  si le maire dispose bien d’un pouvoir de police qu’il tire du code général des collectivités territoriales, notamment celle de la circulation sur les voies publiques et privées ouvertes à la circulation publique,  toute mesure de police doit être adaptée et proportionnée.

Dans cette affaire, le maire s’était fondé sur le motif tiré de ce que les « arbres implantés » sur la propriété de la société requérante,  constituaient « un danger pour la circulation des usagers de la voie communale dite » Rue de la Rochette ». Selon le maire,  les branches « compromett(ai)ent aussi bien la commodité et la sécurité de la circulation que la conservation même du réseau routier, (et) perturb(ai)ent et menac(ai)ent les réseaux de transport d’électricité ».

Toutefois, le tribunal administratif rejette cette appréciation  » il ne ressort pas des pièces du dossier que l’avance des arbres implantés sur les parcelles cadastrées nos AD61 et AD126, dont elle est propriétaire, attentait à la sûreté et à la commodité du passage, dans la rue de la Rochette, à la date des arrêtés contestés ». Le juge relève que les éléments produits par la commune, pour la plupart anciens et pour certains relatifs à de simples troubles du voisinage, ne suffisent pas à démontrer l’existence de risques d’atteinte à la sûreté et à la commodité du passage des usagers et des riverains de la rue de la Rochette résultant de l’avance des plantations privées de la société requérante »

De même, si la commune défenderesse fait état de « l’impossibilité pour les véhicules de ramassage des ordures ménagères » de circuler dans la rue de la Rochette, elle ne l’établit pas. Il ne ressort pas non plus des pièces du dossier que les « branches » des arbre  dépassaient tellement sur le parking que les véhicules poids-lourds ne pouvaient plus stationner correctement.

Au surplus, il ressort des termes mêmes de l’arrêté contesté du 14 avril 2023 que l’autorité municipale ne s’est pas bornée à prescrire l’exécution forcée de travaux d’ « élagage » mais a également décidé de procéder, le 20 avril suivant à compter de 9 heures, à l’exécution forcée de travaux « d’abattage des branches des arbres et haies » implantés sur les propriétés de la société requérante, alors que de tels travaux ne sont pas au nombre de ceux prévus par ces dispositions et revêtent nécessairement un caractère disproportionné.

Par suite, le requérant est fondé à soutenir que les arrêtés étaient illégaux, comme entachés d’erreurs matérielles, non nécessaires et non proportionnés.

Le juge annule donc les décisions contestées.

TA Lyon, 7e ch., 9 févr. 2024, n° 2303200.

Par une décision rendue par la Cour administrative d’Appel de Bordeaux, l’université des Antilles a été condamnée à réparer le harcèlement moral dont a été victime l’un de ses fonctionnaires.

Dans les faits, le directeur général de l’Université des Antilles avait été victime de harcèlement moral et demandé au Président de l’Université de lui accorder le statut de la protection fonctionnelle en vertu de l’article L 134-5 du Code général de la fonction publique : « La collectivité publique est tenue de protéger l’agent public contre […], les agissements constitutifs de harcèlement ». A la suite d’un refus implicite du président de l’université de lui accorder ce statut, le directeur général a demandé au tribunal administratif de la Guadeloupe d’annuler la décision de refus ainsi que de demander à l’Université de réparer le harcèlement dont il a été la cible. Le tribunal administratif s’est limité à annuler la décision implicite de refus et ce sans reconnaitre ou réparer le harcèlement dont a été victime le requérant.

Dès lors, le requérant fit appel en espérant être indemnisé du préjudice moral résultant du harcèlement dont il a souffert. De nombreuses preuves permettaient de prouver le harcèlement moral vécu par le requérant ainsi que sa marginalisation au sein de l’administration de l’Université. Par exemple : « Il résulte des attestations d’agents versées au dossier qu’il était demandé aux agents de passer outre M. Malhey [le requérant] en s’adressant directement au président de l’université ou aux membres de son cabinet. » ou encore « Il n’est pas contesté que le président de l’université a indiqué lors de plusieurs réunions qui se sont tenues au cours de l’année 2020 qu’il «n’avait plus de DGS». ».

Le juge considère que : « M. X [le requérant] est fondé à soutenir que c’est à tort que, par ce jugement, le tribunal administratif de la Guadeloupe a rejeté sa demande tendant à la condamnation de l’université des Antilles à l’indemniser des préjudices subis à raison du harcèlement moral dont il a été victime. ». L’Université est donc reconnue coupable et est condamnée à réparer le préjudice moral dont a souffert le requérant.

Le préjudice moral dont le requérant a été victime est estimé à 5 000€ et le juge condamne l’Université des Antilles à verser cette somme au requérant.

Lire la décision en entier : CAA Bordeaux, 3e ch. (formation à 3), 6 févr. 2024, n° 21BX03074

Les préfets peuvent fermer des débits de boisson, mais à condition de respecter le cadre légal prévu par le code de la santé publique, rappelle le juge du référé du tribunal administratif de Toulon. L’affaire portait sur une fermeture administrative pour une durée de 6 mois, sanctionnant une ouverture illicite selon le préfet, suite à une erreur de récépissé relatif à la translation de la licence IV. Une vente d’alcool à un mineur était également reprochée.

Le juge retient tout d’abord l’urgence à statuer, nécessaire pour que ce juge de l’urgence puisse statuer. L’urgence est établie au regard des documents financiers et comptables produits, puisque l’établissement « a déjà accusé au cours des mois précédents, une baisse très substantielle de son chiffre d’affaires réalisé, ne laissant à Mme A C et à sa société, aucun bénéfice au cours de ce dernier mois, alors par ailleurs qu’il lui incombe de faire face au paiement d’importantes charges fixes ».

S’agissant des conditions pour prononcer une fermeture, le juge rappelle les dispositions  de l’article L. 3332-15 du code de la santé publique :

« 1. La fermeture des débits de boissons et des restaurants peut être ordonnée par le représentant de l’Etat dans le département pour une durée n’excédant pas six mois, à la suite d’infractions aux lois et règlements relatifs à ces établissements. / Cette fermeture doit être précédée d’un avertissement qui peut, le cas échéant, s’y substituer, lorsque les faits susceptibles de justifier cette fermeture résultent d’une défaillance exceptionnelle de l’exploitant ou à laquelle il lui est aisé de remédier.

2. En cas d’atteinte à l’ordre public, à la santé, à la tranquillité ou à la moralité publique, la fermeture peut être ordonnée par le représentant de l’Etat dans le département pour une durée n’excédant pas deux mois. Le représentant de l’Etat dans le département peut réduire la durée de cette fermeture lorsque l’exploitant s’engage à suivre la formation donnant lieu à la délivrance d’un permis d’exploitation visé à l’article L. 3332-1-1. 

3. Lorsque la fermeture est motivée par des actes criminels ou délictueux prévus par les dispositions pénales en vigueur, à l’exception des infractions visées au 1, la fermeture peut être prononcée pour six mois. Dans ce cas, la fermeture entraîne l’annulation du permis d’exploitation visé à l’article L. 3332-1-1. 

4. Les crimes et délits ou les atteintes à l’ordre public pouvant justifier les fermetures prévues au 2 et au 3 doivent être en relation avec la fréquentation de l’établissement ou ses conditions d’exploitation. () ».

Or dans cette affaire, le juge du référé considère  que le préfet a commis des erreurs de faits. Il considère également que le préfet a prononcé une fermeture d’une durée de 6 mois, trop longue au regard des faits établis.

La décision de fermeture administrative du débit de boisson est donc suspendue.

TA Toulon, 11 févr. 2024, n° 2400256.

A quelle condition un maire peut il édicter une annulation de circulation à tout véhicule hors ceux des riverains?  Le tribunal administratif de Poitiers répond dans une intéressante décision.

Le Maire s’était fondé  sur les « caractéristiques géométriques de l’impasse des Valérianes () (largeur de chaussée, défaut de visibilité au carrefour avec la rue des Basses Coutures), sans aucun aménagement de voirie protecteur existant ou aménageable » qui ne « permettent pas la circulation d’autres véhicules que ceux des riverains de cette voie pour accéder à leurs habitations ».

En droit, le maire se fondait sur  les dispositions de l’article L. 2213-4 du code général des collectivités territoriales. Or cet article ne permet une restriction de circulation que pour des motifs limités: soit tranquillité publique, soit la qualité de l’air, soit la protection des espèces animales ou végétales, soit la protection des espaces naturels, des paysages ou des sites ou leur mise en valeur à des fins esthétiques, écologiques, agricoles, forestières ou touristiques.

Le juge relève qu’il ne ressort pas des pièces du dossier que la limitation de la circulation imposée par l’arrêté contesté serait nécessaire au maintien de la sécurité publique. Le juge considère que les pièces produites en  défense par la commune sont sans rapport avec les questions évoquées, s’agissant de deux attestations de riverains de l’impasse qui indiquent que celle-ci était prévue pour 3 lots d’un lotissement, qu’il n’y a pas de trottoirs et que le ramassage des poubelles ne peut s’y effectuer.

En conséquence, en l’absence d’élément suffisamment précis démontrant la dangerosité de la circulation dans cette impasse et la nécessité de la sécuriser, la maire d’Arces-sur-Gironde a entaché ses décisions d’une erreur d’appréciation selon le tribunal.

 

TA Poitiers, 2e ch., 1er févr. 2024, n° 2102241.

Saisi par un requérant qui avait vu l’ouverture de son débit de boissons refusé par la Préfecture, le tribunal administratif de Lyon a suspendu la décision aux termes d’une ordonnance de référé intéressante.

En effet, en l’espèce, le juge administratif a été amené à apprécier l’argument souvent mis en avant par les Préfectures, tiré de ce que l’ouverture pourrait générer une accentuation de troubles à l’ordre public.

Il a tout d’abord retenu qu’il existait bien une urgence pour le débit de boissons à voir un juge se prononcer en retenant que :

« En l’espèce, alors que l’établissement Le Rhum-Riz exerce sur le territoire de la commune de Roanne, une activité de restauration et de débit de boissons, l’arrêté contesté a pour effet de lui interdire toute vente de boissons alcoolisées. Il résulte de l’instruction, et notamment du bilan prévisionnel et du document d’analyse de l’activité permettant de déterminer la faisabilité économique du projet que l’activité de bar pour laquelle la licence IV avait été notamment sollicitée représente 40 % du chiffre d’affaires escompté, que le chiffre d’affaires de l’établissement a déjà accusé au cours des mois d’octobre, novembre et décembre 2023, ainsi que cela ressort des relevés de compte bancaire produits, une baisse de plus de 58 % entre le chiffre d’affaires prévisible et celui réalisé, ne laissant à M. A et à sa société, aucun bénéfice au cours de ce dernier mois, alors par ailleurs qu’il lui incombe de faire face au paiement d’importantes charges fixes et au remboursement d’investissements, dont il justifie par les pièces versées au débat, qu’il ne pourrait, en tout état de cause, les résilier sans que soit accordée une compensation indemnitaire. Par suite, compte tenu de l’incidence immédiate de la décision attaquée sur son activité et alors, d’une part, que cette diminution de chiffre d’affaires est susceptible, à court terme, de mettre en péril sa situation financière et d’autre part, qu’il ne résulte pas de l’instruction que les conditions de fonctionnement de l’établissement soient à l’origine des troubles à l’ordre public visés dans ladite décision, la société requérante doit être regardée comme justifiant suffisamment d’une situation d’urgence. ».

Ensuite, s’agissant du doute sérieux sur la légalité de la décision attaquée, le tribunal a retenu une erreur de droit dans l’application des dispositions de l’article L. 3332-11 du code de la santé publique et une erreur de qualification juridique des faits en l’absence d’éléments de preuve tendant à accréditer la thèse de la Préfecture selon laquelle l’ouverture du débit de boissons serait de nature à accentuer les troubles à l’ordre public.

Il a donc suspendu le refus d’ouverture et enjoint à la Préfecture de délivrer le récépissé.

TA Lyon, 25 janv. 2024, n° 2400186.

Le juge administratif a eu à se prononcer sur la légalité de la mise en œuvre, par le chef de service (le Maire en l’espèce), d’un service de reconnaissance faciale fondé sur l’analyse de données biométriques afin de contrôler le temps de travail des agents.

Devant cette décision, le haut-commissaire de la République en Polynésie française a saisi le tribunal administratif aux fins de suspendre l’exécution de cette note de service en se prévalant de l’atteinte portée au droit au respect de la vie privée en résultant.

Au regard de la législation en la matière, et notamment les dispositions de l’article 9 du Règlement (UE) n° 2016/679 du Parlement Européen et du Conseil du 27 avril 2016, le juge a retenu l’existence d’un doute sérieux sur la légalité de cette décision et a décidé de la suspendre.

Une décision intéressante en matière de cadre juridique des pouvoirs du maire ou d’un chef de service, et plus généralement sur le droit au respect de la vie privée des agents publics.

TA Polynésie française, 31 janv. 2024, n° 2400029